Les chiffres noirs de cette justice qu’on dit pénale

Sécurité : le maillon faible

Note rédigée en 2002 après l’élection présidentielle

Au moment où un nouveau gouvernement prétend vouloir faire de la lutte contre l’insécurité l’une de ses principales priorités, avec un dynamisme quelque peu spectaculaire, côté ministère de l’intérieur –qui fait contraste avec une certaine atonie, côté ministère de la justice-, il est plus important que jamais de pouvoir disposer d’un bilan sincère et exhaustif de l’existant.

Et, en particulier, du « rendement » de la machine judiciaire répressive, puisque c’est elle, qui est chargée de transformer le « produit semi-fini » que constitue le fruit du travail policier, les procès-verbaux d’enquête, en « produit fini », sous la forme de la peine prévue par la loi, qui donne son nom et son sens à l’ensemble du processus « pénal ».

 

            A cet égard, comme chaque année, la Chancellerie vient de diffuser un opuscule intitulé « Les chiffres-clés de la justice ». Qui a le mérite, par rapport à l’« Annuaire statistique de la justice » (qui est beaucoup plus complet et détaillé, mais, qui ne paraît que plus tardivement, avec des chiffres remontant à deux ans), de permettre de disposer des données de l’année précédente (ce dont, au demeurant, à notre époque, est une « performance » qui signe le retard de l’appareil d’Etat dans un domaine aussi important, où le suivi devrait pouvoir se faire en temps réel, ou, au moins, en très léger différé !).

 

            Pour s’en tenir ici à la justice que l’on dit « répressive », les choix qui ont été faits pour la présentation de ce bilan -très sommaire et synthétique de toutes façons-, n’ont rien de neutre : il faut donc le passer au tribunal de la critique, et, le compléter par des informations puisées à diverses sources, pour prendre la mesure de ce qu’il faut bien appeler le « fiasco » pénal dans notre pays.          

 

            Qu’en est-il donc vraiment, de ce crime de « laxisme » qu’on impute souvent à cette justice que l’on dit « pénale » (= chargée de prononcer et faire exécuter des peines contre les coupables d’infractions) ?

 

Ce devrait a priori être d’une simplicité biblique ; la « bible » étant, ici, le petit livre -rouge ou bleu-, livre de chevet du magistrat pénal : avec, d’un côté, des infractions -crimes et délits-, comme un catalogue - bien déprimant-, de tout ce dont l’homme peut être capable pour nuire à son semblable ; et, de l’autre, des peines, le catalogue des risques, dont la lecture est proprement terrifiante et devrait, normalement, dissuader quiconque de s’y frotter [exemple du vol et de son « escalade » de la dissuasion, avec comme peines encourues selon les cas : « simple » = 3 ans et 45 000 € (300 000 F.) ; « aggravé » = 5 ans et 75 000 € (avec une circonstance), = 7 ans et 100 000 € (avec deux), = 10 ans et 150 000 € (avec trois) ; id. (avec ITT > 8 j) ; 15 ans (avec infirmité) ; 20 ans (avec arme -la simple menace d’un couteau suffit) ; 30 ans (en bande et avec arme –le « banal » hold-up) ; RCP (avec mort ou torture) ].

             

            Mais, il faut le dire à voix basse (pour ne pas susciter des vocations...) : tout ça, hélas, c’est un peu du cinéma... Ce glaive avec lequel la loi fait des grands moulinets, n’est trop souvent qu’un simple sabre de bois... La  justice « pénale », c’est un entonnoir, avec à l’entrée des flots d’infractions (un Niagara…), et, à la sortie : un petit filet de condamnations effectivement exécutées (presque du goutte à goutte...). Faire partie de cette « élite » des criminels condamnés qui font réellement leur peine, c’est une course d’obstacle, avec une élimination massive à chaque étape... (bien plus facile de passer les épreuves de qualification à Loft Story !). La justice pénale apparaît comme une grande machine à brasser du vide... En schématisant à peine : l’  « insécurité », c’est pour les honnêtes gens, et, la « sécurité » pour les malfaiteurs. La réalité, aujourd’hui, c’est qu’on peut, hélas, se dire que, trop souvent, « le crime paie » -ce qui n’est ni normal, ni moral, ni social...

 

En effet, à tous les stades de la mise en oeuvre de la loi pénale, on assiste à un divorce considérable entre le virtuel et le réel : un fossé énorme, et qui, au fil des réformes, ne cesse de s’élargir, entre les possibilités de sanction -souvent impressionnantes-, que prévoit théoriquement la loi, et, l’usage effectif qui en est fait. De fait, le risque pénal –celui d’être identifié, arrêté, poursuivi et condamné-, est, statistiquement, très faible, presque résiduel, comme l’exception au terme d’une « course d’obstacles », d’un « parcours du combattant » qui connaît de nombreuses sources de « pertes en ligne » à chaque étape.

 

            Exagération ? Les faits et chiffres sur la table, jugez-en :

 

                        I- PREMIERE ETAPE : L’ENQUETE

 

            D’emblée, on a très peu de risques, quand on a commis une infraction, de se faire prendre un jour : une proportion énorme des faits échappe, au départ, à la connaissance du système pénal, ou, ce qui revient au même, quand ils n’y échappent pas, ce sont leurs auteurs qui vont rester inconnus  (c’est la « 5ème dimension » du crime…)

 

                        * « Chiffre noir » des faits commis et non rapportés à la police, qui ne feront jamais l’objet d’enquêtes : en 2001, 4 061 M. faits constatés (+ 7,69 % ) sur bien plus commis en réalité, comme le montrent, entre autres, les enquêtes de victimation :

 

                                - Telle celle de l’ IHESI et de l’INSEE en 1999 (11 000 personnes interrogées sur la période 1997-1998), qui oblige à se demander si le nombre réel des faits commis, par rapport à ceux connus du système pénal, n’est pas 5 fois supérieur (rapport de 1 à 2,5 pour les vols, de 1 à 6 pour les destructions et dégradations de véhicules, de 1 à 2,3 pour les coups et blessures volontaires, de 1 à 66 pour les menaces et chantages…) ; l’équivalent d’un 1/4 des faits constatés, qui ne sont saisis  qu’en simple main courante ne sont pas repris dans les statistiques officielles (52 % des cambriolages déclarés, 9 % des vols de véhicules, mais la moitié des dégradations de véhicules…).

 

                                - De même, pour l’enquête du Conseil régional de l’Ile de France de 2002, pour la période 1998-2000 : 300 000 vols avec violence -pour 70 000 recensés et 110 000 mains courantes ; 800 000 agressions -pour 150 000 déclarées ; 58,84 % des victimes, seulement, portent plainte, s’agissant de vol de voiture, 43,7 % pour cambriolage, 31,95 % pour agression ; 6,67 % des gens ont été agressés, 7,93 % victimes de vols, 9,52 % de cambriolages, 14,85 % de vols de voiture, 18,91 % de destruction-dégradation de véhicule, 18,8 % de vol à la roulotte... : ce qui est sans commune mesure avec les cas traités effectivement par le système policier.

 

                                    * Faits rapportés mais non élucidés par l’enquête : dans 1/4 seulement des cas (24,92 % -chiffre en baisse régulière), sur le total de ceux qui sont dénoncés à la police, un auteur peut être identifié, permettant à la procédure d’avoir un minimum de suite concrète ; certains faits sont certes assez « visibles », dès lors qu’une plainte est déposée et permettent des taux plutôt élevés (homicides : 75,43 %, coups et blessures volontaires : 69,64 %, viols : 71,66 %…), mais, pour la grande masse, les auteurs restent inconnus : cambriolages : 8,04 %, délinquance dite de voie publique : 8,12 %, vols à la tire 3 %...

 

                        II- DEUXIEME ETAPE ; LA POURSUITE

 

                        Fort heureusement pour les délinquants, quand on se fait prendre, par accident, on a encore une bonne chance de ne pas être poursuivi : une part des enquêtes réussies ne rentrent dans le système judiciaire que pour en ressortir aussitôt (c’est la « trappe du Père Ubu »…). Ainsi, dans la « poubelle » des parquets, bon an mal an, s’engloutissent près de 9 procès-verbaux sur 10, classés sans suite répressive.

 

                        * En 2001, ont été traités près de 5 M. de procès-verbaux (4 938 989 sur 5 380 094 reçus, soit 91 %) ; sur ce nombre seuls 12,59 % ont fait l’objet de poursuites (et, 11,55 % des affaires reçues) : à peine plus d’une infraction sur 10…

 

                        C’est le chiffre le plus bas que l’on ait connu (plus d’un point de perdu en une seule année : en 2000, il était de 13,61 %) ; il y a dix ans, en 1991, le taux était de 21,59 % des dossiers traités (près de 42 % de diminution…) ; il avait baissé à 15,15 % en 1995, avant de remonter légèrement (16,04 % en 1997), avant de s’effondrer à 13,43 en 1998, mais il était demeuré ensuite au-dessus de ce niveau. En valeur absolue, les poursuites ont régressé de près de 7 % depuis dix ans –malgré l’ « explosion criminelle » qu’ a connue notre pays ! En valeur relative, la chute est encore plus spectaculaire, car, dans le même temps, le nombre d’affaires traitées a augmenté des deux tiers (3 091 264 en 1991) : si la « propension à poursuivre » était restée constante, on aurait dû avoir un accroissement comparable des poursuites…

 

                        Certes, depuis une dizaine d’années se sont multipliées les possibilités dites d’« alternatives aux poursuites » (classement sous condition, médiation, avertissement etc. outre la composition pénale), qui représentent aujourd’hui plus de 43 % du nombre des poursuites (x 7 depuis 1992). Ce qui a permis à la Chancellerie, depuis 1998, d’élaborer une notion de « taux de réponse pénale », qui agrège poursuites et autres formes de suites données ; cependant, sans contester nécessairement la valeur et l’utilité de ces « alternatives », il est bien évident qu’elles n’ont pas le même sens ni les mêmes conséquences du point de vue de la répression !

 

                        Egalement, pour tenter de limiter un peu l’effet que peut produire un aussi faible taux de poursuites, la Chancellerie, depuis 1998, recourt à la notion d’ « affaires poursuivables », en excluant les dossiers dans lesquels l’auteur est inconnu - soit, deux sur trois (66,5 % des dossiers traités, et, 64,9 % des dossiers reçus, avec une inflation considérable depuis dix ans : 44,6 % en 1991)-, ainsi que ceux où les infractions sont estimées mal caractérisées ou les charges insuffisantes (6,6% des dossiers traités) ; ce qui élimine ainsi près de trois sur quatre (73,1 %) des dossiers traités.

 

           Le cumul des deux notions permet ainsi d’afficher un « taux de réponse pénale » de 67,3 % en 2001 (d’ailleurs en légère diminution par rapport à 2000, où il était de 67,9 %), calculé sur les seules « affaires poursuivables », qui, s’il n’est pas dénué de pertinence, ne doit néanmoins pas abuser.

                       

            D’autant qu’une fraction de ces « affaires poursuivables » fait l’objet d’un classement sans suite (c’est l’effet du principe de l’opportunité des poursuites, mais ce peut être pour des causes tenant à l’enquête elle-même) : près d’une sur trois (32,7 %) ne fait l’objet d’aucune « réponse pénale », bien que les conditions juridiques en soient réunies (en augmentation de 4,8 % sur l’année 2000, où le taux était de 32,1 %).

 

            La conséquence, c’est qu’en définitive, le taux de classement sans suite, par rapport aux affaires traitées, tous motifs confondus, est de près de 88 %.

 

            * S’agissant des mineurs, par définition, les taux de réponse pénale et de poursuites sont plus élevés (il faut déjà savoir qu’on a affaire à un mineur, et, donc, avoir au moins un auteur identifié : les « non poursuivables » ne représentent que 13,4 % des affaires traitées et celles-ci, 89 % des affaires reçues) ; cependant, avec une augmentation des saisines du parquet de plus de 82 % en dix ans (180 127 contre 98 864 en 1991), le taux de poursuites, qui atteint 36,89 %, a chuté, en valeur absolue, de près d’un tiers (- 31,73 %) : on est passé de plus d’une poursuite sur deux (54,04 % en 1991) à guère plus d’une sur trois… En valeur relative,  surtout si on rapporte les chiffres à l’accroissement de la délinquance des mineurs, l’effondrement est encore plus sensible.    

 

            * On pourrait y ajouter et y assimiler, parmi les poursuites confiées à un juge d’instruction, qui relèvent encore de la « mise en état » des dossiers (36 398 en 2001, soit 2,7 % des « poursuivables »), celles qui ne déboucheront jamais sur une mise en examen (30 % des affaires terminées dans l’année) ; voire aussi, celles qui, après mise en examen, conduisent de même à des non-lieux (12,6 % des mises en examen).

 

                        III- TROISIEME ETAPE : LE PRONONCE DE LA SANCTION

 

                        Quand on a eu le malheur, malgré tout, d’être poursuivi, puis, d’être reconnu coupable, on peut, quand même arriver à échapper à la condamnation, ou, en tout cas, écoper d’un minimum, très en-dessous de ce qu’affiche la loi :

 

                        1°) D’abord, parce que la peine prévue par la loi, c’est du « chewing-gum » (peines « caoutchouteuses ») : il y a un “virus” dans la 1ère partie du code pénal (consacrée au régime général des peines), qui altère complètement tout le reste...

 

                       * La loi ne fixe plus, en principe, qu’un maximum, un plafond sans plancher (ou, tout comme) : le juge peut toujours descendre jusqu’au minimum minimorum de l’échelle des peines (sans même avoir besoin, comme sous le précédent code pénal, d’invoquer les « circonstances atténuantes »), sans limite en matière correctionnelle (art. 132-19 et 132-20 C.P.) ; étant précisé qu’en matière criminelle, le minimum est, en théorie de deux ans pour une peine perpétuelle, ou, un an pour les autres (art. 132-18 C.P.) -mais, avec sursis possible, voire, prononcé seulement d’une amende si elle est prévue (art. 132-17 C.P.) ; par exemple, le crime de terrorisme qui consiste à empoisonner l’environnement en provoquant la mort des personnes, peut déboucher, en théorie sur... 1 €. d’amende (pour la R.C.P. encourue) -avec sursis ! (art. 421-2 et 421-4 C.P.).

 

                                    * Ce maximum est lui-même incertain quand il s’agit de la peine « maximale » (« capitale »...) : on verra comment la « perpétuité » (sic) peut durer, dans les textes, moins de quinze ans ou au moins trente ans (du simple au double !) et, parfois, être inférieure à des peines à temps (par exemple, de trente ou vingt ans, voire moins en cas de récidive, en prenant en compte la période de sûreté...).

 

                                    * La loi met sur le même plan, juridiquement, des peines de nature et d’intensité très différentes, comme l’emprisonnement et la gamme des mesures dites « de substitution » ou « alternatives à l’emprisonnement », -en permettant au juge, dans de très nombreuses hypothèses, de recourir à de telles mesures pour remplacer la prison -pourtant prévue directement par le texte qui réprime l’infraction (art. 131-5, 131-6 , 131-8 et 131-9 C.P.), voire l’amende (art. 131-7 C.P.). Par exemple, un gros trafic de stupéfiant valant dix ans de prison peut se ramener à...la simple confiscation de la drogue saisie, ou, un retrait de permis de conduire (art. 222-36 et 222-44 C.P.).

 

                                    * La loi autorise, dans le même ordre d’idée, le prononcé d’une simple mesure complémentaire à titre de peine principale (art. 131-11 C.P.) : ainsi, par exemple, un  délit de corruption ou trafic d’influence puni normalement de dix ans de prison (art. 433-1 C.P.) peut être sanctionné... d’une simple mesure d’affichage de cette condamnation à l’affichage (art. 433-22 C.P.)...

 

                        2°) Ensuite, les peines prononcées sont, pour les « gros bataillons de la délinquance », dans le bas de la « fourchette », très loin du maximum possible :

 

                        Tous les faits commis sous une même qualification n’ont pas, bien sûr, la même gravité, objective ou subjective ; il est normal que les peines s’étalonnent en fonction des circonstances effectives, de la personnalité du mis en cause etc. Mais, force est de constater que les juges, dans l’ensemble, et pour ce qui constitue le plus courant de l’activité répressive, son « tout-venant », son « droit commun », restent très nettement plus près du « plancher » de pénalité possible, que du « plafond » ; en sorte que la tonalité générale qui s’en dégage fait apparaître le plus souvent la menace que comporte la loi comme plus ou moins dérisoire : à partir d’un trop grand et trop fréquent décalage entre théorie et pratique, virtuel et réel, c’est la signification même de la loi pénale qui est remise en cause.

 

                        * En droit :

 

                                    - Comme si la marge considérable offerte au juge ne suffisait pas, la loi a prévu de l’élargir encore, en permettant des modalités de diversification qui peuvent dénaturer complètement la prévision normale des textes : ainsi, outre les sursis, des « échappatoires » sont possibles, comme la dispense de peine ou l’ajournement (art. 132-58 C.P.), ou, la semi-liberté ab initio (art. 132-25 C.P.)...

 

                                    - Mieux encore, on a inventé la peine « contractuelle », celle qui exige l’accord du condamné -comme s’il était associé par là à la décision : ainsi, avec le travail d’intérêt général (art. 131-8 C.P.)...

 

                        * Dans les faits :

 

                                   - Globalement, le nombre de condamnations est en baisse ; pour s’en tenir aux crimes, délits et contraventions de 5ème classe (peines principales), en 2001 : 548 746, en 2000 : 580 039, soit, une baisse de plus de 5 %, amplifiant le recul de 1999 (585 745, soit –1 %) ; - 9,3 % en trois ans seulement, malgré l’augmentation de la délinquance... Si les comparaisons dans le temps sont délicates, eu égard aux effets des lois d’amnistie et aux changements législatifs, force est de constater que le niveau, au début des années 1980, se situait bien au-dessus (733 846 en 1985, par exemple, soit une chute d’1/4) ; et que, même à champ constant (cf. Annuaire statistique), on était encore au-dessus, avec l’équivalent de 600 000 condamnations environ (soir, 9 % de baisse) : eu égard à l’ « explosion criminelle » qu’a connue notre pays depuis, cette baisse en valeur absolue, même limitée, traduit en réalité, en valeur relative, un véritable effondrement de la répression pénale.

 

                                    - Statistiquement, on est, dans l’immense majorité des cas, très en dessous du maximum encouru possible -en tout cas, en matière correctionnelle (les faits criminels, sont très « visibles » et obéissent à une autre logique, mais, sont statistiquement marginaux, et, connaissent un décalage qui, pour être important, est un peu moins marqué) : si bien qu’on peut se demander (en tout cas pour les infractions les plus courantes) ce qu’il faudrait faire pour le mériter... Ainsi, d’après les chiffres de la Chancellerie (Les chiffres-clés de la justice -octobre 2002-, pour l’année 2001, et, Etudes et Statistiques justice n° 19 sur les condamnations en 1999 et 2000 à partir du Casier judiciaire), si le quantum moyen de prison est tout de même de 14,6 années en matière de crimes, il n’est plus que de 7,7 mois en matière de délit (mais, 6,9 mois pour l’Annuaire statistique en 2000 : soit, - 9 %) alors que la peine encourue est, la plupart du temps, au moins de deux ou trois ans, et, peut monter, pour des faits qui n’ont rien d’exceptionnel, jusqu’à dix ans (avec doublement possible en cas de récidive, situation fréquente, mais peu prise en compte en pratique : s’il n’y a pas de statistique générale –inacceptable lacune-, on sait déjà que 10 % des condamnés environ font l’objet de plusieurs condamnations dans une seule année -ce qui donne une idée de la réitération sur plusieurs années !). Quant à l’amende, le montant moyen est de 558 € (3 721 F. en 2000, soit 567 € : une baisse de 1,6 %) ; il était, en 2000, de 4 100 F. (625 €) pour les délits (alors que l’inflation est passé par là pour les maxima et que, dans la majorité des cas, le plafond encouru est entre 50 ou 100 fois supérieur...) ; encore faut-il réaliser que les moyennes sont trompeuses, car elles cachent une forte dispersion : un petit nombre de lourdes peines (spécialement, criminelles) « tirent » les moyennes vers le haut, alors qu’en fait, l’écrasante majorité des sanctions, comme on va le voir, se concentre vers le bas.

 

                        - En particulier, s’agissant de la prison -dont la loi, par une attitude typiquement «  névrotique », tout en la prévoyant très fréquemment, fait tout, néanmoins, pour dissuader de son application -comme si elle en avait honte ou peur... De fait, l’emprisonnement ferme est presque marginal (et, en baisse constante) : il fait un peu figure de « résidu », par rapport à toutes les hypothèses où il est prévu ; ainsi, déjà, moins d’une peine sur deux prononcées par les tribunaux correctionnels comportent une forme d’emprisonnement (268 761 condamnations sur un total, majeurs et mineurs confondus, de 548 746, soit : 48,97 %, l’amende représentant 34,5 %, les « alternatives », 10,84 %), mais, près des trois quarts, en réalité, de ces peines supposées « d’emprisonnement » sont assorties d’un sursis et les deux tiers, d’un sursis total (seules 96 088 comportent une partie ferme, soit : 35,75 %) ; si bien qu’en définitive, seules 17,51 % des condamnations correctionnelles comportent une partie ferme (une sur six environ). Pour les mineurs, c’est moins d’une sur dix (8 305 sur 85 576, soit, 9,7 %).

 

                                    - Le nombre de condamnations à l’emprisonnement correctionnel, ferme ou avec sursis, ne cesse de régresser : - 5 % de 2000 à 2001, - 10 % de 1998 à 2001 ; les condamnations à la prison ferme, totales ou partielles, correctionnelles ou criminelles, qui sont de 97 436 en 2001, ont diminué de 2 % par rapport à 2000 et de 7 % par rapport à 1998. Malgré, là encore, l’inflation de la délinquance et son aggravation (augmentation des faits les plus graves, du nombre de récidivistes, de la précarisation de la situation de nombreux condamnés etc.) ; reculs en valeur absolue qui traduisent, en valeur relative, une régression encore plus élevée.

 

                         - Quand la prison est prononcée, le quantum est, la plupart du temps très bas. Ainsi, selon l’Annuaire statistique de la justice, pour l’année 2000 : globalement, en matière de délits, sur les peines comportant au moins une partie ferme : les peines inférieures à trois mois en représentent un tiers (32 618 sur 96 386), celles inférieures à six mois, près des deux tiers (61 411, soit : 63,71 %) ; celles inférieures à un an, plus des 4/5 (80 813, soit 83,84 %) ; moins de 17 % du total (15 573) atteignent ou dépassent un an (dont les 3/4 sont entre un et moins de trois ans ; en définitive, les peines de trois ans et plus, bien que constituant la majeure partie des sanctions encourues, ne  « pèsent » que… 3,7 % de l’ensemble...

 

                                    - La durée moyenne de l’emprisonnement correctionnel ne cesse de baisser : de 7,7 mois en 2001, elle était de 7,8 mois en 2000 (- 1,3 %) et de 8,2 mois en 1998 (- 6 %). De même pour la proportion des peines de relativement longue durée : en 1998, ce sont 18,8 % des emprisonnements fermes qui atteignaient ou dépassaient 1 an (contre moins de 17 % en 2001 : soit – 10 % ; le « canard » de l’alourdissement des peines, souvent évoqué dans la presse, ne vaut que pour une infime fraction des condamnés : soit, en matière criminelle, les peines de 20 ans et plus, dont la part, dans le total des réclusions criminelles,  a augmenté de 1998 à 2000, en valeur absolue et relative (de 19 %, mais cela ne concerne que… moins de trois cents condamnés par an et traduit sans doute une tendance à la hausse du nombre de faits graves –sans la répercuter complètement, d’évidence-, et, il suffit… d’une dizaine de condamnés en plus pour obtenir ce pourcentage !) ; les peines criminelles inférieures à 20 ans ont, elles, régressé de près de 4 %

 

                        - Quant à la détention provisoire qui peut représenter une sorte d’ « acompte » sur la sanction (en 2000, dans  près de 80 % des cas la peine prononcée couvre la détention provisoire ou ne la dépasse que de moins de 15 jours), elle est en baisse tendancielle constante et importante : en 2001, 16 761  décidées par les juges d’instruction (sur 51 398 mis en examen = 32,61 %). 5,8 % seulement des condamnations (= 32 144) ont été précédées d’une telle détention (5,4 mois en moyenne ; 24,4 mois pour les crimes, 3,7 mois pour les délits, 5,6 pour les affaires ayant été à l’instruction –moyenne tirée vers le haut par les affaires criminelles, très minoritaires-, 0,5 pour les comparutions immédiates). Le nombre de  prévenus placés en détention provisoire par les juges d’instruction a donc baissé de près de 60 % en dix ans (28 273 en 1991 -tandis que, dans le même temps, le nombre de personnes mises en examen, qui était de 72 412 en 1991, baissait de plus de 70 % : malgré l’explosion de la délinquance au cours de cette période !). En 2000, 37,37 % des détentions provisoires subies avant une condamnation correctionnelle avaient duré moins de 1 mois, 52,44 % moins de 2 mois, 66,48 % moins de 4 mois, 7,65 % avaient égalé ou dépassé 1 an. En 2000, la proportion de condamnés ayant connu la détention provisoire a été, pour les délits, globalement, de 7,3 % -en baisse (0,6 % pour les conduites en état alcoolique, 10,3 %  pour les vols et recel, 9,8 % pour les C.B.V., 22,4 % pour les stupéfiants, 23 % pour les infractions aux mœurs et 33, 8 % pour celles à la police des étrangers). En 2000, la durée moyenne pour délit avait été de 4 mois, soit, 15 jours pour la comparution immédiate et 5,7 mois pour l’instruction (3 mois pour les vols et recel, 2,5 mois pour les destructions et dégradations, 3 mois pour les coups et violences volontaires, 3,8 mois pour commerce et transport d’arme, 2,1 mois pour atteinte à l’ordre administratif et judiciaire) ; à l’instruction, en matière correctionnelle, elle avait duré moins de 1 mois pour 16,9 % des condamnés, moins de 2 mois pour 29,2 %, moins de 4 mois pour la moitié, un an et plus pour 11,4 %.

 

                                    - Le comble, c’est que l’emprisonnement n’est même pas toujours prononcé lorsqu’il devrait normalement l’être par simple application des règles du sursis, faveur –justifiée-, accordée au primo-délinquant, mais qui n’a de sens et d’efficacité que s’il tombe effectivement en cas de réitération (cf. art. 132-38 ou 132-48 C.P. : possibilité –très largement utilisée dans la pratique-, de non révocation des sursis antérieurs, malgré commission de nouvelles infractions : ce qui ruine la valeur d’avertissement et de menace qu’il est censé comporter...). L’absence de statistique précise sur ce point essentiel est une lacune inacceptable –et significative. Un exemple, parmi tant : celui de Guy GEORGES, le tueur en série, qui malgré de multiples condamnations pour des faits de violences graves, dont une peine de 10 ans, avait bénéficié, après réitération, d’une condamnation assortie d’un sursis avec< mise à l’épreuve, et, après nouvelle récidive, d’une condamnation sans révocation de ce sursis ! Deux femmes, qu’il a tuées après sa sortie, l’ont payé de leur vie.

 

 

 

                        - Toutes les infractions, naturellement, ne méritent pas nécessairement l’emprisonnement, même si la loi en prévoit le principe, et, quand l’emprisonnement paraît nécessaire, c’est la loi elle-même qui a permis l’octroi du sursis, quand cette faveur paraît méritée. Mais, réduit à de telles proportions, utilisé avec une telle parcimonie, l’emprisonnement perd beaucoup de sa signification et de sa portée. Or, c’est à la fois : la neutralisation -au moins pour un temps-, d’une puissance de nuire (« les malfaiteurs ne s’arrêtent que si on les arrête » : cf. exemple des U.S.A.), et, l’exemplarité : c’est, bien souvent, la seule peine vraiment « tangible » et crédible pour la population considérée ; on peut sans doute le déplorer mais c’est une réalité : la justice doit savoir parler aux délinquants le langage qu’ils comprennent...

 

 

 

                        * Quelques exemples dans le domaine délictuel (en retenant les critères les plus significatifs, comme la proportion de peines d’emprisonnement fermes)

 

 

 

                                   - Par grandes catégories (d’après l’Annuaire statistique 2002, pour l’année 2000) ; pour les vols (délictuels) : 34,14 % de peines fermes sur le total des condamnations de ce chef (32,34 % < 3 mois, 64,67 % < 6 mois, 2 % = ou > 3 ans, sur le nombre des peines fermes), durée moyenne : 5,1 mois (amende moyenne ferme : 2 306 F.) ; recels (délictuels) : 27,5 % (31,33 % < 3 mois, 62 % < 6 mois, 2 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 7,7 mois (amende moyenne : 4 250 F.) ; escroqueries et abus de confiance : 28,59 % (23,8 % < 3 mois, 50 % < 6 mois, 3,7 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 8 mois (amende moyenne : 5 736 F.) ; destructions et dégradations (délictuelles) : 18,95 % (48,10 % < 3 mois, 76,97 % < 6 mois, 0,8 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 4,2 mois (amende moyenne : 2 866 F.) ; coups et violences volontaires (délictuels) : 24,93 % (31,38 % < 3 mois, 61,64 % < 6 mois, 2,55 % = ou > 3 ans), durée moyenne = 6,4 mois (amende moyenne : 2 900 F.) ; blessures involontaires par conducteur (alcoolisme compris) : 5, 32 % (38 % < 3 mois, 71,5 % < 6 mois, 8,9 % = ou > 1 an), durée moyenne : 4,3 mois (amende moyenne : 2 435 F.) ; conduite en état alcoolique : 6 % (57 % < 3 mois, 87,4 % < 6 mois, 2 % = ou > 1 an), durée moyenne : 2,8 mois (amende ferme : 1 998 F.) ; infractions sur les stupéfiants (délictuelles) : 36,4 % (21,65 % < 3 mois, 40,67 % < 6 mois, 5,78 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 15,6 mois (amende moyenne : 2 725 F.) ; atteintes à l’ordre administratif et judiciaire (délits) : 24,87 % (50 % < 3 mois, 82,67 % < 6 mois, 0,1 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 3,5 mois (amende moyenne : 3 407 F.) ; faux (délits) : 20 % (21,7 % < 3 mois, 52,7 % < 6 mois, 3,75 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 8 mois (amende moyenne : 7 080 F.).

 

 

 

                        - Par infractions représentatives de la délinquance la plus « ordinaire » et « courante » –notamment violente (contre les biens, les personnes et les titulaires de fonctions représentant la loi ou l’autorité en général)-, à partir de la base de données 2001 « Condamnations » de la direction des affaires criminelles et des grâces sur l’ intranet justice) : cf. tableau en annexe, avec les peines encourues en regard. On peut constater, entre autres, qu’en  pourcentage et en dehors de quelques exceptions, en plus ou en moins, le quantum d’emprisonnement ferme moyen se situe aux alentours de 1/10 de la peine encourue (moins encore pour l’amende), la proportion de peines fermes prononcées évoluant, le plus fréquemment, entre 1/4 et 1/3.

 

 

 

                        Mais la peine « réelle », c’est celle qui est exécutée : et l’on va voir qu’on est largement en retrait de la peine prononcée –et, encore faut-il même que cette peine soit mise à exécution.

 

 

 

                        IV- QUATRIEME ETAPE : LA MISE A EXECUTION DE LA SANCTION

 

 

 

                        Quand on n’a, malgré tout, pas réussi à passer à travers les mailles du filet, la chance qu’on n’a pas eu « au grattage », on peut encore l’avoir « au tirage » et ne pas exécuter sa peine, ou n’en exécuter qu’une fraction seulement ; comme s’il y avait  une sorte d’ « évaporation » de la sanction pénale... Et, d’abord, parce qu’il faut que la peine soit mise à exécution.

 

 

 

                                   * Là, c’est une sorte de « triangle des Bermudes », avec beaucoup de « pertes en ligne », spécialement pour l’emprisonnement. Si pour les personnes qui comparaissent détenues, l’exécution peut se faire « dans la foulée », quand il s’agit d’une peine de prison, dans les autres cas, l’exécution est beaucoup plus problématique… (ce n’est pas, au demeurant, l’un des moindres arguments en faveur de la détention provisoire –au risque de faire hurler ceux qui la dénoncent, soit qu’ils n’aient rien compris, soit qu’ils aient trop bien compris que c’était un pilier de la répression et qu’ils ne soient pas trop favorables à cette dernière…).  Près d’un tiers des jugements (29,5 % en 2000), déjà, au départ, ne sont pas contradictoires (cf. Les condamnations en 1999 et 2000 -Etudes et statistiques justice N° 19), souvent plus dans les grandes villes : ce qui rend leur exécution très aléatoire ; en outre, beaucoup ne sont pas exécutoires avant un délai qui peut se révéler très long, et, quand ils ont exécutoires, ils sont sujets à des aléas, pratiques (personnes sans domicile connu etc.) ou juridiques (grâces et amnisties...), qui peuvent faire obstacle -parfois définitivement-, à l’exécution, lassitude ou indifférence des responsables aidant. Outre, au préalable, pour les peines jusqu’à un an (art. D 49-1 C.P.P.), le passage obligé par le J.A.P., qui peut transformer la peine avant même son exécution, par exemple, en semi-liberté (art. 723-1 C.P.P.) ou placement à l’extérieur sans surveillance (art. D 136 C.P.P.).

 

 

 

                       * Ainsi, une étude faite sur les condamnations pour délits prononcées au cours de la semaine du 6 au 12 mars 1989 comportant une partie ferme (Infostat N° 16 -septembre 1990 Jean-Luc LE TOQUEUX) a montré qu’un an plus tard, 63 % avaient été exécutées, soit près des deux tiers  (dont 48 % pour l’emprisonnement ferme, globalement, soit une sur deux) ; mais, pour les condamnés à la prison qui étaient en liberté au moment du jugement (61 % du total –pour ceux qui étaient détenus, le taux est, par définition de 100 % d’exécution, mais ce n’est pas instructif en soi) et dont la condamnation était exécutoire (la moitié de ces derniers), seulement un sur quatreavait été effectivement écroué (soit, 12 % de ceux qui étaient en liberté…). Certes, on peut penser qu’au bout d’un plus long délai, ce nombre n’a pu qu’augmenter, mais sans atteindre jamais –il s’en faut-, les 100 %. Ainsi, une autre étude portant sur des condamnations –plus anciennes, dans un contexte différent et très particulier, il est vrai, de 1977 prononcées à Paris, mais, avec un recul de huit années, aboutissait à un résultat encore plus impressionnant : seul un condamné sur dix, en définitive, sur les 3/4 qui étaient libres au jugement, avait subi effectivement sa peine ! (cf.  Questions pénales II.1 -février 1989). Mêmes constatations, dans la première étude, pour les autres types de peines : moins de la moitié pour le sursis avec mise à l’épreuve (48 %), à peine plus pour le travail d’intérêt général (57 %), 18 % pour l’interdiction bancaire à titre principal, mais, 75 % pour la suspension du permis de conduire et 86 % pour l’amende.

 

 

 

                                   * La question a connu un regain d’actualité avec la publication d’un rapport de l’inspection générale des services judiciaires daté de juillet 2002 supposé porter sur « l’effectivité de l’exécution des sanctions pénales » (titre trompeur et abusif, puisqu’il n’y est, en fait, question que de la mise à exécution des peines, alors qu’il faudrait, pour mesurer l’ « effectivité », évaluer aussi les conditions d’application –que l’on va évoquer plus loin). Deux ans de suite (!), le syndicat de magistrats U.S.M. avait créé un faux « scoop », l’ignorance de la presse et des milieux politiques aidant, en annonçant bruyamment qu’ « un tiers des peines n’étaient pas exécutées » : ce chiffre avait été lancé à partir d’un rapprochement, illégitime et dépourvu de la moindre valeur scientifique (confinant même à l’absurde…), entre certaines données tirées des « chiffres-clés de la justice », alors que les études antérieures précitées, que bien peu de gens semblaient connaître, avaient, dans des conditions un tant soit peu rigoureuses et crédibles, déjà tenté de mesurer un phénomène empiriquement établi et connu de tous les praticiens –et justiciables ! Outre que parler d’inexécution dans l’absolu n’a pas de sens : il faut se référer à une période de temps déterminée, car la mise à exécution peut s’étaler parfois sur une très longue durée (ne serait-ce que par ce qu’il faut attendre, par définition, que la condamnation soit exécutoire –ce qui, avec les délais d’appel et de cassation, peut déjà prendre très longtemps !). L’important serait de savoir, en fin de compte, quelle proportion de peines échappe définitivement à l’exécution –outre la mesure des durées. Il est, en soi, extraordinaire que des informations aussi importantes ne soient pas disponibles en permanence !

 

 

 

                                   * A cette fin, la Chancellerie avait, en urgence, fait procéder à une petite étude, en avril 2002, par ses services, à partir d’une analyse des statistiques générales et d’un échantillon de juridictions (Cour d’appel de Rennes, T.G.I. d’Evry et Lyon). Une critique rigoureuse du rapprochement entre nombre de condamnations et d’incarcérations dans la même année amenait ainsi à relativiser le « taux apparent d’inexécution » (par exemple, 29, 1 % en 1999) avancé imprudemment par l’U.S.M. (et à le ramener, dans le même exemple, à… 5,2 %), mais, toutes les condamnations prononcées au titre d’une année n’étant pas mises à exécution au cours de cette même année (pour de bonnes comme pour de mauvaises raisons), ce type d’approche ne permet pas de savoir quel est le taux effectif d’exécution. Quand à l’échantillon retenu, qui ne pouvait pas prétendre être représentatif, il faisait apparaître une situation contrasté, mais, des retards importants dans l’ensemble : à Rennes, au bout de 8 mois, 46,2 % de taux d’exécution global (56,7 % pour les peines exécutoires), et, au bout de 20 mois, 56,4 % (et 78,8 %) ; à Evry, 55 % au bout de 8 mois et 65 % au bout de 14 mois, pour l’emprisonnement ferme ; à Lyon, il faut, le plus souvent, de 8 à 12 mois. Sur la base de cet échantillon, c’est 32 % des peines qui n’avaient pas exécutées dans l’année (ce qui ne signifie pas qu’elles devaient rester forcément inexécutées par la suite…).  Une étude de la direction des affaires criminelles et des grâces auprès des parquets pour les condamnations correctionnelles de juin 2001 avait fait ressortir un délai moyen de 81 jours (= deux mois et 21 jours), mais, pour une trentaine de tribunaux, c’était de 85 à 472 jours. D’où le rapport précité de l’inspection, pour essayer d’y voir plus clair à cet égard :

 

 

 

                                               - Pour les peines privatives de liberté : à partir d’un échantillon –limité et sans prétention de vraie représentativité-, de condamnations prononcées autour de la date moyenne du 3 avril 2000 (soit un recul moyen d’un an et demi), il a pu être constaté une grande disparité des résultats, avec un taux d’exécution global, qu’on qualifiera de « brut », de 72,5 %  ramené à 71,4 %, en excluant (à juste titre) les peines aménagées par le J.A.P. ab initio (de 11 % à 53 % des cas dont il est saisi, dans l’échantillon), soit un taux d’inexécution de 27,5 % et 28,6 % ; c’est ce qui a permis à la presse de titrer, hâtivement et sommairement, que « une peine sur trois n’était pas exécutée », mais, si elle s’était simplement donné la peine de lire l’étude deux lignes plus loin, elle aurait dû titrer en fait « une peine sur deux n’est pas exécutée » : en effet, le rapport retient, avec bon sens une notion d’ « exécution effective », en excluant les peines qui (« vraie-fausse » exécution…) sont considérément comme juridiquement mises à exécution, mais, du fait de grâces collectives, avortent avant même d’avoir reçu le moindre commencement réel d’exécution (l’équivalent d’un classement sans suite…) ; or, c’est une situation fréquente (jusqu’à 17 % des peines traitées), eu égard, comme on l’a vu, au nombre de très courtes peines : ce qui ne donne plus que 55,5 % d’exécution « effective », soit 44,5 % d’inexécution.  Pour les condamnés ayant comparu libres (47 % des peines supérieures à un an, contre 92 % des moins d’un an), le taux  « brut » est de 44 %. Pour les peines inférieures ou égales à un an, le taux d’inexécution est de 31,5 % (avec 21 % de grâces, d’où une inexécution « effective » de 52 %), mais de 9 % au-dessus d’un an. Le taux d’inexécution « brut » varie de 8 % à 71 % (délai d’information du casier judiciaire : de 13 à 699 jours…).

 

 

 

                               - Pour le sursis avec mise à l’épreuve, c’est moins de 46 % de taux « brut » d’inexécution, et, 49 % de taux « effectif » ; le délai d’épreuve est amputé d’ 1/4 lors de la convocation par le J.A.P., et, encore de plus de 10 % lors du premier entretien avec un travailleur social, qui a, en moyenne 115 dossiers à traiter en stock (parfois, il reste guère plus d’ 1/10 du temps à courir…) ; dans plus de 18 % des cas, aucune trace d’intervention… Pour le T.I.G., c’est 24 % d’inexécution (délai moyen : 4,8 mois). Pour la suspension du permis de conduire, c’est près de 36 %. Pour l’amende, le délai moyen de saisine du Trésor varie de 14 à 629 jours pour les T.G.I. ; une partie est classée sans suite (admission en non-valeur) en l’absence de renseignements suffisants et/ou pour modicité du montant (200 €, ou 100 € si tiers détenteur) ; un échantillon de trois T.P.G. donne un taux de paiement net entre 58 % et 76 % pour les extraits de jugement (entre 25 % et 36 % pour les amendes forfaitaires majorées de droit commun, et entre 0,88 % et 2,69 % pour les A.F.M. en matière de transport) ; 51% à 73 % pour les jugements de police, 51 à 62 % pour les jugements correctionnels, 65 à 93 % pour les ordonnances pénales. Le rapport constate aussi que le délai moyen de dactylographie des jugements correctionnels fluctue de 10 jours à six mois, d’où, entre le prononcé et l’envoi au service d’exécution des peines pour mise en route du processus d’exécution, un délai entre 3 semaines et 19 mois… Auquel il faudra pour les jugements à signifier (près d’1/4) ajouter trois ou quatre mois, entre autres délais supplémentaires etc. D’où, des incohérences fâcheuses (des peines en attente alors qu’une personne est détenue pour autre cause et est libérée…). 

 

 

 

                        Mais, mise à exécution ne signifie pas exécution complète.

 

 

 

            V- CINQUIEME ETAPE : L’APPLICATION PROPREMENT DITE DE LA SANCTION MISE A EXECUTION

 

 

 

            Va intervenir, en effet, le phénomène dit de « l’érosion » de la peine (un peu comme s’il s’agissait d’une espèce de fatalité naturelle !...) ; et là, pour l’emprisonnement, c’est un « festival » de mesures, qui donne un peu le sentiment que le temps carcéral est compté avec des montres molles à la Dali... : réductions (art. 721 et 721-1 C.P.P.), suspension, fractionnement de peine (art. 720-1 C.P.P.), semi-liberté (art. 723-1 C.P.P.), libération conditionnelle, « L.C. » (art. 729 et ss. C.P.P.) etc.

 

 

 

                                  * Dans le droit, dans l’abstrait, cette « érosion » peut atteindre des proportions considérables ; exemples :

 

 

 

                                               - Une peine « perpétuelle » (sic !) peut durer, selon les cas (car il y a... quelque six régimes différents !) aux alentours de quatorze ans (avec réductions du délai d’épreuve pour la L. C. -art. 729 et 729-1 C.P.P. dans le régime transitoire d’avant 1986), ou, au moins trente ans (cf. plus loin) ... Cf. le mot prêté au futur Napoléon III après sa condamnation sous la Monarchie de Juillet: « combien dure la perpétuité en  France  ? » (pour l’ « étrangleur », L. LEGER, par exemple, c’est, à ce jour, 38 ans (depuis 1964), mais pour tant d’autres,  comme on va le voir plus loin, cela a été bien moins : jusqu’à 8 ans...).

 

 

 

                                               - Une peine de vingt ans peut se ramener à un peu plus de huit ans par le biais d’une libération conditionnelle (cf. art. 729 C.P.P.), par le seul effet des réductions de peine (sans même prendre en compte les grâces collectives, devenues rituelles, qui, en pratique, accélèrent sensiblement l’évolution) ; avec sortie en permission, dès six ans (en centre de détention : art. D 146 C.P.P.)...

 

 

 

                                               - Et encore, y a t’il eu restriction, avec une loi de 1986, car le régime antérieur (qui a continué à s’appliquer pour les condamnés sous son empire), autorisait, par exemple, jusqu’à... neuf mois par an de réductions de peine, lesquels (un bonheur n’arrive jamais seul...) apportaient quatre mois et demi de réduction du délai pour obtenir la libération conditionnelle : c’est à dire que, psychologiquement (car, arithmétiquement, ce n’est pas quand même aussi simple), cela faisait... treize mois et demi de diminution de la peine par an ! (en somme, la peine algébrique, la peine négative...). On en est encore, tout de même, à cinq mois de réduction possible + deux mois et demi de délai de L.C....

 

 

 

                                               - Pour limiter ce phénomène, et ses effets pervers -dont il faudrait pouvoir s’entretenir plus longuement-, on a inventé, en 1978, la notion de « période de sûreté » (art. 132-23 C.P.) : durée minimum d’incarcération, normalement de la moitié, mais pouvant aller jusqu’aux deux tiers, et, pour une « perpétuité », de 18 à 22 ans, voire 30 et même, sans limite (art. 221-3 et 221-4 C.P.) -mais, avec subsistance d’un régime transitoire à 15 ans... Mais -chassez la « névrose », elle revient au galop !-, cette période, en réalité, n’est pas si « sûre » que cela, puisque, non seulement, la grâce peut la réduire ou supprimer, mais, un recours spécial, judiciarisé, existe à cette fin -même dans les cas dits « incompressibles » (art. 720-4 C.P.P.) ! (cf. la lessive dans le sketch de Coluche : toujours plus blanc que blanc ?...). Un étude, évoquée plus loin (Le temps compté, Kensey, 1992), montre que non seulement l’existence d’une période de sûreté affecte peu l’érosion de la peine, mais, que l’on a même, fréquemment, des cas où cette érosion est… supérieure pour des condamnés avec période de sûreté ! Exemple des peines de 15 à moins de 20 ans (sans période : 68 % effectués sur la peine prononcée, avec : 63,9 %…), peines de 20 ans et plus (sans : 64,6 % effectués, sans : 55,49 %, avec le plus faible taux pour les meurtres et assassinat : 52,6 %…).

 

 

 

                                               - La situation s’est aggravée considérablement avec la « juridictionnalisation », voulue par des parlementaires sans lucidité, toutes couleurs confondues, qui seront les premiers à dénoncer les « bavures des juges » ! Symboliquement et pratiquement, c’est une mesure de très grande portée, parce qu’elle aboutit en fait à reconnaître au condamné un véritable droit à l’inexécution de sa peine ! (on passe d’une logique « gracieuse » où l’octroi des mesures est une faveur accordée unilatéralement, comme la dérivation du droit de grâce qu’il représente, à une logique « contentieuse » -ce qui, entre autres, a pour conséquence, l’impossibilité de principe et, largement, de fait, de prendre en compte des éléments de pure opportunité, et, entre autres, ceux liés à la victime, à l’opinion ou au risque pour l’ordre public, qu’une autorité politique, comme le ministre, pour la libération conditionnelle, avait, en outre, une légitimité démocratique pour le faire) ; il est certain qu’il y aura, par exemple, plus de L.C. (cf. le cas « emblématique » de P. HENRY...).

 

 

 

                                   * Dans les faits, ces possibilités théoriques ne jouent pas toujours au maximum, mais, néanmoins, largement ; les (rares : ce qui en dit long…) études sur l’érosion des peines, montrent, par exemple, que :

 

 

 

                                               - Sur une cohorte de condamnés à 3 ans et plus libérés en 1982 (cf. Le retour en prison, Kensey Tournier, 1991), l’érosion moyenne avait été d’un tiers (32 %), en augmentation, par rapport à une même étude sur des libérés de 1973, de 45% ! Pour 16 % d’entre eux, l’érosion a été d’au moins 40 %...

 

 

 

                                  - Pour des sortants de 1989, condamnés à 10 ans et plus (Le temps compté, Kensey, 1992), l’érosion moyenne était de 34,3 % et pour près de 20 % elle était d’au moins 40 % ; seuls 1 % ont fait au moins 80 % de leur peine ; 37,4 % pour les 20 ans et plus (le « record » des catégories retenues –c’était l’inverse en 1982) ; 35,3 % pour les meurtres et assassinats (la plus forte érosion des catégories retenues…) ; 36,1 % ont bénéficié d’une libération conditionnelle (54,3 % pour les 20 ans et plus, 43,9 % pour les meurtres et assassinats : les plus forts taux des catégories retenues) ; les libérés conditionnels ont effectué, en moyenne 59,9 % de leur détention (58,9 % et 59, 4 %, pour les mêmes catégories « privilégiées » –et qui le restent ici).

 

 

 

                                     - Pour cette même cohorte, l’étude montre que les condamnés à 10 ans n’ont fait, en moyenne, que 6,6 ans (2/3) et 6 ans avec L.C. (60%), à 15 ans, 9,7 ans (64,6 %) et 8,7 ans avec L.C. (58 %), à 20 ans, 12,3 ans (61,5%) et 11,6 avec L.C. (58 %), à 30 ans, 15, 7 ans (52 %) [exemple de Georges COURTOIS (10 condamnations, peine de 9 ans, prise en otage de la cour d’assises en 1985, peine de 20 ans, libéré en 1997, chroniqueur judiciaire, et... récidiviste ; exemple de PETIT –« affaire ROUSSEL » : permission de sortie, malgré 15 ans pour avoir tiré sur des policiers et 10 ans pour tentative d’évasion avec prise d’otage...] ; 54 % des condamnés à 20 ans et plus ont bénéficié d’une libération conditionnelle (environ 1/3 en dessous).

 

 

 

                                      - Dans la même étude, les peines « perpétuelles » étudiées, qui ont fait l’objet de commutations, ont duré 17,2 ans en moyenne (identique à étude antérieure) –18 ans sans commutation ; sur 22 on compte près du quart (5 cas) de libération avant 15 ans, minimum théorique, dont un à 8 ans et un à 13 ans ; 21 sur 22 ont bénéficié d’une L.C. ; la commutation était intervenue en moyenne à 13, 2 ans (dans 5 cas, à 10 ans et moins).

 

 

 

                                      -Tout donne à penser que l’évolution s’est poursuivie dans le même sens et que ces chiffres sont, en permanence, à réévaluer à la hausse. Cf. Kensey-Tournier, Questions pénales XIV.5, décembre 2001 (échantillon de libérés en  1996-1997) ; homicide : 10,2 prononcés en moyenne, 6,2 effectués (62,6 % ; pour près de 10 %, c’est moins de 50 %, près de 40 %, c’est moins de 60% ; L.C. accordée pour 1/3) ; infractions à la législation sur les stupéfiants (sauf cession ou usage seuls) : 2,1 ans prononcés, 1,4 effectué (67 %) ; vol avec violence : 1,1 mois prononcé et 9,4 mois effectués (69 %) ; vol sans violence : 10,6 mois prononcés, 7,1 mois effectués (69 %) ; violences volontaires, outrage à fonctionnaire ou magistrat : 6,3 mois prononcés, 4,5 mois effectués (75 %). Mais, ces moyennes recouvrent une dispersion sensible : ainsi, pour l’homicide, près de 10 % avaient fait moins de 50 % de détention, 40 %, moins de 60 % de détention (à peine plus de 5 % ont fait au moins 80 % de détention).

 

 

 

                                     - Une autre étude Tournier-Kensey (Question pénales XIII.3 juin 2000), montrait que la proportion de libérés conditionnels était la plus élevée, justement, pour les homicides (33,3 %), devant le vol criminel (26,8 %), les atteintes sexuelles criminelles sur mineur (23,1) ou les ILS, sauf cession ou usage seuls (20,1 %), constatant une certaine corrélation positive entre la longueur des peines (qu’on peut penser traduire, au demeurant, leur gravité, en principe) et le pourcentage des L.C. (en somme, en simplifiant un peu : plus le fait est grave et lourdement sanctionné et plus on a une chance d’obtenir cette faveur…). L’étude « Le temps compté » montre, par exemple, que le taux de libérés conditionnels peut aller du simple au double selon qu’on est dans la tranche de peines 10/15 ans ou 20 ans et plus (pour meurtre ou assassinat, on passe de 39,9 % à 56,3 %, pour les autres infractions, de 24,3 % à 50 % -le « record », c’est pour les peines de 20 ans et plus prononcées assorties de peines de sûreté : 70,6 % pour meurtre ou assassinat, et, 75 % pour les autres infractions, tandis qu’on est autour de 50 % dans les mêmes cas, s’il n’y a pas de période de sûreté…).

 

 

 

                                     - De fait, toutes les études montrent que plus le quantum de la peine s’élève et plus l’érosion, toutes causes confondues, augmente (ce qui est logique : les mécanismes de l’érosion ont surtout été prévus pour jouer à partir d’un minimum de durée, et, il faut jouer au maximum de la « carotte » pour faire tenir tranquille les longues peines et acheter la « paix sociale » dans les prisons !). Un « canard » consiste à dénoncer la « baisse des libérations conditionnelles » qui serait supposée traduire un « alourdissement de la répression » : or, ces études montrent très clairement qu’au fil du temps, depuis 1973, il y a eu un effet de substitution entre les différentes sources d’érosion : l’essentiel de l’érosion venait autrefois de la libération conditionnelle, mais, du fait de la multiplication des mesures de réduction de peines, sous diverses formes, depuis le début des années 1970, celles-ci sont devenues prépondérantes, alors que l’érosion globale n’a fait que croître…

 

 

 

*

 

*      *

 

          

 

            Il faudrait aussi dire un mot des délais : car, le retard à sanctionner équivaut, au moins en partie, à un défaut de sanction, et, il y a une érosion, aussi, de la réprobation devant l’infraction. Selon le casier judiciaire pour 2000, le délai moyen est de 10,8 mois entre commission des faits et condamnation ; 9,6 mois pour le tribunal correctionnel, mais, 29,2 mois en cas d’appel (soit 19 mois environ devant la seule cour) ; 32,4 mois pour la cour d’assises (dont 20,3 mois pour l’instruction et 12,1 mois pour l’audiencement -mais à multiplier, désormais si appel, outre cassation éventuelle) ; 14,3 mois pour le tribunal pour enfants (8,7 mois pour juge des enfants). Il y a à cela des causes pratiques et juridiques…

 

 

 

            Tout cela, à toutes les étapes, c’est au prix, évidemment, du crédit de l’ensemble du système pénal. On disait, sous l’Ancien Régime, « Les peines sont arbitraires en ce Royaume »...  On pourrait dire, aujourd’hui : « Les peines sont virtuelles en cette République » -tout en étant d’ailleurs largement redevenues aussi « arbitraires » ! En effet, à tous les stades de la mise en oeuvre de la loi pénale, on assiste à un divorce considérable entre le virtuel et le réel : un fossé énorme, et qui, au fil des réformes pénales, ne cesse de s’élargir, entre les possibilités de sanction que prévoit théoriquement la loi, et, l’usage effectif qui en est fait. Nous sommes dans un régime d’indétermination des peines : à chaque stade, la peine se présente comme  quelque chose de flou, d’insaisissable, d’instable et d’inconsistant, qui se dégrade -comme l’énergie... C’est le règne des peines « flottantes », « fondantes », « évanescentes » -et, spécialement, de la peine carcérale -qui, pour certains, représente manifestement « la peine à abattre » (sans doute parce qu’aujourd’hui, c’est encore la plus « pénale » de toutes !). La sanction ne remplit plus sa fonction d’affirmation de valeurs, d’évaluation des actes, de réprobation du corps social.

 

 

 

            Mais, alors, qui est coupable? Responsabilité bien partagée :

 

 

 

                         - Les juges, pour une part : il y a eu, de fait, chez certains, les ravages de l’idéologie anti-pénale (cf. le rôle du Syndicat de la magistrature, qui a « noyauté » la hiérarchie -illustrations : « Harangue » d’Oswald Baudot, vote pour l’abolition des prisons, refus de la loi sur la sécurité quotidienne, ouvrage sur les contrôles d’identité etc.) ; mais aussi, la perméabilité à l’esprit du temps, la crainte chez beaucoup –et, notamment, des hiérarques qui doivent leurs carrières à des coteries mondaines bien parisiennes-, de s’écarter des conformismes ambiants dans la classe dirigeante, ou, de déplaire aux puissants lobbys du barreau, des médias etc. Mais, beaucoup cherchent à faire leur métier et à répondre aux attentes des citoyens -avec bien du mérite ! Compte tenu du climat et des conditions dans lesquelles ils doivent travailler. Attention, donc, à l’ « erreur judiciaire » ! Ne pas se tromper de coupable : il est facile de crier haro sur les juges -un sport national !-, mais, un Etat a la justice qu’il mérite -et, les citoyens ont plus ou moins l’Etat qu’ils veulent bien avoir, en définitive -après tout, le bulletin de vote, ça ne s’use que si l’on s’en sert et il ne faut pas craindre de s’en servir à bon escient : si on veut de la sécurité, il ne faut pas voter pour des adversaires de la sécurité, ou, pour des gens qui n’en parlent qu’aux moment des élections et font ensuite, dans les cabinets et les hémicycles, tout le contraire !...

 

 

 

                         - Les « satellites » des juges : qui ont aussi leurs problèmes et leurs limites ; mais, parfois, ont aussi été victimes -et plus gravement, à l’occasion-, de l’idéologie anti-pénale : comme, spécialement, les institutions de la Protection judiciaire de la jeunesse -qui sont à reprendre en mains de fond en comble et mobiliser sur de nouveaux modes de prise en charge des jeunes délinquants.

 

 

 

             - L’environnement, social, moral, culturel... : rien de plus « réactionnaire », dans l’esprit du temps, que la sanction pénale, de plus antinomique avec les valeurs soixante-huitardes, et au-delà, l’hédonisme « existentialiste » de l’époque... Une grande ambiguïté dans les sentiments collectifs... Le terrorisme intellectuel et moral d’un certain microcosme (« bienséance », pensée unique du pénalement correct, « idéologie incapacitante »...).

 

 

 

                             - Les politiques : ce sont eux qui font les lois que les magistrats sont chargés d’appliquer, et, qui leur donnent le la ; or, certains, arrivés au pouvoir en 1981, étaient les chantres de l’idéologie anti-pénale (comme des antimilitaristes qu’on aurait mis à la tête de l’armée !) ; mais, presque tous sont plus ou moins les fils de leur époque, et, les otages volontaires de ce microcosme (qui a, longtemps, refusé d’admettre dans le débat public la question sécuritaire)... En outre, ils ont parfois peur de la justice (et certains, avec de « bonnes » raisons...) : ce qui les amène à casser ou altérer l’ « outil de travail »...

 

 

 

            L’outil de travail, parlons-en :

 

 

 

                         - Les moyens matériels et humains de la justice -et leur insuffisance : une banalité de le dire, mais, c’est vrai !

 

 

 

                              - Les moyens juridiques : une procédure pénale complètement ankylosée ; on a tellement peur de l’erreur judiciaire qu’on ne sait pas quoi faire pour multiplier les entraves à l’efficacité de la police et de la justice ; une centaine de réformes depuis 1958 ! Toujours dans le même sens, sans souci de cohérence, avec des faux débats, stériles (comme sur le juge d’instruction : qui est encore une des choses qui marchent le mieux -ce qu’on ne lui pardonne pas !) ; on fait des réformes pour une « élite » de délinquants, socialement favorisés, au préjudice de la grande masse -qui, pour l’essentiel, est à l’origine de l’insécurité vécue par l’immense majorité des gens... 

 

 

 

                            - La volonté nationale : jugeant « au nom du peuple français », la magistrature a besoin de la part du peuple -ou de ses représentants élus-, d’un message clair, d’une « feuille de route » sans équivoque, et, en plus de tous les moyens pour remplir son mandat, le sentiment d’un vrai soutien dans son combat contre le crime : ce n’est pas en lui tirant dans le dos, comme on l’a trop vu, qu’on la motivera ! Tout le monde (et, d’abord, ceux qui ont la charge de former la jeunesse...) est responsable du retour à un certain civisme : la « civilité » élémentaire qui permet de vivre ensemble en sécurité.

 

 

 

 

 

ANNEXE

 

 

 

QUELQUES EXEMPLES DE SANCTIONS PRONONCEES POUR CERTAINES INFRACTIONS SIGNIFICATIVES

 

 

 

 

 

N.B.  Ces éléments sont tirés de la base « Condamnations » sur le site intranet de la direction des affaires criminelles et des grâces, complétés de la référence aux sanctions prévues par les textes (et, dans certains cas, lorsque cela paraissait possible, pour le quantum moyen, de la mention entre parenthèses du quantum en cas d’infraction unique -tiré de l’Annuaire statistique 2002, pour l’année 2000-, la peine étant plus lourde en cas d’infractions multiples -situation fréquente qui tire la moyenne générale vers le haut) . Ces données sont relatives à l’année 2001

 

 

 

 

 

                                   -  Vol simple:

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 29,59 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4 (2,6)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 275 F.

 

                                   -  Vol à l’aide d’une effraction :

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 49,1 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 6 (4,8)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 740 F.

 

                                   - Vol en réunion :

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 25,65 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 5

 

-          montant moyen de l’amende : 1 710 F.

 

                                   - Vol avec destruction ou dégradation :

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 40,22 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 5 (3,3)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 666 F.

 

                                   - Vol aggravé par deux circonstances :

 

-          peine encourue : 7 ans et 100 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 38,71 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 8

 

-          montant moyen de l’amende : 3 118 F.

 

                                   - Vol aggravé par trois circonstances :

 

-          peine encourue : 10 ans et 150 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 41,30 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 14

 

-          montant moyen de l’amende : 2 312 F.

 

                                   - Vol avec violence sans incapacité totale de travail  :

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 F .

 

-          % emprisonnement ferme : 54,24 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 9

 

-          montant moyen de l’amende : 2 519 F.

 

                                   - Vol avec violence et I.T.T. < ou = 8 jours :

 

-          peine encourue : 7 ans et 100 000 F.

 

-          % emprisonnement ferme : 60,57 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 9

 

-          montant moyen de l’amende : 2 281 F.

 

                                   - Vol avec violence et I.T.T.  > 8 jours :   :

 

-          peine encourue : 10 ans et 150 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 67,43 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 18

 

-          montant moyen de l’amende : 8 000 F.

 

                                   - Menace de délit contre les personnes faite sous condition :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 23,44 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

 

-          montant moyen de l’amende : 2 773 F.

 

                                   - Menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 27,98 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

 

-          montant moyen de l’amende : 2 988 F.

 

                                   - Menace de mort réitérée :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 31,03 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

 

-          montant moyen de l’amende : 2 942 F.

 

                                   - Recel de bien provenant d’un vol :

 

-          peine encourue : 5 ans et la moitié de la valeur du bien au-delà de 375 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 28,8 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 5 (3,9)

 

-          montant moyen de l’amende : 3 108 F.

 

                                   - Recel de vol aggravé (deux circonstances)  :

 

-          peine encourue : 7 ans et la moitié de la valeur du bien au-delà de 375 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 33,44 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 14

 

-          montant moyen de l’amende : 4 992 F.

 

                                   - Dégradation ou détérioration volontaire du bien d’autrui (dommage léger)   :

 

-          peine encourue : 7 500 € (50 000 F.)

 

-          montant moyen de l’amende : 1 835 F.

 

                                   -  Dégradation légère de bien destiné à l’utilité ou la décoration publique par inscription ou dessin (« tags »…) :

 

-          peine encourue : 7 500 € (50 000 F.)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 967 F.

 

                                   - Dégradation volontaire d’un monument ou objet d’utilité publique  :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 18,88 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 3 (2,5)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 889 F.

 

                                   - Dégradation ou détérioration grave du bien d’ autrui :

 

-          peine encourue : 2 ans et 30 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 20,9 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 3 (2,5)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 626 F.

 

                                   - Dégradation grave du bien d’autrui en réunion :

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 15,36 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

 

-          montant moyen de l’amende : 2 602 F.

 

                                   - Destruction du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes :

 

-          peine encourue : 10 ans et 150 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 26,11 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 10

 

-          montant moyen de l’amende : 2 932 F.

 

                                   - Intrusion dans l’enceinte d’un établissement scolaire :

 

-          peine encourue : 1 500 € (10 000 F.)

 

-          montant moyen de l’amende : 1 515 F.

 

                                   - Violence dans un établissement scolaire ou aux abords à l’occasion de l’entrée ou sortie des élèves suivie d’incapacité < ou = à 8 jours :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 6,73 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 2

 

-          montant moyen de l’amende : 1 813 F.

 

                                   - Usage illicite de stupéfiants :

 

-          peine encourue : 1 an et 3 750 €

 

-          % emprisonnement ferme : 17,97 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 5 (1,9)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 412 F.

 

                                   - Détention non autorisée de stupéfiants :

 

-          peine encourue : 10 ans et 7 500 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 31,18 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 10

 

-          montant moyen de l’amende : 3 000 F.

 

                                   - Violence avec I.T.T. < ou = 8 jours :

 

-          peine encourue : 1 500 € (10 000 F.)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 436 F.

 

                                   - Violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 28,23 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 5

 

-          montant moyen de l’amende :

 

- Idem avec I.T.T. n’excédant pas 8 jours:

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 26,10 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 6

 

-          montant moyen de l’amende : 2 923 F.

 

- Violence en réunion avec I.T.T. n’excédant pas 8 jours :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 20,93 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

 

-          montant moyen de l’amende : 2 722 F.

 

- Violence avec I.T. T. > 8 jours :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 18,31 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

 

-          montant moyen de l’amende : 3 318 F.

 

- Violence en réunion avec I.T.T. > 8 jours :

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 28,44 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 7

 

-          montant moyen de l’amende : 3 377 F.

 

- Violence avec arme suivie d’I.T.T. > 8 jours:

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 41,57 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 10

 

-          montant moyen de l’amende : 3 212 F.

 

- Détention de chien d’attaque non stérilisé (chiens dangereux 1ère catégorie) :

 

-          peine encourue :

 

-          % emprisonnement ferme : 6,65 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 2

 

-          montant moyen de l’amende : 2 576 F.

 

- Port d’arme prohibée de catégorie 6 :

 

-          peine encourue : 3 ans et 3 750 €

 

-          % emprisonnement ferme : 18,46 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 3

 

-          montant moyen de l’amende : 1 927 F.

 

- Détention sans autorisation d’arme ou munition de catégorie 1 ou 4 :

 

-          peine encourue : 3 ans et 3 750 €

 

-          % emprisonnement ferme : 19,19 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 8

 

-          montant moyen de l’amende : 3 566 F.

 

- Outrage à dépositaire de l’autorité publique :

 

-          peine encourue : 6 mois et 7 500 €

 

-          % emprisonnement ferme : 19,65 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 3

 

-          montant moyen de l’amende : 2 799 F.

 

- Menace réitérée de crime ou délit à l’encontre d’un dépositaire de l’autorité :

 

-          peine encourue : 2 ans et 30 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 14,28 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 7

 

-          montant moyen de l’amende : 3 167 F.

 

- Dégradation grave du bien d’un dépositaire de l’autorité publique:

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 13,33 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 2

 

- Violence sur dépositaire de l’autorité publique avec I.T.T. n’excédant pas 8 jours :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 34,21 % 

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

 

-          montant moyen de l’amende : 3 027 F.

 

- Violence sur dépositaire de l’autorité publique avec I.T.T. > 8 jours :

 

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 45 % 

 

-          quantum moyen (en mois) : 5

 

-          montant moyen de l’amende : 5 667 F.

 

- Violence sur personne chargée d’une mission de service public avec I.T.T. n’excédant pas 8 jours:

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 22,63 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 3

 

-          montant moyen de l’amende : 2 644 F.

 

- Rébellion :

 

-          peine encourue : 6 mois et 7 500 €

 

-          % emprisonnement ferme : 25,23 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4 (2,4)

 

-          montant moyen de l’amende : 2 943 F.

 

- Menace ou acte d’intimidation pour déterminer une victime à ne pas porter plainte ou à se rétracter : 

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 40,74 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

 

-          montant moyen de l’amende : 3 167 F.

 

- Violence sur un témoin avec incapacité n’excédant pas 8 jours pour l’influencer ou par représailles :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 22,85 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 6

 

-          montant moyen de l’amende : 4 375 F.

 

- Violence sur une victime avec incapacité n’excédant pas 8 jours pour l’influencer ou par représailles :

 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

 

-          % emprisonnement ferme : 32,14 %

 

-          quantum moyen (en mois) : 4

montant moyen de l’amende : 1 500 F.

 

 

 

 

Et, en particulier, du « rendement » de la machine judiciaire répressive, puisque c’est elle, qui est chargée de transformer le « produit semi-fini » que constitue le fruit du travail policier, les procès-verbaux d’enquête, en « produit fini », sous la forme de la peine prévue par la loi, qui donne son nom et son sens à l’ensemble du processus « pénal ».

 

            A cet égard, comme chaque année, la Chancellerie vient de diffuser un opuscule intitulé « Les chiffres-clés de la justice ». Qui a le mérite, par rapport à l’« Annuaire statistique de la justice » (qui est beaucoup plus complet et détaillé, mais, qui ne paraît que plus tardivement, avec des chiffres remontant à deux ans), de permettre de disposer des données de l’année précédente (ce dont, au demeurant, à notre époque, est une « performance » qui signe le retard de l’appareil d’Etat dans un domaine aussi important, où le suivi devrait pouvoir se faire en temps réel, ou, au moins, en très léger différé !).

 

            Pour s’en tenir ici à la justice que l’on dit « répressive », les choix qui ont été faits pour la présentation de ce bilan -très sommaire et synthétique de toutes façons-, n’ont rien de neutre : il faut donc le passer au tribunal de la critique, et, le compléter par des informations puisées à diverses sources, pour prendre la mesure de ce qu’il faut bien appeler le « fiasco » pénal dans notre pays.          

 

            Qu’en est-il donc vraiment, de ce crime de « laxisme » qu’on impute souvent à cette justice que l’on dit « pénale » (= chargée de prononcer et faire exécuter des peines contre les coupables d’infractions) ?

 

Ce devrait a priori être d’une simplicité biblique ; la « bible » étant, ici, le petit livre -rouge ou bleu-, livre de chevet du magistrat pénal : avec, d’un côté, des infractions -crimes et délits-, comme un catalogue - bien déprimant-, de tout ce dont l’homme peut être capable pour nuire à son semblable ; et, de l’autre, des peines, le catalogue des risques, dont la lecture est proprement terrifiante et devrait, normalement, dissuader quiconque de s’y frotter [exemple du vol et de son « escalade » de la dissuasion, avec comme peines encourues selon les cas : « simple » = 3 ans et 45 000 € (300 000 F.) ; « aggravé » = 5 ans et 75 000 € (avec une circonstance), = 7 ans et 100 000 € (avec deux), = 10 ans et 150 000 € (avec trois) ; id. (avec ITT > 8 j) ; 15 ans (avec infirmité) ; 20 ans (avec arme -la simple menace d’un couteau suffit) ; 30 ans (en bande et avec arme –le « banal » hold-up) ; RCP (avec mort ou torture) ].

             

            Mais, il faut le dire à voix basse (pour ne pas susciter des vocations...) : tout ça, hélas, c’est un peu du cinéma... Ce glaive avec lequel la loi fait des grands moulinets, n’est trop souvent qu’un simple sabre de bois... La  justice « pénale », c’est un entonnoir, avec à l’entrée des flots d’infractions (un Niagara…), et, à la sortie : un petit filet de condamnations effectivement exécutées (presque du goutte à goutte...). Faire partie de cette « élite » des criminels condamnés qui font réellement leur peine, c’est une course d’obstacle, avec une élimination massive à chaque étape... (bien plus facile de passer les épreuves de qualification à Loft Story !). La justice pénale apparaît comme une grande machine à brasser du vide... En schématisant à peine : l’  « insécurité », c’est pour les honnêtes gens, et, la « sécurité » pour les malfaiteurs. La réalité, aujourd’hui, c’est qu’on peut, hélas, se dire que, trop souvent, « le crime paie » -ce qui n’est ni normal, ni moral, ni social...

 

En effet, à tous les stades de la mise en oeuvre de la loi pénale, on assiste à un divorce considérable entre le virtuel et le réel : un fossé énorme, et qui, au fil des réformes, ne cesse de s’élargir, entre les possibilités de sanction -souvent impressionnantes-, que prévoit théoriquement la loi, et, l’usage effectif qui en est fait. De fait, le risque pénal –celui d’être identifié, arrêté, poursuivi et condamné-, est, statistiquement, très faible, presque résiduel, comme l’exception au terme d’une « course d’obstacles », d’un « parcours du combattant » qui connaît de nombreuses sources de « pertes en ligne » à chaque étape.

 

            Exagération ? Les faits et chiffres sur la table, jugez-en :

 

                        I- PREMIERE ETAPE : L’ENQUETE

 

            D’emblée, on a très peu de risques, quand on a commis une infraction, de se faire prendre un jour : une proportion énorme des faits échappe, au départ, à la connaissance du système pénal, ou, ce qui revient au même, quand ils n’y échappent pas, ce sont leurs auteurs qui vont rester inconnus  (c’est la « 5ème dimension » du crime…)

 

                        * « Chiffre noir » des faits commis et non rapportés à la police, qui ne feront jamais l’objet d’enquêtes : en 2001, 4 061 M. faits constatés (+ 7,69 % ) sur bien plus commis en réalité, comme le montrent, entre autres, les enquêtes de victimation :

 

                                - Telle celle de l’ IHESI et de l’INSEE en 1999 (11 000 personnes interrogées sur la période 1997-1998), qui oblige à se demander si le nombre réel des faits commis, par rapport à ceux connus du système pénal, n’est pas 5 fois supérieur (rapport de 1 à 2,5 pour les vols, de 1 à 6 pour les destructions et dégradations de véhicules, de 1 à 2,3 pour les coups et blessures volontaires, de 1 à 66 pour les menaces et chantages…) ; l’équivalent d’un 1/4 des faits constatés, qui ne sont saisis  qu’en simple main courante ne sont pas repris dans les statistiques officielles (52 % des cambriolages déclarés, 9 % des vols de véhicules, mais la moitié des dégradations de véhicules…).

 

                                - De même, pour l’enquête du Conseil régional de l’Ile de France de 2002, pour la période 1998-2000 : 300 000 vols avec violence -pour 70 000 recensés et 110 000 mains courantes ; 800 000 agressions -pour 150 000 déclarées ; 58,84 % des victimes, seulement, portent plainte, s’agissant de vol de voiture, 43,7 % pour cambriolage, 31,95 % pour agression ; 6,67 % des gens ont été agressés, 7,93 % victimes de vols, 9,52 % de cambriolages, 14,85 % de vols de voiture, 18,91 % de destruction-dégradation de véhicule, 18,8 % de vol à la roulotte... : ce qui est sans commune mesure avec les cas traités effectivement par le système policier.


 

                                    * Faits rapportés mais non élucidés par l’enquête : dans 1/4 seulement des cas (24,92 % -chiffre en baisse régulière), sur le total de ceux qui sont dénoncés à la police, un auteur peut être identifié, permettant à la procédure d’avoir un minimum de suite concrète ; certains faits sont certes assez « visibles », dès lors qu’une plainte est déposée et permettent des taux plutôt élevés (homicides : 75,43 %, coups et blessures volontaires : 69,64 %, viols : 71,66 %…), mais, pour la grande masse, les auteurs restent inconnus : cambriolages : 8,04 %, délinquance dite de voie publique : 8,12 %, vols à la tire 3 %...

 

                        II- DEUXIEME ETAPE ; LA POURSUITE

 

                        Fort heureusement pour les délinquants, quand on se fait prendre, par accident, on a encore une bonne chance de ne pas être poursuivi : une part des enquêtes réussies ne rentrent dans le système judiciaire que pour en ressortir aussitôt (c’est la « trappe du Père Ubu »…). Ainsi, dans la « poubelle » des parquets, bon an mal an, s’engloutissent près de 9 procès-verbaux sur 10, classés sans suite répressive.

 

                        * En 2001, ont été traités près de 5 M. de procès-verbaux (4 938 989 sur 5 380 094 reçus, soit 91 %) ; sur ce nombre seuls 12,59 % ont fait l’objet de poursuites (et, 11,55 % des affaires reçues) : à peine plus d’une infraction sur 10…

 

                        C’est le chiffre le plus bas que l’on ait connu (plus d’un point de perdu en une seule année : en 2000, il était de 13,61 %) ; il y a dix ans, en 1991, le taux était de 21,59 % des dossiers traités (près de 42 % de diminution…) ; il avait baissé à 15,15 % en 1995, avant de remonter légèrement (16,04 % en 1997), avant de s’effondrer à 13,43 en 1998, mais il était demeuré ensuite au-dessus de ce niveau. En valeur absolue, les poursuites ont régressé de près de 7 % depuis dix ans –malgré l’ « explosion criminelle » qu’ a connue notre pays ! En valeur relative, la chute est encore plus spectaculaire, car, dans le même temps, le nombre d’affaires traitées a augmenté des deux tiers (3 091 264 en 1991) : si la « propension à poursuivre » était restée constante, on aurait dû avoir un accroissement comparable des poursuites…

 

                        Certes, depuis une dizaine d’années se sont multipliées les possibilités dites d’« alternatives aux poursuites » (classement sous condition, médiation, avertissement etc. outre la composition pénale), qui représentent aujourd’hui plus de 43 % du nombre des poursuites (x 7 depuis 1992). Ce qui a permis à la Chancellerie, depuis 1998, d’élaborer une notion de « taux de réponse pénale », qui agrège poursuites et autres formes de suites données ; cependant, sans contester nécessairement la valeur et l’utilité de ces « alternatives », il est bien évident qu’elles n’ont pas le même sens ni les mêmes conséquences du point de vue de la répression !

 

                        Egalement, pour tenter de limiter un peu l’effet que peut produire un aussi faible taux de poursuites, la Chancellerie, depuis 1998, recourt à la notion d’ « affaires poursuivables », en excluant les dossiers dans lesquels l’auteur est inconnu - soit, deux sur trois (66,5 % des dossiers traités, et, 64,9 % des dossiers reçus, avec une inflation considérable depuis dix ans : 44,6 % en 1991)-, ainsi que ceux où les infractions sont estimées mal caractérisées ou les charges insuffisantes (6,6% des dossiers traités) ; ce qui élimine ainsi près de trois sur quatre (73,1 %) des dossiers traités.

 

           Le cumul des deux notions permet ainsi d’afficher un « taux de réponse pénale » de 67,3 % en 2001 (d’ailleurs en légère diminution par rapport à 2000, où il était de 67,9 %), calculé sur les seules « affaires poursuivables », qui, s’il n’est pas dénué de pertinence, ne doit néanmoins pas abuser.

                       

            D’autant qu’une fraction de ces « affaires poursuivables » fait l’objet d’un classement sans suite (c’est l’effet du principe de l’opportunité des poursuites, mais ce peut être pour des causes tenant à l’enquête elle-même) : près d’une sur trois (32,7 %) ne fait l’objet d’aucune « réponse pénale », bien que les conditions juridiques en soient réunies (en augmentation de 4,8 % sur l’année 2000, où le taux était de 32,1 %).

 

            La conséquence, c’est qu’en définitive, le taux de classement sans suite, par rapport aux affaires traitées, tous motifs confondus, est de près de 88 %.

 

            * S’agissant des mineurs, par définition, les taux de réponse pénale et de poursuites sont plus élevés (il faut déjà savoir qu’on a affaire à un mineur, et, donc, avoir au moins un auteur identifié : les « non poursuivables » ne représentent que 13,4 % des affaires traitées et celles-ci, 89 % des affaires reçues) ; cependant, avec une augmentation des saisines du parquet de plus de 82 % en dix ans (180 127 contre 98 864 en 1991), le taux de poursuites, qui atteint 36,89 %, a chuté, en valeur absolue, de près d’un tiers (- 31,73 %) : on est passé de plus d’une poursuite sur deux (54,04 % en 1991) à guère plus d’une sur trois… En valeur relative,  surtout si on rapporte les chiffres à l’accroissement de la délinquance des mineurs, l’effondrement est encore plus sensible.    

 

            * On pourrait y ajouter et y assimiler, parmi les poursuites confiées à un juge d’instruction, qui relèvent encore de la « mise en état » des dossiers (36 398 en 2001, soit 2,7 % des « poursuivables »), celles qui ne déboucheront jamais sur une mise en examen (30 % des affaires terminées dans l’année) ; voire aussi, celles qui, après mise en examen, conduisent de même à des non-lieux (12,6 % des mises en examen).

 

                        III- TROISIEME ETAPE : LE PRONONCE DE LA SANCTION

 

                        Quand on a eu le malheur, malgré tout, d’être poursuivi, puis, d’être reconnu coupable, on peut, quand même arriver à échapper à la condamnation, ou, en tout cas, écoper d’un minimum, très en-dessous de ce qu’affiche la loi :

 

                        1°) D’abord, parce que la peine prévue par la loi, c’est du « chewing-gum » (peines « caoutchouteuses ») : il y a un “virus” dans la 1ère partie du code pénal (consacrée au régime général des peines), qui altère complètement tout le reste...

 

                       * La loi ne fixe plus, en principe, qu’un maximum, un plafond sans plancher (ou, tout comme) : le juge peut toujours descendre jusqu’au minimum minimorum de l’échelle des peines (sans même avoir besoin, comme sous le précédent code pénal, d’invoquer les « circonstances atténuantes »), sans limite en matière correctionnelle (art. 132-19 et 132-20 C.P.) ; étant précisé qu’en matière criminelle, le minimum est, en théorie de deux ans pour une peine perpétuelle, ou, un an pour les autres (art. 132-18 C.P.) -mais, avec sursis possible, voire, prononcé seulement d’une amende si elle est prévue (art. 132-17 C.P.) ; par exemple, le crime de terrorisme qui consiste à empoisonner l’environnement en provoquant la mort des personnes, peut déboucher, en théorie sur... 1 €. d’amende (pour la R.C.P. encourue) -avec sursis ! (art. 421-2 et 421-4 C.P.).

 

                                    * Ce maximum est lui-même incertain quand il s’agit de la peine « maximale » (« capitale »...) : on verra comment la « perpétuité » (sic) peut durer, dans les textes, moins de quinze ans ou au moins trente ans (du simple au double !) et, parfois, être inférieure à des peines à temps (par exemple, de trente ou vingt ans, voire moins en cas de récidive, en prenant en compte la période de sûreté...).

 

                                    * La loi met sur le même plan, juridiquement, des peines de nature et d’intensité très différentes, comme l’emprisonnement et la gamme des mesures dites « de substitution » ou « alternatives à l’emprisonnement », -en permettant au juge, dans de très nombreuses hypothèses, de recourir à de telles mesures pour remplacer la prison -pourtant prévue directement par le texte qui réprime l’infraction (art. 131-5, 131-6 , 131-8 et 131-9 C.P.), voire l’amende (art. 131-7 C.P.). Par exemple, un gros trafic de stupéfiant valant dix ans de prison peut se ramener à...la simple confiscation de la drogue saisie, ou, un retrait de permis de conduire (art. 222-36 et 222-44 C.P.).

 

                                    * La loi autorise, dans le même ordre d’idée, le prononcé d’une simple mesure complémentaire à titre de peine principale (art. 131-11 C.P.) : ainsi, par exemple, un  délit de corruption ou trafic d’influence puni normalement de dix ans de prison (art. 433-1 C.P.) peut être sanctionné... d’une simple mesure d’affichage de cette condamnation à l’affichage (art. 433-22 C.P.)...

 

                        2°) Ensuite, les peines prononcées sont, pour les « gros bataillons de la délinquance », dans le bas de la « fourchette », très loin du maximum possible :

 

                        Tous les faits commis sous une même qualification n’ont pas, bien sûr, la même gravité, objective ou subjective ; il est normal que les peines s’étalonnent en fonction des circonstances effectives, de la personnalité du mis en cause etc. Mais, force est de constater que les juges, dans l’ensemble, et pour ce qui constitue le plus courant de l’activité répressive, son « tout-venant », son « droit commun », restent très nettement plus près du « plancher » de pénalité possible, que du « plafond » ; en sorte que la tonalité générale qui s’en dégage fait apparaître le plus souvent la menace que comporte la loi comme plus ou moins dérisoire : à partir d’un trop grand et trop fréquent décalage entre théorie et pratique, virtuel et réel, c’est la signification même de la loi pénale qui est remise en cause.

 

                        * En droit :

 

                                    - Comme si la marge considérable offerte au juge ne suffisait pas, la loi a prévu de l’élargir encore, en permettant des modalités de diversification qui peuvent dénaturer complètement la prévision normale des textes : ainsi, outre les sursis, des « échappatoires » sont possibles, comme la dispense de peine ou l’ajournement (art. 132-58 C.P.), ou, la semi-liberté ab initio (art. 132-25 C.P.)...

 

                                    - Mieux encore, on a inventé la peine « contractuelle », celle qui exige l’accord du condamné -comme s’il était associé par là à la décision : ainsi, avec le travail d’intérêt général (art. 131-8 C.P.)...

 

                        * Dans les faits :

 

                                   - Globalement, le nombre de condamnations est en baisse ; pour s’en tenir aux crimes, délits et contraventions de 5ème classe (peines principales), en 2001 : 548 746, en 2000 : 580 039, soit, une baisse de plus de 5 %, amplifiant le recul de 1999 (585 745, soit –1 %) ; - 9,3 % en trois ans seulement, malgré l’augmentation de la délinquance... Si les comparaisons dans le temps sont délicates, eu égard aux effets des lois d’amnistie et aux changements législatifs, force est de constater que le niveau, au début des années 1980, se situait bien au-dessus (733 846 en 1985, par exemple, soit une chute d’1/4) ; et que, même à champ constant (cf. Annuaire statistique), on était encore au-dessus, avec l’équivalent de 600 000 condamnations environ (soir, 9 % de baisse) : eu égard à l’ « explosion criminelle » qu’a connue notre pays depuis, cette baisse en valeur absolue, même limitée, traduit en réalité, en valeur relative, un véritable effondrement de la répression pénale.

 

                                    - Statistiquement, on est, dans l’immense majorité des cas, très en dessous du maximum encouru possible -en tout cas, en matière correctionnelle (les faits criminels, sont très « visibles » et obéissent à une autre logique, mais, sont statistiquement marginaux, et, connaissent un décalage qui, pour être important, est un peu moins marqué) : si bien qu’on peut se demander (en tout cas pour les infractions les plus courantes) ce qu’il faudrait faire pour le mériter... Ainsi, d’après les chiffres de la Chancellerie (Les chiffres-clés de la justice -octobre 2002-, pour l’année 2001, et, Etudes et Statistiques justice n° 19 sur les condamnations en 1999 et 2000 à partir du Casier judiciaire), si le quantum moyen de prison est tout de même de 14,6 années en matière de crimes, il n’est plus que de 7,7 mois en matière de délit (mais, 6,9 mois pour l’Annuaire statistique en 2000 : soit, - 9 %) alors que la peine encourue est, la plupart du temps, au moins de deux ou trois ans, et, peut monter, pour des faits qui n’ont rien d’exceptionnel, jusqu’à dix ans (avec doublement possible en cas de récidive, situation fréquente, mais peu prise en compte en pratique : s’il n’y a pas de statistique générale –inacceptable lacune-, on sait déjà que 10 % des condamnés environ font l’objet de plusieurs condamnations dans une seule année -ce qui donne une idée de la réitération sur plusieurs années !). Quant à l’amende, le montant moyen est de 558 € (3 721 F. en 2000, soit 567 € : une baisse de 1,6 %) ; il était, en 2000, de 4 100 F. (625 €) pour les délits (alors que l’inflation est passé par là pour les maxima et que, dans la majorité des cas, le plafond encouru est entre 50 ou 100 fois supérieur...) ; encore faut-il réaliser que les moyennes sont trompeuses, car elles cachent une forte dispersion : un petit nombre de lourdes peines (spécialement, criminelles) « tirent » les moyennes vers le haut, alors qu’en fait, l’écrasante majorité des sanctions, comme on va le voir, se concentre vers le bas.

 

                        - En particulier, s’agissant de la prison -dont la loi, par une attitude typiquement «  névrotique », tout en la prévoyant très fréquemment, fait tout, néanmoins, pour dissuader de son application -comme si elle en avait honte ou peur... De fait, l’emprisonnement ferme est presque marginal (et, en baisse constante) : il fait un peu figure de « résidu », par rapport à toutes les hypothèses où il est prévu ; ainsi, déjà, moins d’une peine sur deux prononcées par les tribunaux correctionnels comportent une forme d’emprisonnement (268 761 condamnations sur un total, majeurs et mineurs confondus, de 548 746, soit : 48,97 %, l’amende représentant 34,5 %, les « alternatives », 10,84 %), mais, près des trois quarts, en réalité, de ces peines supposées « d’emprisonnement » sont assorties d’un sursis et les deux tiers, d’un sursis total (seules 96 088 comportent une partie ferme, soit : 35,75 %) ; si bien qu’en définitive, seules 17,51 % des condamnations correctionnelles comportent une partie ferme (une sur six environ). Pour les mineurs, c’est moins d’une sur dix (8 305 sur 85 576, soit, 9,7 %).

 

                                    - Le nombre de condamnations à l’emprisonnement correctionnel, ferme ou avec sursis, ne cesse de régresser : - 5 % de 2000 à 2001, - 10 % de 1998 à 2001 ; les condamnations à la prison ferme, totales ou partielles, correctionnelles ou criminelles, qui sont de 97 436 en 2001, ont diminué de 2 % par rapport à 2000 et de 7 % par rapport à 1998. Malgré, là encore, l’inflation de la délinquance et son aggravation (augmentation des faits les plus graves, du nombre de récidivistes, de la précarisation de la situation de nombreux condamnés etc.) ; reculs en valeur absolue qui traduisent, en valeur relative, une régression encore plus élevée.

 

                         - Quand la prison est prononcée, le quantum est, la plupart du temps très bas. Ainsi, selon l’Annuaire statistique de la justice, pour l’année 2000 : globalement, en matière de délits, sur les peines comportant au moins une partie ferme : les peines inférieures à trois mois en représentent un tiers (32 618 sur 96 386), celles inférieures à six mois, près des deux tiers (61 411, soit : 63,71 %) ; celles inférieures à un an, plus des 4/5 (80 813, soit 83,84 %) ; moins de 17 % du total (15 573) atteignent ou dépassent un an (dont les 3/4 sont entre un et moins de trois ans ; en définitive, les peines de trois ans et plus, bien que constituant la majeure partie des sanctions encourues, ne  « pèsent » que… 3,7 % de l’ensemble...

 

                                    - La durée moyenne de l’emprisonnement correctionnel ne cesse de baisser : de 7,7 mois en 2001, elle était de 7,8 mois en 2000 (- 1,3 %) et de 8,2 mois en 1998 (- 6 %). De même pour la proportion des peines de relativement longue durée : en 1998, ce sont 18,8 % des emprisonnements fermes qui atteignaient ou dépassaient 1 an (contre moins de 17 % en 2001 : soit – 10 % ; le « canard » de l’alourdissement des peines, souvent évoqué dans la presse, ne vaut que pour une infime fraction des condamnés : soit, en matière criminelle, les peines de 20 ans et plus, dont la part, dans le total des réclusions criminelles,  a augmenté de 1998 à 2000, en valeur absolue et relative (de 19 %, mais cela ne concerne que… moins de trois cents condamnés par an et traduit sans doute une tendance à la hausse du nombre de faits graves –sans la répercuter complètement, d’évidence-, et, il suffit… d’une dizaine de condamnés en plus pour obtenir ce pourcentage !) ; les peines criminelles inférieures à 20 ans ont, elles, régressé de près de 4 %

 

                        - Quant à la détention provisoire qui peut représenter une sorte d’ « acompte » sur la sanction (en 2000, dans  près de 80 % des cas la peine prononcée couvre la détention provisoire ou ne la dépasse que de moins de 15 jours), elle est en baisse tendancielle constante et importante : en 2001, 16 761  décidées par les juges d’instruction (sur 51 398 mis en examen = 32,61 %). 5,8 % seulement des condamnations (= 32 144) ont été précédées d’une telle détention (5,4 mois en moyenne ; 24,4 mois pour les crimes, 3,7 mois pour les délits, 5,6 pour les affaires ayant été à l’instruction –moyenne tirée vers le haut par les affaires criminelles, très minoritaires-, 0,5 pour les comparutions immédiates). Le nombre de  prévenus placés en détention provisoire par les juges d’instruction a donc baissé de près de 60 % en dix ans (28 273 en 1991 -tandis que, dans le même temps, le nombre de personnes mises en examen, qui était de 72 412 en 1991, baissait de plus de 70 % : malgré l’explosion de la délinquance au cours de cette période !). En 2000, 37,37 % des détentions provisoires subies avant une condamnation correctionnelle avaient duré moins de 1 mois, 52,44 % moins de 2 mois, 66,48 % moins de 4 mois, 7,65 % avaient égalé ou dépassé 1 an. En 2000, la proportion de condamnés ayant connu la détention provisoire a été, pour les délits, globalement, de 7,3 % -en baisse (0,6 % pour les conduites en état alcoolique, 10,3 %  pour les vols et recel, 9,8 % pour les C.B.V., 22,4 % pour les stupéfiants, 23 % pour les infractions aux mœurs et 33, 8 % pour celles à la police des étrangers). En 2000, la durée moyenne pour délit avait été de 4 mois, soit, 15 jours pour la comparution immédiate et 5,7 mois pour l’instruction (3 mois pour les vols et recel, 2,5 mois pour les destructions et dégradations, 3 mois pour les coups et violences volontaires, 3,8 mois pour commerce et transport d’arme, 2,1 mois pour atteinte à l’ordre administratif et judiciaire) ; à l’instruction, en matière correctionnelle, elle avait duré moins de 1 mois pour 16,9 % des condamnés, moins de 2 mois pour 29,2 %, moins de 4 mois pour la moitié, un an et plus pour 11,4 %.

 


                                    - Le comble, c’est que l’emprisonnement n’est même pas toujours prononcé lorsqu’il devrait normalement l’être par simple application des règles du sursis, faveur –justifiée-, accordée au primo-délinquant, mais qui n’a de sens et d’efficacité que s’il tombe effectivement en cas de réitération (cf. art. 132-38 ou 132-48 C.P. : possibilité –très largement utilisée dans la pratique-, de non révocation des sursis antérieurs, malgré commission de nouvelles infractions : ce qui ruine la valeur d’avertissement et de menace qu’il est censé comporter...). L’absence de statistique précise sur ce point essentiel est une lacune inacceptable –et significative. Un exemple, parmi tant : celui de Guy GEORGES, le tueur en série, qui malgré de multiples condamnations pour des faits de violences graves, dont une peine de 10 ans, avait bénéficié, après réitération, d’une condamnation assortie d’un sursis avec< mise à l’épreuve, et, après nouvelle récidive, d’une condamnation sans révocation de ce sursis ! Deux femmes, qu’il a tuées après sa sortie, l’ont payé de leur vie.

 

                        - Toutes les infractions, naturellement, ne méritent pas nécessairement l’emprisonnement, même si la loi en prévoit le principe, et, quand l’emprisonnement paraît nécessaire, c’est la loi elle-même qui a permis l’octroi du sursis, quand cette faveur paraît méritée. Mais, réduit à de telles proportions, utilisé avec une telle parcimonie, l’emprisonnement perd beaucoup de sa signification et de sa portée. Or, c’est à la fois : la neutralisation -au moins pour un temps-, d’une puissance de nuire (« les malfaiteurs ne s’arrêtent que si on les arrête » : cf. exemple des U.S.A.), et, l’exemplarité : c’est, bien souvent, la seule peine vraiment « tangible » et crédible pour la population considérée ; on peut sans doute le déplorer mais c’est une réalité : la justice doit savoir parler aux délinquants le langage qu’ils comprennent...

 

                        * Quelques exemples dans le domaine délictuel (en retenant les critères les plus significatifs, comme la proportion de peines d’emprisonnement fermes)

 

                                   - Par grandes catégories (d’après l’Annuaire statistique 2002, pour l’année 2000) ; pour les vols (délictuels) : 34,14 % de peines fermes sur le total des condamnations de ce chef (32,34 % < 3 mois, 64,67 % < 6 mois, 2 % = ou > 3 ans, sur le nombre des peines fermes), durée moyenne : 5,1 mois (amende moyenne ferme : 2 306 F.) ; recels (délictuels) : 27,5 % (31,33 % < 3 mois, 62 % < 6 mois, 2 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 7,7 mois (amende moyenne : 4 250 F.) ; escroqueries et abus de confiance : 28,59 % (23,8 % < 3 mois, 50 % < 6 mois, 3,7 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 8 mois (amende moyenne : 5 736 F.) ; destructions et dégradations (délictuelles) : 18,95 % (48,10 % < 3 mois, 76,97 % < 6 mois, 0,8 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 4,2 mois (amende moyenne : 2 866 F.) ; coups et violences volontaires (délictuels) : 24,93 % (31,38 % < 3 mois, 61,64 % < 6 mois, 2,55 % = ou > 3 ans), durée moyenne = 6,4 mois (amende moyenne : 2 900 F.) ; blessures involontaires par conducteur (alcoolisme compris) : 5, 32 % (38 % < 3 mois, 71,5 % < 6 mois, 8,9 % = ou > 1 an), durée moyenne : 4,3 mois (amende moyenne : 2 435 F.) ; conduite en état alcoolique : 6 % (57 % < 3 mois, 87,4 % < 6 mois, 2 % = ou > 1 an), durée moyenne : 2,8 mois (amende ferme : 1 998 F.) ; infractions sur les stupéfiants (délictuelles) : 36,4 % (21,65 % < 3 mois, 40,67 % < 6 mois, 5,78 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 15,6 mois (amende moyenne : 2 725 F.) ; atteintes à l’ordre administratif et judiciaire (délits) : 24,87 % (50 % < 3 mois, 82,67 % < 6 mois, 0,1 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 3,5 mois (amende moyenne : 3 407 F.) ; faux (délits) : 20 % (21,7 % < 3 mois, 52,7 % < 6 mois, 3,75 % = ou > 3 ans), durée moyenne : 8 mois (amende moyenne : 7 080 F.).

 

                        - Par infractions représentatives de la délinquance la plus « ordinaire » et « courante » –notamment violente (contre les biens, les personnes et les titulaires de fonctions représentant la loi ou l’autorité en général)-, à partir de la base de données 2001 « Condamnations » de la direction des affaires criminelles et des grâces sur l’ intranet justice) : cf. tableau en annexe, avec les peines encourues en regard. On peut constater, entre autres, qu’en  pourcentage et en dehors de quelques exceptions, en plus ou en moins, le quantum d’emprisonnement ferme moyen se situe aux alentours de 1/10 de la peine encourue (moins encore pour l’amende), la proportion de peines fermes prononcées évoluant, le plus fréquemment, entre 1/4 et 1/3.

 

                        Mais la peine « réelle », c’est celle qui est exécutée : et l’on va voir qu’on est largement en retrait de la peine prononcée –et, encore faut-il même que cette peine soit mise à exécution.

 

                        IV- QUATRIEME ETAPE : LA MISE A EXECUTION DE LA SANCTION

 

                        Quand on n’a, malgré tout, pas réussi à passer à travers les mailles du filet, la chance qu’on n’a pas eu « au grattage », on peut encore l’avoir « au tirage » et ne pas exécuter sa peine, ou n’en exécuter qu’une fraction seulement ; comme s’il y avait  une sorte d’ « évaporation » de la sanction pénale... Et, d’abord, parce qu’il faut que la peine soit mise à exécution.

 

                                   * Là, c’est une sorte de « triangle des Bermudes », avec beaucoup de « pertes en ligne », spécialement pour l’emprisonnement. Si pour les personnes qui comparaissent détenues, l’exécution peut se faire « dans la foulée », quand il s’agit d’une peine de prison, dans les autres cas, l’exécution est beaucoup plus problématique… (ce n’est pas, au demeurant, l’un des moindres arguments en faveur de la détention provisoire –au risque de faire hurler ceux qui la dénoncent, soit qu’ils n’aient rien compris, soit qu’ils aient trop bien compris que c’était un pilier de la répression et qu’ils ne soient pas trop favorables à cette dernière…).  Près d’un tiers des jugements (29,5 % en 2000), déjà, au départ, ne sont pas contradictoires (cf. Les condamnations en 1999 et 2000 -Etudes et statistiques justice N° 19), souvent plus dans les grandes villes : ce qui rend leur exécution très aléatoire ; en outre, beaucoup ne sont pas exécutoires avant un délai qui peut se révéler très long, et, quand ils ont exécutoires, ils sont sujets à des aléas, pratiques (personnes sans domicile connu etc.) ou juridiques (grâces et amnisties...), qui peuvent faire obstacle -parfois définitivement-, à l’exécution, lassitude ou indifférence des responsables aidant. Outre, au préalable, pour les peines jusqu’à un an (art. D 49-1 C.P.P.), le passage obligé par le J.A.P., qui peut transformer la peine avant même son exécution, par exemple, en semi-liberté (art. 723-1 C.P.P.) ou placement à l’extérieur sans surveillance (art. D 136 C.P.P.).

 

                       * Ainsi, une étude faite sur les condamnations pour délits prononcées au cours de la semaine du 6 au 12 mars 1989 comportant une partie ferme (Infostat N° 16 -septembre 1990 Jean-Luc LE TOQUEUX) a montré qu’un an plus tard, 63 % avaient été exécutées, soit près des deux tiers  (dont 48 % pour l’emprisonnement ferme, globalement, soit une sur deux) ; mais, pour les condamnés à la prison qui étaient en liberté au moment du jugement (61 % du total –pour ceux qui étaient détenus, le taux est, par définition de 100 % d’exécution, mais ce n’est pas instructif en soi) et dont la condamnation était exécutoire (la moitié de ces derniers), seulement un sur quatre avait été effectivement écroué (soit, 12 % de ceux qui étaient en liberté…). Certes, on peut penser qu’au bout d’un plus long délai, ce nombre n’a pu qu’augmenter, mais sans atteindre jamais –il s’en faut-, les 100 %. Ainsi, une autre étude portant sur des condamnations –plus anciennes, dans un contexte différent et très particulier, il est vrai, de 1977 prononcées à Paris, mais, avec un recul de huit années, aboutissait à un résultat encore plus impressionnant : seul un condamné sur dix, en définitive, sur les 3/4 qui étaient libres au jugement, avait subi effectivement sa peine ! (cf.  Questions pénales II.1 -février 1989). Mêmes constatations, dans la première étude, pour les autres types de peines : moins de la moitié pour le sursis avec mise à l’épreuve (48 %), à peine plus pour le travail d’intérêt général (57 %), 18 % pour l’interdiction bancaire à titre principal, mais, 75 % pour la suspension du permis de conduire et 86 % pour l’amende.

 

                                   * La question a connu un regain d’actualité avec la publication d’un rapport de l’inspection générale des services judiciaires daté de juillet 2002 supposé porter sur « l’effectivité de l’exécution des sanctions pénales » (titre trompeur et abusif, puisqu’il n’y est, en fait, question que de la mise à exécution des peines, alors qu’il faudrait, pour mesurer l’ « effectivité », évaluer aussi les conditions d’application –que l’on va évoquer plus loin). Deux ans de suite (!), le syndicat de magistrats U.S.M. avait créé un faux « scoop », l’ignorance de la presse et des milieux politiques aidant, en annonçant bruyamment qu’ « un tiers des peines n’étaient pas exécutées » : ce chiffre avait été lancé à partir d’un rapprochement, illégitime et dépourvu de la moindre valeur scientifique (confinant même à l’absurde…), entre certaines données tirées des « chiffres-clés de la justice », alors que les études antérieures précitées, que bien peu de gens semblaient connaître, avaient, dans des conditions un tant soit peu rigoureuses et crédibles, déjà tenté de mesurer un phénomène empiriquement établi et connu de tous les praticiens –et justiciables ! Outre que parler d’inexécution dans l’absolu n’a pas de sens : il faut se référer à une période de temps déterminée, car la mise à exécution peut s’étaler parfois sur une très longue durée (ne serait-ce que par ce qu’il faut attendre, par définition, que la condamnation soit exécutoire –ce qui, avec les délais d’appel et de cassation, peut déjà prendre très longtemps !). L’important serait de savoir, en fin de compte, quelle proportion de peines échappe définitivement à l’exécution –outre la mesure des durées. Il est, en soi, extraordinaire que des informations aussi importantes ne soient pas disponibles en permanence !

 

                                   * A cette fin, la Chancellerie avait, en urgence, fait procéder à une petite étude, en avril 2002, par ses services, à partir d’une analyse des statistiques générales et d’un échantillon de juridictions (Cour d’appel de Rennes, T.G.I. d’Evry et Lyon). Une critique rigoureuse du rapprochement entre nombre de condamnations et d’incarcérations dans la même année amenait ainsi à relativiser le « taux apparent d’inexécution » (par exemple, 29, 1 % en 1999) avancé imprudemment par l’U.S.M. (et à le ramener, dans le même exemple, à… 5,2 %), mais, toutes les condamnations prononcées au titre d’une année n’étant pas mises à exécution au cours de cette même année (pour de bonnes comme pour de mauvaises raisons), ce type d’approche ne permet pas de savoir quel est le taux effectif d’exécution. Quand à l’échantillon retenu, qui ne pouvait pas prétendre être représentatif, il faisait apparaître une situation contrasté, mais, des retards importants dans l’ensemble : à Rennes, au bout de 8 mois, 46,2 % de taux d’exécution global (56,7 % pour les peines exécutoires), et, au bout de 20 mois, 56,4 % (et 78,8 %) ; à Evry, 55 % au bout de 8 mois et 65 % au bout de 14 mois, pour l’emprisonnement ferme ; à Lyon, il faut, le plus souvent, de 8 à 12 mois. Sur la base de cet échantillon, c’est 32 % des peines qui n’avaient pas exécutées dans l’année (ce qui ne signifie pas qu’elles devaient rester forcément inexécutées par la suite…).  Une étude de la direction des affaires criminelles et des grâces auprès des parquets pour les condamnations correctionnelles de juin 2001 avait fait ressortir un délai moyen de 81 jours (= deux mois et 21 jours), mais, pour une trentaine de tribunaux, c’était de 85 à 472 jours. D’où le rapport précité de l’inspection, pour essayer d’y voir plus clair à cet égard :

 

                                               - Pour les peines privatives de liberté : à partir d’un échantillon –limité et sans prétention de vraie représentativité-, de condamnations prononcées autour de la date moyenne du 3 avril 2000 (soit un recul moyen d’un an et demi), il a pu être constaté une grande disparité des résultats, avec un taux d’exécution global, qu’on qualifiera de « brut », de 72,5 %  ramené à 71,4 %, en excluant (à juste titre) les peines aménagées par le J.A.P. ab initio (de 11 % à 53 % des cas dont il est saisi, dans l’échantillon), soit un taux d’inexécution de 27,5 % et 28,6 % ; c’est ce qui a permis à la presse de titrer, hâtivement et sommairement, que « une peine sur trois n’était pas exécutée », mais, si elle s’était simplement donné la peine de lire l’étude deux lignes plus loin, elle aurait dû titrer en fait « une peine sur deux n’est pas exécutée » : en effet, le rapport retient, avec bon sens une notion d’ « exécution effective », en excluant les peines qui (« vraie-fausse » exécution…) sont considérément comme juridiquement mises à exécution, mais, du fait de grâces collectives, avortent avant même d’avoir reçu le moindre commencement réel d’exécution (l’équivalent d’un classement sans suite…) ; or, c’est une situation fréquente (jusqu’à 17 % des peines traitées), eu égard, comme on l’a vu, au nombre de très courtes peines : ce qui ne donne plus que 55,5 % d’exécution « effective », soit 44,5 % d’inexécution.  Pour les condamnés ayant comparu libres (47 % des peines supérieures à un an, contre 92 % des moins d’un an), le taux  « brut » est de 44 %. Pour les peines inférieures ou égales à un an, le taux d’inexécution est de 31,5 % (avec 21 % de grâces, d’où une inexécution « effective » de 52 %), mais de 9 % au-dessus d’un an. Le taux d’inexécution « brut » varie de 8 % à 71 % (délai d’information du casier judiciaire : de 13 à 699 jours…).

 

                               - Pour le sursis avec mise à l’épreuve, c’est moins de 46 % de taux « brut » d’inexécution, et, 49 % de taux « effectif » ; le délai d’épreuve est amputé d’ 1/4 lors de la convocation par le J.A.P., et, encore de plus de 10 % lors du premier entretien avec un travailleur social, qui a, en moyenne 115 dossiers à traiter en stock (parfois, il reste guère plus d’ 1/10 du temps à courir…) ; dans plus de 18 % des cas, aucune trace d’intervention… Pour le T.I.G., c’est 24 % d’inexécution (délai moyen : 4,8 mois). Pour la suspension du permis de conduire, c’est près de 36 %. Pour l’amende, le délai moyen de saisine du Trésor varie de 14 à 629 jours pour les T.G.I. ; une partie est classée sans suite (admission en non-valeur) en l’absence de renseignements suffisants et/ou pour modicité du montant (200 €, ou 100 € si tiers détenteur) ; un échantillon de trois T.P.G. donne un taux de paiement net entre 58 % et 76 % pour les extraits de jugement (entre 25 % et 36 % pour les amendes forfaitaires majorées de droit commun, et entre 0,88 % et 2,69 % pour les A.F.M. en matière de transport) ; 51% à 73 % pour les jugements de police, 51 à 62 % pour les jugements correctionnels, 65 à 93 % pour les ordonnances pénales. Le rapport constate aussi que le délai moyen de dactylographie des jugements correctionnels fluctue de 10 jours à six mois, d’où, entre le prononcé et l’envoi au service d’exécution des peines pour mise en route du processus d’exécution, un délai entre 3 semaines et 19 mois… Auquel il faudra pour les jugements à signifier (près d’1/4) ajouter trois ou quatre mois, entre autres délais supplémentaires etc. D’où, des incohérences fâcheuses (des peines en attente alors qu’une personne est détenue pour autre cause et est libérée…). 

 

                        Mais, mise à exécution ne signifie pas exécution complète.

 

            V- CINQUIEME ETAPE : L’APPLICATION PROPREMENT DITE DE LA SANCTION MISE A EXECUTION

 

            Va intervenir, en effet, le phénomène dit de « l’érosion » de la peine (un peu comme s’il s’agissait d’une espèce de fatalité naturelle !...) ; et là, pour l’emprisonnement, c’est un « festival » de mesures, qui donne un peu le sentiment que le temps carcéral est compté avec des montres molles à la Dali... : réductions (art. 721 et 721-1 C.P.P.), suspension, fractionnement de peine (art. 720-1 C.P.P.), semi-liberté (art. 723-1 C.P.P.), libération conditionnelle, « L.C. » (art. 729 et ss. C.P.P.) etc.

 

                                  * Dans le droit, dans l’abstrait, cette « érosion » peut atteindre des proportions considérables ; exemples :

 

                                               - Une peine « perpétuelle » (sic !) peut durer, selon les cas (car il y a... quelque six régimes différents !) aux alentours de quatorze ans (avec réductions du délai d’épreuve pour la L. C. -art. 729 et 729-1 C.P.P. dans le régime transitoire d’avant 1986), ou, au moins trente ans (cf. plus loin) ... Cf. le mot prêté au futur Napoléon III après sa condamnation sous la Monarchie de Juillet: « combien dure la perpétuité en  France  ? » (pour l’ « étrangleur », L. LEGER, par exemple, c’est, à ce jour, 38 ans (depuis 1964), mais pour tant d’autres,  comme on va le voir plus loin, cela a été bien moins : jusqu’à 8 ans...).

 

                                               - Une peine de vingt ans peut se ramener à un peu plus de huit ans par le biais d’une libération conditionnelle (cf. art. 729 C.P.P.), par le seul effet des réductions de peine (sans même prendre en compte les grâces collectives, devenues rituelles, qui, en pratique, accélèrent sensiblement l’évolution) ; avec sortie en permission, dès six ans (en centre de détention : art. D 146 C.P.P.)...

 

                                               - Et encore, y a t’il eu restriction, avec une loi de 1986, car le régime antérieur (qui a continué à s’appliquer pour les condamnés sous son empire), autorisait, par exemple, jusqu’à... neuf mois par an de réductions de peine, lesquels (un bonheur n’arrive jamais seul...) apportaient quatre mois et demi de réduction du délai pour obtenir la libération conditionnelle : c’est à dire que, psychologiquement (car, arithmétiquement, ce n’est pas quand même aussi simple), cela faisait... treize mois et demi de diminution de la peine par an ! (en somme, la peine algébrique, la peine négative...). On en est encore, tout de même, à cinq mois de réduction possible + deux mois et demi de délai de L.C....

 

                                               - Pour limiter ce phénomène, et ses effets pervers -dont il faudrait pouvoir s’entretenir plus longuement-, on a inventé, en 1978, la notion de « période de sûreté » (art. 132-23 C.P.) : durée minimum d’incarcération, normalement de la moitié, mais pouvant aller jusqu’aux deux tiers, et, pour une « perpétuité », de 18 à 22 ans, voire 30 et même, sans limite (art. 221-3 et 221-4 C.P.) -mais, avec subsistance d’un régime transitoire à 15 ans... Mais -chassez la « névrose », elle revient au galop !-, cette période, en réalité, n’est pas si « sûre » que cela, puisque, non seulement, la grâce peut la réduire ou supprimer, mais, un recours spécial, judiciarisé, existe à cette fin -même dans les cas dits « incompressibles » (art. 720-4 C.P.P.) ! (cf. la lessive dans le sketch de Coluche : toujours plus blanc que blanc ?...). Un étude, évoquée plus loin (Le temps compté, Kensey, 1992), montre que non seulement l’existence d’une période de sûreté affecte peu l’érosion de la peine, mais, que l’on a même, fréquemment, des cas où cette érosion est… supérieure pour des condamnés avec période de sûreté ! Exemple des peines de 15 à moins de 20 ans (sans période : 68 % effectués sur la peine prononcée, avec : 63,9 %…), peines de 20 ans et plus (sans : 64,6 % effectués, sans : 55,49 %, avec le plus faible taux pour les meurtres et assassinat : 52,6 %…).

 

                                               - La situation s’est aggravée considérablement avec la « juridictionnalisation », voulue par des parlementaires sans lucidité, toutes couleurs confondues, qui seront les premiers à dénoncer les « bavures des juges » ! Symboliquement et pratiquement, c’est une mesure de très grande portée, parce qu’elle aboutit en fait à reconnaître au condamné un véritable droit à l’inexécution de sa peine ! (on passe d’une logique « gracieuse » où l’octroi des mesures est une faveur accordée unilatéralement, comme la dérivation du droit de grâce qu’il représente, à une logique « contentieuse » -ce qui, entre autres, a pour conséquence, l’impossibilité de principe et, largement, de fait, de prendre en compte des éléments de pure opportunité, et, entre autres, ceux liés à la victime, à l’opinion ou au risque pour l’ordre public, qu’une autorité politique, comme le ministre, pour la libération conditionnelle, avait, en outre, une légitimité démocratique pour le faire) ; il est certain qu’il y aura, par exemple, plus de L.C. (cf. le cas « emblématique » de P. HENRY...).

 

                                   * Dans les faits, ces possibilités théoriques ne jouent pas toujours au maximum, mais, néanmoins, largement ; les (rares : ce qui en dit long…) études sur l’érosion des peines, montrent, par exemple, que :

 

                                               - Sur une cohorte de condamnés à 3 ans et plus libérés en 1982 (cf. Le retour en prison, Kensey Tournier, 1991), l’érosion moyenne avait été d’un tiers (32 %), en augmentation, par rapport à une même étude sur des libérés de 1973, de 45% ! Pour 16 % d’entre eux, l’érosion a été d’au moins 40 %...

 

                                  - Pour des sortants de 1989, condamnés à 10 ans et plus (Le temps compté, Kensey, 1992), l’érosion moyenne était de 34,3 % et pour près de 20 % elle était d’au moins 40 % ; seuls 1 % ont fait au moins 80 % de leur peine ; 37,4 % pour les 20 ans et plus (le « record » des catégories retenues –c’était l’inverse en 1982) ; 35,3 % pour les meurtres et assassinats (la plus forte érosion des catégories retenues…) ; 36,1 % ont bénéficié d’une libération conditionnelle (54,3 % pour les 20 ans et plus, 43,9 % pour les meurtres et assassinats : les plus forts taux des catégories retenues) ; les libérés conditionnels ont effectué, en moyenne 59,9 % de leur détention (58,9 % et 59, 4 %, pour les mêmes catégories « privilégiées » –et qui le restent ici).

 

                                     - Pour cette même cohorte, l’étude montre que les condamnés à 10 ans n’ont fait, en moyenne, que 6,6 ans (2/3) et 6 ans avec L.C. (60%), à 15 ans, 9,7 ans (64,6 %) et 8,7 ans avec L.C. (58 %), à 20 ans, 12,3 ans (61,5%) et 11,6 avec L.C. (58 %), à 30 ans, 15, 7 ans (52 %) [exemple de Georges COURTOIS (10 condamnations, peine de 9 ans, prise en otage de la cour d’assises en 1985, peine de 20 ans, libéré en 1997, chroniqueur judiciaire, et... récidiviste ; exemple de PETIT –« affaire ROUSSEL » : permission de sortie, malgré 15 ans pour avoir tiré sur des policiers et 10 ans pour tentative d’évasion avec prise d’otage...] ; 54 % des condamnés à 20 ans et plus ont bénéficié d’une libération conditionnelle (environ 1/3 en dessous).

 

                                      - Dans la même étude, les peines « perpétuelles » étudiées, qui ont fait l’objet de commutations, ont duré 17,2 ans en moyenne (identique à étude antérieure) –18 ans sans commutation ; sur 22 on compte près du quart (5 cas) de libération avant 15 ans, minimum théorique, dont un à 8 ans et un à 13 ans ; 21 sur 22 ont bénéficié d’une L.C. ; la commutation était intervenue en moyenne à 13, 2 ans (dans 5 cas, à 10 ans et moins).

 

                                      -Tout donne à penser que l’évolution s’est poursuivie dans le même sens et que ces chiffres sont, en permanence, à réévaluer à la hausse. Cf. Kensey-Tournier, Questions pénales XIV.5, décembre 2001 (échantillon de libérés en  1996-1997) ; homicide : 10,2 prononcés en moyenne, 6,2 effectués (62,6 % ; pour près de 10 %, c’est moins de 50 %, près de 40 %, c’est moins de 60% ; L.C. accordée pour 1/3) ; infractions à la législation sur les stupéfiants (sauf cession ou usage seuls) : 2,1 ans prononcés, 1,4 effectué (67 %) ; vol avec violence : 1,1 mois prononcé et 9,4 mois effectués (69 %) ; vol sans violence : 10,6 mois prononcés, 7,1 mois effectués (69 %) ; violences volontaires, outrage à fonctionnaire ou magistrat : 6,3 mois prononcés, 4,5 mois effectués (75 %). Mais, ces moyennes recouvrent une dispersion sensible : ainsi, pour l’homicide, près de 10 % avaient fait moins de 50 % de détention, 40 %, moins de 60 % de détention (à peine plus de 5 % ont fait au moins 80 % de détention).

 

                                     - Une autre étude Tournier-Kensey (Question pénales XIII.3 juin 2000), montrait que la proportion de libérés conditionnels était la plus élevée, justement, pour les homicides (33,3 %), devant le vol criminel (26,8 %), les atteintes sexuelles criminelles sur mineur (23,1) ou les ILS, sauf cession ou usage seuls (20,1 %), constatant une certaine corrélation positive entre la longueur des peines (qu’on peut penser traduire, au demeurant, leur gravité, en principe) et le pourcentage des L.C. (en somme, en simplifiant un peu : plus le fait est grave et lourdement sanctionné et plus on a une chance d’obtenir cette faveur…). L’étude « Le temps compté » montre, par exemple, que le taux de libérés conditionnels peut aller du simple au double selon qu’on est dans la tranche de peines 10/15 ans ou 20 ans et plus (pour meurtre ou assassinat, on passe de 39,9 % à 56,3 %, pour les autres infractions, de 24,3 % à 50 % -le « record », c’est pour les peines de 20 ans et plus prononcées assorties de peines de sûreté : 70,6 % pour meurtre ou assassinat, et, 75 % pour les autres infractions, tandis qu’on est autour de 50 % dans les mêmes cas, s’il n’y a pas de période de sûreté…).

 

                                     - De fait, toutes les études montrent que plus le quantum de la peine s’élève et plus l’érosion, toutes causes confondues, augmente (ce qui est logique : les mécanismes de l’érosion ont surtout été prévus pour jouer à partir d’un minimum de durée, et, il faut jouer au maximum de la « carotte » pour faire tenir tranquille les longues peines et acheter la « paix sociale » dans les prisons !). Un « canard » consiste à dénoncer la « baisse des libérations conditionnelles » qui serait supposée traduire un « alourdissement de la répression » : or, ces études montrent très clairement qu’au fil du temps, depuis 1973, il y a eu un effet de substitution entre les différentes sources d’érosion : l’essentiel de l’érosion venait autrefois de la libération conditionnelle, mais, du fait de la multiplication des mesures de réduction de peines, sous diverses formes, depuis le début des années 1970, celles-ci sont devenues prépondérantes, alors que l’érosion globale n’a fait que croître…

 

*

*      *

          

            Il faudrait aussi dire un mot des délais : car, le retard à sanctionner équivaut, au moins en partie, à un défaut de sanction, et, il y a une érosion, aussi, de la réprobation devant l’infraction. Selon le casier judiciaire pour 2000, le délai moyen est de 10,8 mois entre commission des faits et condamnation ; 9,6 mois pour le tribunal correctionnel, mais, 29,2 mois en cas d’appel (soit 19 mois environ devant la seule cour) ; 32,4 mois pour la cour d’assises (dont 20,3 mois pour l’instruction et 12,1 mois pour l’audiencement -mais à multiplier, désormais si appel, outre cassation éventuelle) ; 14,3 mois pour le tribunal pour enfants (8,7 mois pour juge des enfants). Il y a à cela des causes pratiques et juridiques…

 

            Tout cela, à toutes les étapes, c’est au prix, évidemment, du crédit de l’ensemble du système pénal. On disait, sous l’Ancien Régime, « Les peines sont arbitraires en ce Royaume »...  On pourrait dire, aujourd’hui : « Les peines sont virtuelles en cette République » -tout en étant d’ailleurs largement redevenues aussi « arbitraires » ! En effet, à tous les stades de la mise en oeuvre de la loi pénale, on assiste à un divorce considérable entre le virtuel et le réel : un fossé énorme, et qui, au fil des réformes pénales, ne cesse de s’élargir, entre les possibilités de sanction que prévoit théoriquement la loi, et, l’usage effectif qui en est fait. Nous sommes dans un régime d’indétermination des peines : à chaque stade, la peine se présente comme  quelque chose de flou, d’insaisissable, d’instable et d’inconsistant, qui se dégrade -comme l’énergie... C’est le règne des peines « flottantes », « fondantes », « évanescentes » -et, spécialement, de la peine carcérale -qui, pour certains, représente manifestement « la peine à abattre » (sans doute parce qu’aujourd’hui, c’est encore la plus « pénale » de toutes !). La sanction ne remplit plus sa fonction d’affirmation de valeurs, d’évaluation des actes, de réprobation du corps social.

 

            Mais, alors, qui est coupable ? Responsabilité bien partagée :

 

                         - Les juges, pour une part : il y a eu, de fait, chez certains, les ravages de l’idéologie anti-pénale (cf. le rôle du Syndicat de la magistrature, qui a « noyauté » la hiérarchie -illustrations : « Harangue » d’Oswald Baudot, vote pour l’abolition des prisons, refus de la loi sur la sécurité quotidienne, ouvrage sur les contrôles d’identité etc.) ; mais aussi, la perméabilité à l’esprit du temps, la crainte chez beaucoup –et, notamment, des hiérarques qui doivent leurs carrières à des coteries mondaines bien parisiennes-, de s’écarter des conformismes ambiants dans la classe dirigeante, ou, de déplaire aux puissants lobbys du barreau, des médias etc. Mais, beaucoup cherchent à faire leur métier et à répondre aux attentes des citoyens -avec bien du mérite ! Compte tenu du climat et des conditions dans lesquelles ils doivent travailler. Attention, donc, à l’ « erreur judiciaire » ! Ne pas se tromper de coupable : il est facile de crier haro sur les juges -un sport national !-, mais, un Etat a la justice qu’il mérite -et, les citoyens ont plus ou moins l’Etat qu’ils veulent bien avoir, en définitive -après tout, le bulletin de vote, ça ne s’use que si l’on s’en sert et il ne faut pas craindre de s’en servir à bon escient : si on veut de la sécurité, il ne faut pas voter pour des adversaires de la sécurité, ou, pour des gens qui n’en parlent qu’aux moment des élections et font ensuite, dans les cabinets et les hémicycles, tout le contraire !...

 

                         - Les « satellites » des juges : qui ont aussi leurs problèmes et leurs limites ; mais, parfois, ont aussi été victimes -et plus gravement, à l’occasion-, de l’idéologie anti-pénale : comme, spécialement, les institutions de la Protection judiciaire de la jeunesse -qui sont à reprendre en mains de fond en comble et mobiliser sur de nouveaux modes de prise en charge des jeunes délinquants.

 

             - L’environnement, social, moral, culturel... : rien de plus « réactionnaire », dans l’esprit du temps, que la sanction pénale, de plus antinomique avec les valeurs soixante-huitardes, et au-delà, l’hédonisme « existentialiste » de l’époque... Une grande ambiguïté dans les sentiments collectifs... Le terrorisme intellectuel et moral d’un certain microcosme (« bienséance », pensée unique du pénalement correct, « idéologie incapacitante »...).

 

                             - Les politiques : ce sont eux qui font les lois que les magistrats sont chargés d’appliquer, et, qui leur donnent le la ; or, certains, arrivés au pouvoir en 1981, étaient les chantres de l’idéologie anti-pénale (comme des antimilitaristes qu’on aurait mis à la tête de l’armée !) ; mais, presque tous sont plus ou moins les fils de leur époque, et, les otages volontaires de ce microcosme (qui a, longtemps, refusé d’admettre dans le débat public la question sécuritaire)... En outre, ils ont parfois peur de la justice (et certains, avec de « bonnes » raisons...) : ce qui les amène à casser ou altérer l’ « outil de travail »...

 

            L’outil de travail, parlons-en :

 

                         - Les moyens matériels et humains de la justice -et leur insuffisance : une banalité de le dire, mais, c’est vrai !

 

                              - Les moyens juridiques : une procédure pénale complètement ankylosée ; on a tellement peur de l’erreur judiciaire qu’on ne sait pas quoi faire pour multiplier les entraves à l’efficacité de la police et de la justice ; une centaine de réformes depuis 1958 ! Toujours dans le même sens, sans souci de cohérence, avec des faux débats, stériles (comme sur le juge d’instruction : qui est encore une des choses qui marchent le mieux -ce qu’on ne lui pardonne pas !) ; on fait des réformes pour une « élite » de délinquants, socialement favorisés, au préjudice de la grande masse -qui, pour l’essentiel, est à l’origine de l’insécurité vécue par l’immense majorité des gens... 

 

                            - La volonté nationale : jugeant « au nom du peuple français », la magistrature a besoin de la part du peuple -ou de ses représentants élus-, d’un message clair, d’une « feuille de route » sans équivoque, et, en plus de tous les moyens pour remplir son mandat, le sentiment d’un vrai soutien dans son combat contre le crime : ce n’est pas en lui tirant dans le dos, comme on l’a trop vu, qu’on la motivera ! Tout le monde (et, d’abord, ceux qui ont la charge de former la jeunesse...) est responsable du retour à un certain civisme : la « civilité » élémentaire qui permet de vivre ensemble en sécurité.

 

 

ANNEXE

 

QUELQUES EXEMPLES DE SANCTIONS PRONONCEES POUR CERTAINES INFRACTIONS SIGNIFICATIVES

 

 

N.B.  Ces éléments sont tirés de la base « Condamnations » sur le site intranet de la direction des affaires criminelles et des grâces, complétés de la référence aux sanctions prévues par les textes (et, dans certains cas, lorsque cela paraissait possible, pour le quantum moyen, de la mention entre parenthèses du quantum en cas d’infraction unique -tiré de l’Annuaire statistique 2002, pour l’année 2000-, la peine étant plus lourde en cas d’infractions multiples -situation fréquente qui tire la moyenne générale vers le haut) . Ces données sont relatives à l’année 2001

 

 

                                   -  Vol simple:

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 29,59 %

-          quantum moyen (en mois) : 4 (2,6)

-          montant moyen de l’amende : 2 275 F.

                                   -  Vol à l’aide d’une effraction :

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

-          % emprisonnement ferme : 49,1 %

-          quantum moyen (en mois) : 6 (4,8)

-          montant moyen de l’amende : 2 740 F.

                                   - Vol en réunion :

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

-          % emprisonnement ferme : 25,65 %

-          quantum moyen (en mois) : 5

-          montant moyen de l’amende : 1 710 F.

                                   - Vol avec destruction ou dégradation :

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

-          % emprisonnement ferme : 40,22 %

-          quantum moyen (en mois) : 5 (3,3)

-          montant moyen de l’amende : 2 666 F.

                                   - Vol aggravé par deux circonstances :

-          peine encourue : 7 ans et 100 000 €

-          % emprisonnement ferme : 38,71 %

-          quantum moyen (en mois) : 8

-          montant moyen de l’amende : 3 118 F.

                                   - Vol aggravé par trois circonstances :

-          peine encourue : 10 ans et 150 000 €

-          % emprisonnement ferme : 41,30 %

-          quantum moyen (en mois) : 14

-          montant moyen de l’amende : 2 312 F.

                                   - Vol avec violence sans incapacité totale de travail  :

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 F .

-          % emprisonnement ferme : 54,24 %

-          quantum moyen (en mois) : 9

-          montant moyen de l’amende : 2 519 F.

                                   - Vol avec violence et I.T.T. < ou = 8 jours :

-          peine encourue : 7 ans et 100 000 F.

-          % emprisonnement ferme : 60,57 %

-          quantum moyen (en mois) : 9

-          montant moyen de l’amende : 2 281 F.

                                   - Vol avec violence et I.T.T.  > 8 jours :   :

-          peine encourue : 10 ans et 150 000 €

-          % emprisonnement ferme : 67,43 %

-          quantum moyen (en mois) : 18

-          montant moyen de l’amende : 8 000 F.

                                   - Menace de délit contre les personnes faite sous condition :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 23,44 %

-          quantum moyen (en mois) : 4

-          montant moyen de l’amende : 2 773 F.

                                   - Menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 27,98 %

-          quantum moyen (en mois) : 4

-          montant moyen de l’amende : 2 988 F.

                                   - Menace de mort réitérée :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 31,03 %

-          quantum moyen (en mois) : 4

-          montant moyen de l’amende : 2 942 F.

                                   - Recel de bien provenant d’un vol :

-          peine encourue : 5 ans et la moitié de la valeur du bien au-delà de 375 000 €

-          % emprisonnement ferme : 28,8 %

-          quantum moyen (en mois) : 5 (3,9)

-          montant moyen de l’amende : 3 108 F.

                                   - Recel de vol aggravé (deux circonstances)  :

-          peine encourue : 7 ans et la moitié de la valeur du bien au-delà de 375 000 €

-          % emprisonnement ferme : 33,44 %

-          quantum moyen (en mois) : 14

-          montant moyen de l’amende : 4 992 F.

                                   - Dégradation ou détérioration volontaire du bien d’autrui (dommage léger)   :

-          peine encourue : 7 500 € (50 000 F.)

-          montant moyen de l’amende : 1 835 F.

                                   -  Dégradation légère de bien destiné à l’utilité ou la décoration publique par inscription ou dessin (« tags »…) :

-          peine encourue : 7 500 € (50 000 F.)

-          montant moyen de l’amende : 2 967 F.

                                   - Dégradation volontaire d’un monument ou objet d’utilité publique  :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 18,88 %

-          quantum moyen (en mois) : 3 (2,5)

-          montant moyen de l’amende : 2 889 F.

                                   - Dégradation ou détérioration grave du bien d’ autrui :

-          peine encourue : 2 ans et 30 000 €

-          % emprisonnement ferme : 20,9 %

-          quantum moyen (en mois) : 3 (2,5)

-          montant moyen de l’amende : 2 626 F.

                                   - Dégradation grave du bien d’autrui en réunion :

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

-          % emprisonnement ferme : 15,36 %

-          quantum moyen (en mois) : 4

-          montant moyen de l’amende : 2 602 F.

                                   - Destruction du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes :

-          peine encourue : 10 ans et 150 000 €

-          % emprisonnement ferme : 26,11 %

-          quantum moyen (en mois) : 10

-          montant moyen de l’amende : 2 932 F.

                                   - Intrusion dans l’enceinte d’un établissement scolaire :

-          peine encourue : 1 500 € (10 000 F.)

-          montant moyen de l’amende : 1 515 F.

                                   - Violence dans un établissement scolaire ou aux abords à l’occasion de l’entrée ou sortie des élèves suivie d’incapacité < ou = à 8 jours :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 6,73 %

-          quantum moyen (en mois) : 2

-          montant moyen de l’amende : 1 813 F.

                                   - Usage illicite de stupéfiants :

-          peine encourue : 1 an et 3 750 €

-          % emprisonnement ferme : 17,97 %

-          quantum moyen (en mois) : 5 (1,9)

-          montant moyen de l’amende : 2 412 F.

                                   - Détention non autorisée de stupéfiants :

-          peine encourue : 10 ans et 7 500 000 €

-          % emprisonnement ferme : 31,18 %

-          quantum moyen (en mois) : 10

-          montant moyen de l’amende : 3 000 F.

                                   - Violence avec I.T.T. < ou = 8 jours :

-          peine encourue : 1 500 € (10 000 F.)

-          montant moyen de l’amende : 2 436 F.

                                   - Violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 28,23 %

-          quantum moyen (en mois) : 5

-          montant moyen de l’amende :

- Idem avec I.T.T. n’excédant pas 8 jours:

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 26,10 %

-          quantum moyen (en mois) : 6

-          montant moyen de l’amende : 2 923 F.

- Violence en réunion avec I.T.T. n’excédant pas 8 jours :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 20,93 %

-          quantum moyen (en mois) : 4

-          montant moyen de l’amende : 2 722 F.

- Violence avec I.T. T. > 8 jours :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 18,31 %

-          quantum moyen (en mois) : 4

-          montant moyen de l’amende : 3 318 F.

- Violence en réunion avec I.T.T. > 8 jours :

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

-          % emprisonnement ferme : 28,44 %

-          quantum moyen (en mois) : 7

-          montant moyen de l’amende : 3 377 F.

- Violence avec arme suivie d’I.T.T. > 8 jours:

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

-          % emprisonnement ferme : 41,57 %

-          quantum moyen (en mois) : 10

-          montant moyen de l’amende : 3 212 F.

- Détention de chien d’attaque non stérilisé (chiens dangereux 1ère catégorie) :

-          peine encourue :

-          % emprisonnement ferme : 6,65 %

-          quantum moyen (en mois) : 2

-          montant moyen de l’amende : 2 576 F.

- Port d’arme prohibée de catégorie 6 :

-          peine encourue : 3 ans et 3 750 €

-          % emprisonnement ferme : 18,46 %

-          quantum moyen (en mois) : 3

-          montant moyen de l’amende : 1 927 F.

- Détention sans autorisation d’arme ou munition de catégorie 1 ou 4 :

-          peine encourue : 3 ans et 3 750 €

-          % emprisonnement ferme : 19,19 %

-          quantum moyen (en mois) : 8

-          montant moyen de l’amende : 3 566 F.

- Outrage à dépositaire de l’autorité publique :

-          peine encourue : 6 mois et 7 500 €

-          % emprisonnement ferme : 19,65 %

-          quantum moyen (en mois) : 3

-          montant moyen de l’amende : 2 799 F.

- Menace réitérée de crime ou délit à l’encontre d’un dépositaire de l’autorité :

-          peine encourue : 2 ans et 30 000 €

-          % emprisonnement ferme : 14,28 %

-          quantum moyen (en mois) : 7

-          montant moyen de l’amende : 3 167 F.

- Dégradation grave du bien d’un dépositaire de l’autorité publique:

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

-          % emprisonnement ferme : 13,33 %

-          quantum moyen (en mois) : 2

- Violence sur dépositaire de l’autorité publique avec I.T.T. n’excédant pas 8 jours :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 34,21 % 

-          quantum moyen (en mois) : 4

-          montant moyen de l’amende : 3 027 F.

- Violence sur dépositaire de l’autorité publique avec I.T.T. > 8 jours :

-          peine encourue : 5 ans et 75 000 €

-          % emprisonnement ferme : 45 % 

-          quantum moyen (en mois) : 5

-          montant moyen de l’amende : 5 667 F.

- Violence sur personne chargée d’une mission de service public avec I.T.T. n’excédant pas 8 jours:

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 22,63 %

-          quantum moyen (en mois) : 3

-          montant moyen de l’amende : 2 644 F.

- Rébellion :

-          peine encourue : 6 mois et 7 500 €

-          % emprisonnement ferme : 25,23 %

-          quantum moyen (en mois) : 4 (2,4)

-          montant moyen de l’amende : 2 943 F.

- Menace ou acte d’intimidation pour déterminer une victime à ne pas porter plainte ou à se rétracter : 

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 40,74 %

-          quantum moyen (en mois) : 4

-          montant moyen de l’amende : 3 167 F.

- Violence sur un témoin avec incapacité n’excédant pas 8 jours pour l’influencer ou par représailles :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 22,85 %

-          quantum moyen (en mois) : 6

-          montant moyen de l’amende : 4 375 F.

- Violence sur une victime avec incapacité n’excédant pas 8 jours pour l’influencer ou par représailles :

-          peine encourue : 3 ans et 45 000 €

-          % emprisonnement ferme : 32,14 %

-          quantum moyen (en mois) : 4

montant moyen de l’amende : 1 500 F.