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  • UN MINISTRE PLUS BLANC QUE BLANC jeudi, 30 novembre 2023
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Taubira, garde des shows

Nouvelle coqueluche de la presse people, Mme TAUBIRA, entre deux épanchements dans Paris-Match sur ses «blessures secrètes» (destinées donc… à ne plus le rester ! pas plus que le mépris qu’elle y affichait, cyniquement, pour les syndicats de magistrats, passé trop inaperçu…), avait convie le public, les 10 et 11 janvier, dans l’enceinte de l’UNESCO, à rêver « la Justice du 21ème siècle ».

Comme il était prévisible, cette opération de pure communication a vu des montagnes rhétoriques accoucher de petites souris pratiques –et largement virtuelles, qui plus est.

C’est que la boursouflure verbale ne fait pas une politique : la « justice du 21èmesiècle », c’est maintenant ! Et c’est chaque jour, avec toutes les difficultés que chacun de ses acteurs peut vivre, et, que ce moment d’onirisme ne pourra pas leur faire oublier.

Rien ne peut apparaître plus décalé, en effet, au monde judiciaire, comme à l’opinion publique –quand on veut bien ne pas l’abuser par des formules ronflantes et des comptes rendus complaisants-, que cette manœuvre démagogique de diversion, en regard des vrais problèmes et des premières urgences comme :

_ L’insuffisance criante des moyens et l’indignité des conditions de travail.

_ La perte de confiance des citoyens devant la marée montante de l’insécurité.

_ Le découragement et l’incompréhension des forces de l’ordre – dont vient de témoigner exemplairement et courageusement le Général SOUBELET-, face à la politique pénale du Gouvernement.

Et tant d’autres, en regard desquels les jeux d’esprit auxquels on a pu se livrer en cette fin de semaine à l’UNESCO, entre initiés, paraissent si dérisoires.

Non que, dans la masse des réflexions préparatoires (dont les quatre rapports, confiés, comme il se doit, à des gens de la même famille de pensée, qui ont puisé l’essentiel de leur inspiration auprès de ceux qui leur étaient idéologiquement proches, comme on l’avait déjà vu lors de la « Conférence de consensus », autre « show » où les mêmes faisaient consensus avec eux-mêmes…), il n’y ait pas des analyses pénétrantes ou des propositions pertinentes ; un certain nombre ont d’ailleurs été émises, parfois de très longue date et avant tout le monde, par l’A.P.M. elle-même (cf., le texte « Un grand programme pour la Justice », de 1989, sur le site, http://nouvelleapm.fr/index.php/archives/13-questions-diverses ).

Mais, tout donne à penser, à l’évidence que, comme pour cette « Conférence de consensus », l’essentiel est dans la tonalité idéologique du discours, et, comme il était hautement prévisible, il est apparus que les conclusions de cette caricature de « débat », où tout était strictement encadré (5 heures et demie seulement d’ « ateliers », avec un programme qui ne laissait place à aucune improvisation et où seule une poignée parmi les nombreux participants a pu s’exprimer -pour une foule de problématiques, dont chacune, à elle seule, eût exigé, pour le moins, la totalité du colloque !) étaient d’avance écrites et validées par la ministre ; laquelle savait bien, au demeurant, qu’elle n’avait pas trop à craindre la contestation d’un public, s’agissant des magistrats au moins, résigné d’avance, n’ayant pas eu le choix du volontariat et dont l’impertinence en face de la Chancellerie n’est pas vraiment dans la déontologie…

Pour s’en tenir aux projets annoncés finalement –une pincée des 268 propositions émises dans les rapports (pour beaucoup, au demeurant, du copier-coller puisé dans une bonne trentaine de rapports antérieurs remisés dans les placards de la Chancellerie…) :

_ Le « tribunal de première instance » unique : cette vieille idée n’est pas à récuser en elle-même, mais, elle est totalement irréaliste dans le contexte, compte tenu, notamment, du coût d’un regroupement physique des locaux et personnels –sans lequel cette « grande unification » n’aurait pas de sens ni d’utilité pratique-, du niveau à fixer, qui reste indéfini –et qui soulève beaucoup de questions, à commencer par celle de la cohérence avec les évolutions envisagées des structures territoriales, sans parler de la contradiction pour un Gouvernement qui a remis en cause certains choix du précédent en matière de carte judiciaire… Outre les obstacles politiques et institutionnels à surmonter -s’agissant, notamment, des juridictions spécialisées non professionnelles, pour ne rien dire des juridictions administratives, qu’on peut imaginer toutes plus que réticentes à la moindre intégration… Et, s’il ne s’agit que d’édifier une façade unique, le « village Potemkine » de la Justice, derrière laquelle subsisterait l’éclatement juridictionnel, cela n’aurait aucun intérêt.

_ Le « guichet universel de greffe » : mesurette technique, elle n’aurait son plein sens et utilité pratique qu’en accompagnement de la précédente ; sinon, elle risque de n’être qu’un détour obligé pour le justiciable, source de retards et de complications.

_ Le recours accru à l’internet : sans objection, naturellement, mais, c’est sans doute la seule suite concrète qui résultera de ce grand spectacle : « tout ça pour ça » ?...

_ Le langage judiciaire : éternelle « tarte à la crème », de démagogie facile et peu digne, qui fait fi des nécessités de la terminologie juridique (et, au passage, semble ignorer qu’il y a des professionnels, au besoin, pour expliquer les jugements aux justiciables, qui s’appellent, en particulier, les avocats…).

_  Le « divorce par le greffier » : c’est, à l’évidence, une simple manœuvre pour satisfaire une revendication catégorielle de ces personnels, et, une imposture que de laisser entendre que ce pourrait être un « désencombrement des tribunaux », puisqu’il ne s’agirait, en somme, que d’une forme de « virement interne », dont on ne voit pas, par quel bout qu’on le prenne, la plus-value pour le justiciable –et, bien au contraire ; il est permis d’être plus audacieux en la matière, comme l’avait envisagé la « Commission GUINCHARD ».

_  La « contraventionnalisation » de certains délits (stupéfiants, route…) : c’est une dépénalisation qui n’ose pas dire son nom, et, en tout cas, elle altèrerait substantiellement l’intensité de la réprobation publique attachée à ces comportements ; c’est aussi, la privation de la possibilité d’une mise en garde à vue : autant dire, en pratique, une absence d’enquête de la moindre ampleur –d’autant que la police ne s’activera pas pour un résultat pénal aussi dérisoire.

_ Le recours à la médiation, conciliation : sempiternelle « tarte à la crème », là aussi : sans du tout les récuser, elles ont leurs limites et il ne faut pas en attendre de solution-miracle ; en revanche, on aimerait une réflexion plus ambitieuse sur l’arbitrage –adapté à des litiges du quotidien, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui-, qui comporte, à côté de la maîtrise du contentieux par les parties, comme les précédentes, l’atout essentiel qui leur fait défaut et qui restreint sensiblement leur efficacité : un élément d’autorité, à l’instar d’un jugement.

Il est vrai qu’il est toujours plus facile de gérer les mots que les choses, et, parler de l’avenir pour essayer de faire oublier l’ingratitude du présent… En cela, Mme TAUBIRA ne fait que s’inscrire dans la ligne d’un Gouvernement qui, de reniements en reniements de ses engagements et promesses, d’échecs en échecs, et, confronté à la défiance massive du pays comme à la déception croissante de ses propres partisans, en est réduit à tenter, par tous les moyens, de détourner l’attention des Français des vrais enjeux et priorités.

bureau de la nouvelle APM