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DROIT DES MINEURS : DES ENJEUX MAJEURS

L’A.P.M., qui, de longue date, était favorable à l’abaissement de la majorité pénale, se réjouit de voir cette idée progresser auprès de responsables politiques.

Il s’agit, en effet, à tout point de vue, de la réforme la plus forte, symboliquement, et, la plus efficace, pratiquement, à réaliser pour adapter le droit des mineurs délinquants aux réalités, psychologiques et sociologiques, de notre époque, et, répondre à une attente lancinante de nos concitoyens ; qui, trop souvent –hélas, pas toujours sans motifs-, ont l’impression que la qualité de mineur vaut brevet d’impunité ou de quasi-impunité pour les auteurs des crimes et délits qui pourrissent leur quotidien –et, c’est bien, en tout cas, le sentiment très répandu chez les auteurs mêmes de ces faits que le « privilège » de l’âge leur vaudra un traitement de faveur qui diminue, voire élimine le risque de conséquences trop graves s’ils ont la malchance de se faire prendre (et, spécialement, celui d’être privé de liberté –qui, n’en déplaise aux belles âmes pétries des plus nobles idéaux,- est encore ce qui peut le plus, pour eux, incarner la sanction et les intimider…).

Il faut à cet égard, sans remettre en cause ce qui est le cœur du droit pénal des mineurs et qui est légitimé par les caractéristiques mêmes du jeune âge, savoir enfin rompre avec une sacralisation, désuète et simpliste, purement idéologique, de la délinquance des mineurs, qui est trop souvent la marque des milieux professionnels qui travaillent dans ce domaine et ont su imposer un discours dominant qui dévalorise la dimension répressive de leur fonction, quand il ne va pas, même, jusqu’à la nier, au mépris du mandat que leur donne la société pour sa protection.

C’est bien pourquoi, il s’agit, avec l’abaissement de la majorité pénale de 18 à 16 ans, d’une rupture majeure avec ce discours dominant, d’où l’importance de l’enjeu :

C’est un enjeu symbolique : à lui seul, il justifierait cette réforme. Chacun peut comprendre, en effet, qu’entre un jeune enfant, qui n’a pas achevé la construction de sa personnalité et peut encore être réceptif à un travail éducatif (sans cultiver des illusions trop naïves à cet égard, car les échecs initiaux de la famille ou de l’école, ne se corrigent pas si facilement), et, le jeune qui approche de l’âge adulte et se comporte comme un adulte, il y a une différence considérable, que le droit ne peut plus ignorer, sauf à pratiquer le déni de réalité.

En traitant, de principe, le jeune de 16 à 18 ans, comme un adulte, on lui fera prendre conscience qu’il n’est plus dans une catégorie protégée, c’est-à-dire, en fait, considérée comme inférieure et en situation d’incapacité –ce qui est aussi, une façon de le respecter et de le valoriser, et, en tout cas, de le responsabiliser vis à vis de la société : rien, en somme, ne peut être plus pédagogique, et, propre à favoriser ce « relèvement éducatif et moral » qu’évoquent les décisions du Conseil constitutionnel, comme un but assigné au droit pénal des mineurs.

C’est un enjeu pratique : nombre des spécificités du droit des mineurs apparaissent complètement inadaptées à une répression un tant soit peu efficace de jeunes présentant un potentiel de dangerosité élevé, tout à fait analogue à celui des adultes, et, sans que l’on puisse invoquer chez eux une fragilité psychologique particulière, comme cela peut être le cas des plus jeunes, pour justifier de dispositions particulières.

En alignant de principe leur régime à partir de 16 ans sur celui des majeurs (garde à vue, détention provisoire, exécution des peines etc.), on renforcera ainsi la crédibilité de l’intervention policière et judiciaire, en même temps que ses moyens d’action. On limitera aussi cette absurdité courante, qui, eu égard aux délais entre la commission des faits (qui commande le droit applicable) et leur jugement, voit des majeurs –et, parfois, déjà fort âgés-, comparaître devant la juridiction pour mineurs et encourir les mesures prévues pour des « enfants »…

C’est un enjeu politique : les responsables des affaires publiques ne devront pas se laisser impressionner par les (sempiternels) cris d’orfraie de ceux qui, vrais conservateurs, s’opposent systématiquement à toute évolution du droit des mineurs dès lors qu’elle leur paraît inspirée par une préoccupation « sécuritaire » ou « répressive » ; pas plus que par les arguties et sophismes des bons apôtres qui viendront alléguer des obstacles juridiques.

Il y a lieu en particulier de faire litière de ce que l’on peut voir opposer en ce sens :

-          La Convention internationale des droits de l’enfant (qu’au demeurant la France bafoue allégrement dans son article 7, avec l’accouchement sous X…) ? Il n’est que de la lire –et, notamment, dans son article 40-, pour constater que cette réforme ne contredirait en rien ses dispositions ; si celle-ci, pour son application, définit l’ « enfant », comme un être humain de moins de 18 ans, dans son article premier, elle ne fixe aucun plancher pour la majorité pénale, et, ce même article premier permet même, en toutes lettres, de fixer la majorité plus tôt (ce qui est le cas d’autres pays)...

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-          La jurisprudence du Conseil constitutionnel ? Il ne s’est jamais expressément prononcé sur l’âge de la majorité pénale proprement dit ; si, dans plusieurs décisions, il a affirmé que « l’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures adaptées » (il faut souligner l’intérêt de cette dernière alternative), figurait au rang des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, il ne s’ensuit pas que l’âge de cette « enfance » soit sacramentel et intangible (l’abaisser est, même, le meilleur moyen, d’éviter des débats sur l’application de mesures dérogatoires à partir de 16 ans, comme cela a été tenté à plusieurs reprises, avec un inégal succès, à des gens qui sont, dans le même temps, toujours considérées comme mineurs pénaux…). Il est à peine besoin de préciser qu’aucun principe n’impose non plus l’identité des âges de la majorité civile, de la majorité pénale et de la majorité politique. Il faut insister aussi sur le fait que le Conseil ne manque pas, dans ses décisions, de rappeler que « toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention » (cette ordonnance, en effet, qui est une « boîte à outils », n’est pas le monument laxiste qu’on décrit parfois : c’est une certaine pratique qui a pu en dévoyer l’application, sous la pression de l’idéologie…) ; dans cette esprit, le Conseil n’a jamais censuré la disposition qui permet au juge, dans l’ordonnance, de faire échec à l’excuse de minorité : dès lors, pourquoi le législateur ne pourrait-il pas, pour les plus grands « enfants », inverser le principe ? Ce ne serait que de l’individualisation (autre principe fondamental reconnu) bien comprise : traiter différemment des situations qui ne sont pas les mêmes.

Il va de soi, en effet, qu’une telle réforme, par pragmatisme, et, pour ne pas encourir de censure, ne devrait pas exclure la possibilité, dûment justifiée par les circonstances ou la personnalité du jeune, pour le juge, de prononcer des mesures propres au droit des mineurs pénaux, en complément à la peine, ou, à sa place. Rien n’empêcherait non plus, de prévoir la présence d’un juge des enfants (pourvu qu’il n’ait pas connu du cas en cette qualité, pour respecter le principe de l’impartialité) dans la formation de jugement. Ces jeunes majeurs pénaux, de 16 à 18 ans, représenteraient ainsi une catégorie intermédiaire entre les « vrais mineurs » et les « vrais majeurs », avec un régime pouvant mixer celui des uns et des autres, en évitant l’aberrante assimilation actuelle avec les jeunes enfants, alors qu’à tous les points de vue, ce sont des adultes qu’ils se rapprochent le plus (capacités physiques, psychologie, modes de vie, travail etc.).

Il faut donc souhaiter que, dès que les Français le permettront par le choix de leurs responsables des affaires publiques, une telle modernisation de notre droit puisse intervenir.

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