21 octobre

SECURITE : « LE DIFFICILE, C’EST PAS D’Y DIRE, C’EST D’Y FAIRE »…

La sécurité, de toute évidence, n’a jamais fait partie des premiers sujets de préoccupation de l’actuel Président de la République : ce n’est manifestement pas dans son ADN intellectuel… C’était, néanmoins, une figure imposée de la fonction, et, il vient de s’y résoudre après cinq mois de mandat.

De ce qui fait figure, avant tout, d’exercice de communication à grand spectacle, on ne retiendra rien de très concret, en dehors d’un engagement de recrutements (qu’il faudra, néanmoins, confronter au solde des départs pour cause de retraite ou autre…) et d’accroissement de moyens (dans un contexte qui restera, quoiqu’il en soit, de pénurie criante…) pour les forces de police.

Pour le reste :

                1°) Un concept plus que flou de « police de sécurité du quotidien » ; qui, comme celui dont on prétend se démarquer tout en le ressortant du chapeau sous cette nouvelle étiquette, de « police de proximité », frise le pléonasme et le flatus vocis : a-t-on jamais vu quelqu’un militer pour une « police d’éloignement », ou « d’insécurité du quotidien » ?!... C’est enfoncer des portes ouvertes que de présenter comme une bouleversante nouveauté que la mission de la police est d’assurer l’ordre public et la sécurité des citoyens, et, de faire le constat qu’elle n’y réussit pas suffisamment, ou, qu’il faut, « en même temps », de la prévention et de la répression. Mais, concrètement, alors que des pans entiers du territoire échappent en grande partie à l’autorité de la loi –ces « territoires perdus de la République » où prospèrent toutes sortes de trafics illicites, dans un contexte de fermentation du fanatisme religieux, et, où les forces de l’ordre ne peuvent se risquer qu’en nombre, au risque du « caillassage »-, à qui fera-t-on croire à la résurrection des sympathiques « hirondelles d’antan » sur leurs bicyclettes ?! Gageons que, pour la communication politique, on mettra en exergue quelques belles images et que l’on s’appuiera sur une poignée de maires ravis de l’aubaine d’un renforcement ponctuel de leurs effectifs, mais, au-delà de la simple question –majeure-, des moyens matériels, c’est, de longue date, la démission de l’Etat sur tous les fronts qui est en cause dans cette dégradation tendancielle de la situation, et, il faudra autre chose que des gadgets médiatiques et de l’emphase sémantique incantatoire pour y porter le vrai remède. « Nouveau monde » ou pas, on ne va pas réinventer la police par oukase présidentiel !

                2°) Une annonce d’un allègement des tâches procédurales : on ne peut que souscrire à l’intention, mais… avec le scepticisme de ceux qui ont vu, sous toutes les majorités, de droite comme de gauche, le Parlement multiplier les embûches chicanières et les formalités bureaucratiques chronophages, fragilisant et embolisant la conduite des enquêtes et instructions pénales, cela, sous prétexte de renforcement des droits et garanties des personnes mises en cause –le plus souvent, de manière illusoire et artificielle, mais, en permettant à ministres et élus de se draper dans la posture flatteuse de la défense des libertés… Pour ne rien dire de la censure –parfois simplement supposée a priori-, du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l’homme, capables, à l’occasion, de rendre des décisions complètement « hors sol »… On attend donc avec curiosité a concrétisation d’une telle annonce… et le degré de résistance au tir de barrage prévisible des lobbies professionnels qui tirent intérêt de cette ankylose de la justice et de ses auxiliaires, ou, des idéologues de service… En tout cas, il ne faudrait pas que, par une vision purement technocratique et comptable des choses, on en arrive –comme cela se dessine-, à des dépénalisations massives, sous prétexte de « pragmatisme », qui seraient autant d’abdications de l’Etat face à la délinquance, et, un signal fort d’encouragement à toutes les transgressions.

3°) Un très aventureux engagement en matière d’éloignement du territoire des personnes en situation irrégulière ayant commis une infraction, car, comme on le dit dans la ville de l’ancien maire de Lyon, actuel ministre de l’intérieur, « le difficile, c’est pas d’y dire, c’est d’y faire ». Il faut, d’abord, dénoncer l’aberration que constitue l’état du droit actuel -que le Président ne prévoit pas du tout de remettre en cause–, qui, suite à la jurisprudence de la Cour européenne et à une loi du précédent quinquennat, permet à un étranger en situation irrégulière de rester « régulièrement » sur le territoire français, sans commettre d’infraction de ce seul fait -véritable « droit à l’illégalité » pour, peut-être, plusieurs centaines de milliers de gens, vivant, de ce fait, d’expédients, qui, bien souvent, par définition, ne peuvent que bafouer la loi… Et l’on sait, lorsque l’un d’eux, est sous le coup d’une condamnation, les obstacles, de droit et de fait, qui s’opposent à l’exécution d’une expulsion : il faudra plus qu’une sommation « jupitérienne » pour les lever !

4°) Une méconnaissance de la place de la justice : on a un peu le sentiment qu’il s’est agi, pour la parole présidentielle, de flatter subrepticement, chez les forces de sécurité, une sourde hostilité envers l’institution judiciaire –volontiers accusée par certains de saboter leur travail par ses exigences ou son ignorance de leurs contraintes. A rapprocher cette intervention de celle du premier ministre et de la garde des sceaux, récemment, on ne peut manquer de relever la formidable contradiction entre, d’un côté, la volonté affichée d’avoir une police efficace dans la lutte contre le crime et, de l’autre, pour la justice, la marche arrière enclenchée vers des conceptions pénales discréditées, celles-là mêmes dont Mme Taubira faisait la promotion dans l’ « ancien monde » : il ne faudrait pas que le « pragmatisme » revendiqué du haut de l’Olympe restât l’apanage de la police, au risque, non seulement, de disjoindre ces deux maillons indissolubles de la chaîne pénale, mais, aussi, d’accélérer la pente naturelle de nos concitoyens, médias aidant, à faire porter à l’institution judiciaire –bouc émissaire trop facile de tant de frustrations et d’incompréhensions-, la responsabilité de l’échec des politiques de sécurité.

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