Ainsi donc, comme il fallait s'y attendre, Syndicat de la Magistrature et Union Syndicale des Magistrats, main dans la main, ont bruyamment approuvé le projet TAUBIRA d'extension des peines de substitution.
Rien de bien étonnant à cela en fait.
Pour le premier, il s'agit simplement du salut amical à l'action de ses frères d'armes.
Pour le second, c'est une marque d'allégeance au pouvoir afin d'essayer de glaner quelques miettes.
La Nouvelle APM n'ayant pas vocation à participer à un quelconque « Club de la Mangeoire », il lui revient de dire la vérité sur ce projet.
En premier lieu, on ne se laissera pas abuser sur l'affichage répressif du texte.
Bien sûr, il propose de ramener de deux à un an le quantum de peine ferme aménageable par les juges d'application des peines. C'est la précédente majorité qui avait décidé de porter la possibilité d'aménagement à 2 ans ferme, et ce n'est certes pas ce qu'elle avait fait de mieux. Madame TAUBIRA propose de revenir à un an, on ne doute pas que les parlementaires s'en garderont bien, fermez le ban, mais au moins, en apparence, le gouvernement aura-t-il affiché une certaine volonté de fermeté.
Pour le reste, de quoi s'agit il ?
-De la suppression des peines plancher, dont l'automatisme serait une monstruosité. Sauf que ces peines n'avaient rien d'automatiques, la loi ayant donné aux juges tous les moyens pour les écarter. C'est donc une première imposture.
-De la primauté désormais affichée des peines de substitution à l'emprisonnement, qui deviendraient la règle, la prison devenant l'exception. Et là de deux choses l'une. Soit Madame TAUBIRA est de bonne foi, ce qui signifie qu'elle n'a jamais mis les pieds dans un tribunal ni consulté un casier judiciaire, soit elle se moque du monde. Mais dans les deux cas, sa posture s'apparente à la découverte du fil à couper le beurre.
La vérité, c'est qu'on serait bien en peine de trouver en prison un condamné qui n'aurait pas préalablement bénéficié d'abord de mesures alternatives à sanction, puis de peines multiples de substitution à l'emprisonnement: stage de citoyenneté au autre, sursis, TIG, sursis avec mise à l'épreuve, bracelets, aménagements de peine d'emprisonnement, suivi socio judiciaire, etc.
Très souvent, ce dispositif est suffisant, et le condamné ne récidive pas.
Hélas, il n'en est pas de même pour la petite frange de délinquants qui font fi de ces avertissements, et qui eux, récidivent. Ce sont eux, qui se retrouvent finalement en prison, et comme ils sont en état de multi récidive, ils s'y retrouvent parfois pour des durées assez longues. Car la réalité, c'est qu'il n'existe plus de courtes peines d'emprisonnement et actuellement, lorsque les juges envoient effectivement un délinquant derrière les barreaux, c'est que tout le reste a échoué.
Seuls se retrouvent donc en prison les multi récidivistes.
Cependant, par un invraisemblable tour de passe passe, Madame TAUBIRA veut faire croire au bon peuple que c'est le fait d'aller en prison qui entraîne la récidive.
Pour cela, elle convoque tous les bien pensants de la gauche judiciaire et autres idiots utiles, qui martèlent sur toutes les ondes et sur tous les tons que grâce à elle tout ira désormais pour le mieux dans le meilleurs des mondes possibles.
La vérité, c'est surtout que l'on n'a jamais évalué l'effet des peines de substitution à répétition, et l'éventualité de leur caractère criminogène (imputable à un possible sentiment d'impunité) sur une certaine catégorie de délinquants.
Ce n'était pas le moindre des mérites des peines plancher, pour cette catégorie là, de sonner la fin de la récréation.
Mais plutôt que de tenter avec objectivité une telle évaluation, Madame TAUBIRA va donc nous proposer d'aller encore plus avant dans les peines de substitution.
Dans les années 70 (au siècle dernier donc...) la télévision diffusait un dessin animé qui mettait en scène les Shadocks, créatures absurdes nous ressemblant de façon troublante. Ils avaient inventé une fusée, mais pas le carburant pour la propulser.
Heureusement, leurs dirigeants étaient très éclairés, et avaient calculés que statistiquement, plus une tentative ratait, plus elle avait de chance de réussir.
Les Shadocks essayaient donc de lancer leur fusée à la main, et se réjouissaient de la voir lamentablement retomber, certains que statistiquement, ils allaient ainsi à terme réussir à la faire décoller.
Le projet de Madame TAUBIRA semble s'être directement inspiré de cette école de pensée.
Mais pour finir, c'est le bon peuple, celui qui travaille, qui paye ses impôts et ses contraventions de stationnement qui va en faire les frais.
C'est en son sein que se recruteront les futures victimes des incompris qui n'auront pas encore suffisamment bénéficié de mesures alternatives à l'emprisonnement.
Au train où vont les choses, il ne faudrait pas que ces honnêtes citoyens en concluent qu'ils seraient mieux considérés par nos gouvernants s'ils arrêtaient de travailler pour dealer du shit, mais en attendant, ils verront avec intérêt s'inscrire la liste des prochaines victimes sur le mur des cons de la réforme.
23 septembre 2013
Jean-Paul GARRAUD
Président de la Nouvelle APM
Magistrat
Ancien Député