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Le sexe des genres

On a le sentiment que, depuis un an, le sexe et ses cinquante nuances (de bleu, rose ou panaché…) est la grande affaire qui obsède nos gouvernant(e)s, comme si notre pays n’avait pas de plus grande priorité que de s’interroger sur la traduction juridique du rapport des personnes à leur sexualité…

Il existe à cet égard une certaine cohérence entre le combat mené pour ouvrir le mariage à la diversité des « orientations sexuelles » -ç’aura été le grand œuvre de Mme TAUBIRA, qui revenait, en fait, sous ce rapport, à gommer la différence des sexes-, et, les menées, de moins en moins subreptices, pour promouvoir la « théorie du genre » -encore plus radicale dans la neutralisation de cette différence, et, qui paraît avoir toutes ses entrées place Vendôme.

Dans… le genre, on a eu, récemment, ainsi, l’injonction comminatoire faite aux parquets –qui n’avaient pas semblé comprendre ce que les discrètes invites de la directrice des affaires criminelles et des grâces avaient d’impératif-, d’être représentés à une manifestation aussi capitale, honorée de la présence de la ministre, que celle organisée à l’E.N.M. les 3 et 4 juin derniers, sur le thème des « violences et discriminations à raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre ».

Il fallait bien, en effet, pour un type d’infraction qui, sur les quelque quatre millions de crimes et délits traités chaque année par les parquets, doit compter pour une bonne quarantaine de cas, décréter la mobilisation générale… Et ne pas hésiter –c’est l’U.S.M. qui s’en indigne, comme si c’était là l’essentiel-, à priver des collègues de province de leur fin de week-end pour être à Paris le lundi matin à neuf heures tapantes… (ce qui, certes, était faire bon marché tant de leur charge de travail –qui pouvait légitimement se prévaloir d’autres urgences-, que du respect de leur fonction –quand on se flatte, par une réforme statutaire, de les rendre plus indépendants, on ne les siffle pas comme des toutous !).

D’évidence, l’enjeu n’était pas que de politique criminelle : il fallait d’abord « sensibiliser » –en français courant : bourrer le crâne, endoctriner-, les magistrats à cette idéologie de l’ « identité de genre », dont l’un des experts invités –que l’on dit avoir l’oreille de la ministre-, M. Daniel BORRILLO, professeur de droit à Nanterre (souvenirs, souvenirs…) se fait le chantre.

Pour résumer, les tenants de cette conception veulent « dépasser la binarité historique du masculin et du féminin », qui n’est, somme toute, pour eux, qu’une forme insupportable de discrimination : le genre (surtout bannir le terme sexe, qui réfère à un vulgaire et quasi indifférent fait de nature), est une question purement subjective, qui n’intéresse pas l’ordre public mais la seule vie privée, et qui, relevant du « sentiment intime », est de l’ordre de la liberté de chacun (choisir l’un ou l‘autre, ou les deux, ou aucun, voire un tiers…), en refusant « l’assignation de genre » par l’attribution d’un seul des deux sexes biologiques, sans que la société, avec son droit, ait à s’en mêler, sinon pour garantir, à tous les niveaux, cette liberté de choix ; comme ledit BORRILLO l’a expliqué lors d’une audition, le 19 mars dernier, par le « groupe de travail LGBTI » de la Commission consultative des droits de l’homme, il faut, dans cet esprit, « engager une véritable réforme pour mettre fin à l’assignation sexuelle dans les actes de naissance et autres documents d’identification des personnes », et, « construire un véritable droit à l’identité de genre, ce qu’implique la reconnaissance du droit au changement d’état civil fondé sur la seule volonté individuelle mais aussi l’accès à la modification morphologique prise en charge par les services de la sécurité sociale pour les personnes qui le souhaitent » ; à cette occasion, il a chaleureusement commenté la loi argentine du 23 mai 2012, qui crée un « droit à l’identité de genre », avec des conséquences de ce type.

Si, récemment, un amendement de Mme Barbara POMPILI, qui prônait l’enseignement obligatoire de cette théorie à l’école, a, finalement, été retiré, on peut gager que ce n’est là que partie remise et que l’on n’a pas fini d’entendre parler de cette nouvelle grande cause de la « bobocratie » régnante -qui ne manquera pas de se prévaloir, notamment, de cette décision de la justice d’un Etat australien, qui a admis la possibilité pour un individu d’être déclaré de genre « neutre » ; en attendant d’adapter la langue à cette innovation (un pronom « ille », ou « elil », ou « ilel » ?…).

On peut, en particulier, s’attendre –questions prioritaires de constitutionnalité aidant-, à des offensives sur le terrain judiciaire pour contester les textes et la jurisprudence actuels, à travers certains points sensibles.

Certes, il s’agit là, au-delà des lubies de cercles intellectuels et groupes de pression bien organisés et bien introduits dans certains milieux politiques et médiatiques, d’une question anthropologique majeure, mais, pour le juriste positif, la loi comme principe d’organisation sociale n’a pas à se faire la simple expression des « sentiments intimes » et des préférences subjectives, mais, doit poser un ordre objectif qui subsume et transcende les individualités, dans lequel le sujet de droit n’est pas reconnu et valorisé en tant que singulier mais en tant qu’universel.

Et puis, les pouvoirs publics, en des temps où la société se balkanise et où le pays est confronté aux grands défis de l’intérieur et de l’extérieur, sont-ils aux commandes pour être les courroies de transmission de lobbies marginaux ? Et n’y a-t-il pas problèmes plus cruciaux que la difficulté de certains à vivre leur sexualité dans le cadre juridique en vigueur ? On ne saura peut-être jamais si les anges ont un sexe, mais, on connait de vieux empires qui se sont effondrés, usés par des querelles oiseuses qui les détournaient de l’essentiel…

Le bureau de la nouvelle APM

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