La « renaissance » dans la Justice attendra, tandis que la « nouvelle méthode » annoncée pour un « nouveau mandat » sera plus que jamais la même –c’est-à-dire la pire !
En effet, avec la reconduction de Me Dupond-Moretti, accompagnée, même, d’une promotion protocolaire, le Président de la République et sa cheftaine de gouvernement (qui se condamne ainsi, comme son prédécesseur, à jouer les gardes des sceaux supplétifs préposés à l’évitement des conflits d’intérêts d’un titulaire au passé bien encombrant et à la rigueur trop incertaine…) affichent spectaculairement leur mépris sans borne :
- De la sanction des électeurs qui, lorsque l’intéressé s’était aventuré à solliciter leurs suffrages, l’avaient sèchement éliminé dès le premier tour, avec un résultat qui, par sa piteuse modestie, ridiculisait d’autant plus les rodomontades du personnage… : c’est là, au-delà du droit formel, un déni moral de démocratie.
- De la dignité des fonctions gouvernementales, alors que l’intéressé a été mis en examen pour des manquements tombant sous le coup de la loi pénale et témoignant, qui plus est, par leur nature, de l’empressement qui aurait été celui de cet avocat à assouvir sans vergogne ses haines personnelles par le moyen des pouvoirs que lui conférait sa toute nouvelle position dans l’Etat ; on ne peut manquer, à cet égard, de souligner la parfaite incohérence des responsables, alors que nombre de ses homologues, depuis 2017, dans des situations comparables, ont été contraints de quitter leur poste –à commencer par le premier titulaire des sceaux du quinquennat, ce qu’imposaient, entre tous, sa place à la tête du ministère public et sa mission essentielle de préserver le crédit de l’institution judiciaire-, ces précédents et ces considérations majeures, inexplicablement, ne semblent donc pas valoir pour M. Dupond-Moretti…
- Des sentiments légitimes des membres du corps judiciaire, heurtés, dès l’origine, par la désignation de quelqu’un qui s’était comporté à leur égard en ennemi et dont, par la suite et très vite, le comportement n’a pu que les conforter dans leur première réaction ; persister dans ce qui est dénoncé par beaucoup comme une formidable « erreur de casting » est un geste de profonde hostilité à l’égard de ceux qui rendent la justice, dont il n’est guère de précédents dans un Etat de droit et qui serait inimaginable à l’égard d’autres corps de l’Etat ; ce n’est, en tout cas, pas de nature à favoriser le retour de la confiance et de la sérénité dans des juridictions confrontées à de lourdes difficultés –outre le spectre des réformes à venir…
- Des attentes de nos concitoyens vis-à-vis de la justice pénale : maintenir et promouvoir symboliquement l’avocat arrivé aux applaudissements des détenus et qui, par sa dernière loi, a aggravé sensiblement l’érosion des peines (avec, entre autres, une augmentation du total des réductions pouvant être accordées ainsi que des libérations anticipées automatiques), pour qui l’insécurité n’est qu’un « sentiment » et non une réalité, c’est le plus détestable signal que l’on puisse envoyer ; d’autant plus que l’on a toutes raisons de penser que le rapport du comité présidé par M. Sauvé (où les magistrats administratifs sont plus en nombre que les magistrats judiciaires et dont la majorité des membres sont ou ont été avocats…), qui tiendra lieu de feuille de route au Garde conservé, préconisera une politique anti-carcérale et des réformes procédurales favorables aux intérêts des avocats…
Il y a donc une erreur manifeste de rédaction au Journal officiel de ce jour, 21 mai 2022 : M. Dupond-Moretti n’est pas nommé « ministre de la justice », mais ministre contre la justice.