Le ministre de la justice, M. Dupond-Moretti, donne décidément, à l’occasion de sa comparution devant la Cour de justice de la République, une bien piètre et triste image de sa personne -et, à travers elle, de la fonction qu’il a l’honneur d’occuper.
S’il voulait par-là justifier tous les griefs portés contre lui -et d’abord, crédibiliser cette accusation d’avoir voulu, par vindicte personnelle d’avocat contre des magistrats qui avaient eu l’heur de lui déplaire dans son métier-, il ne s’y prendrait pas autrement !
Sans grande surprise, c’est, en effet, le naturel d’une personnalité pétrie de haine, de mépris et de ressentiment à l’égard de ceux qui rendent la justice qu’il affiche sans vergogne -y compris s’agissant de la Cour qui le juge-, avec une grossièreté de langage et de manières indignes du cadre en cause, comme du poste qui est le sien.
D’emblée, en qualifiant d’ « infamie » le procès qui lui est fait, ce sont tous les magistrats qui l’on conduit, de la poursuite au renvoi, en passant par l’instruction, qu’il insulte ; mais aussi tous ceux, juges professionnels ou parlementaires et magistrats du ministère public, qui y participent aujourd’hui.
En affichant son dédain pour des faits, « machins » et « trucs » dont il « se fout », il persiste -avec la vulgarité d’expression en prime-, dans l’attitude de déni qu’il a eu depuis l’ouverture de la procédure, ayant même refusé de s’expliquer à l’instruction -alors que garde des sceaux, le plus élémentaire devoir de sa fonction était (sans exclure la vigueur de la défense à laquelle tout justiciable a droit), a un minimum d’attitude de respect envers les institutions et ceux qui en ont la charge : c’est l’exemple le plus déplorable qu’il donne ainsi à tous ceux qui peuvent avoir maille à partir avec l’institution judiciaire, en les encourageant à l’imiter dans l’injure et l’agressivité.
En s’indignant que le représentant du ministère public ne l’appelle pas « Monsieur le Ministre » -gros comme le bras !-, il n’affiche pas seulement une vanité qui frise le ridicule en la circonstance mais, surtout, la prétention de ne pas figurer, dans cette enceinte, dans le rôle du prévenu mais, en majesté, dans sa fonction d’Etat -et donc, avec le pouvoir qu’elle lui donne sur les magistrats présents : c’est une forme de pression morale, en même temps qu’elle procède toujours de ce même déni -en somme, un procès en illégitimité de son procès…
Il appartiendra à la Cour de dire si elle est convaincue par les éructations de l’accusé et cette politique du bras d’honneur permanent, comme par son piteux argumentaire consistant à se défausser sur d’autres -et, d’abord sur les services qui dépendent de lui, comme s’il n’en était que le porte-plume, (ne craignant même pas d’affirmer qu’il ne connaissait rien ou presque à des rouages essentiels de la Justice -ce qui ne l’avait pas empêché, pendant des années, de délivrer tous azimuts son opinion, bien tranchée, sur cette dernière…), au mépris de toute réalité de la vie institutionnelle de la Chancellerie et en incohérence manifeste avec tout ce qui peut transparaître de son tempérament…
Une chose est certaine : s’il est condamné, ce sera aussi la condamnation, morale, des plus hautes autorités de l’Etat qui, en le maintenant à son poste envers et contre tout, ont permis, non seulement cette situation extravagante et à tous égards profondément malsains qui voit le responsable gouvernemental de la Justice comparaître devant cette même Justice, mais aussi, ce déplorable spectacle pour l’image de l’Etat.