« Ils » sont donc « passés », une fois de plus, ridiculisant les téméraires fanfaronnades d’un Président qui s’était pris pour le futur Maréchal Joffre à la veille de la bataille de la Marne…
En un seul jour, trois morts à Nice -ville déjà très éprouvée-, dans le havre de paix d’une église, et, sans doute d’autres évités de justesse à Lyon et Avignon : que faudra-t-il pour imposer à tous cette évidence que notre pays est en guerre civile rampante, avec les actes de fanatiques -qu’ils soient ou non plus ou moins téléguidés de l’étranger-, qui témoignent du rejet croissant, par une fraction de la population présente sur notre sol, et, en écho aux manifestations d’hostilité qui se multiplient à l’extérieur, de notre histoire et des piliers de notre civilisation ?!
A chaque fois, les mêmes réactions stéréotypées, comme devenues de plus en plus routinières ; les mêmes rodomontades, les nouvelles venant chaque fois un peu plus souligner la vanité des précédentes ; le même affichage de quelques mesures décidées en catastrophe pour donner les apparences de l’action. En bref : la même impuissance qui se camouffle derrière l’enflure des mots !
Ce que met ainsi en lumière un peu plus cruellement chaque nouvel attentat terroriste, c’est l’extraordinaire fragilité de notre Etat républicain : il suffit maintenant du premier détraqué ou exalté venu, armé de son couteau de cuisine, pour bouleverser l’existence nationale, mettre en transe la société politique et médiatique, perturber le cours des institutions, conduire jusqu’au chef de l’Etat, toutes affaires cessantes, à se rendre sur le terrain (qui imagine le Général de Gaulle en faire autant à chaque attentat de l’O.A.S. ou du F.L.N. ?!...) pour montrer spectaculairement, par l’intensité de sa réaction émotionnelle, à quel point la France et son peuple sont affectés : attitude irresponsable, qui signe la délitescence morale d’un Etat contemporain pour qui exister ce n’est plus que communiquer, et, qui est le plus beau cadeau qui puisse être fait aux terroristes, comme la meilleure justification de leur action.
Par définition, en effet, l’objectif du terrorisme, c’est de terroriser l’ennemi, altérer son moral, révéler son incapacité à prévenir et empêcher le coup qui le frappe et lui faire redouter, à tout moment et en tout lieu, sa répétition.
Aussi, la première réponse et, sans doute, la plus efficace, c’est de le priver de cette satisfaction !
En temps de guerre, une législation d’exception, par la censure, vise à empêcher toute valorisation de l’ennemi –dont on occultera ou minimisera les succès-, et, à préserver le moral des troupes et de l’arrière : exigence salutaire qui n’a, alors, que faire des scrupules du temps de paix !
Il est bien évident qu’en l’état actuel des choses, ce ne serait pas réaliste. Pour autant, il appartient désormais aux vrais hommes d’Etat, conscients de leur responsabilité, de ne pas être les marionnettes de l’événement, même (et surtout) s’il heurte la sensibilité populaire, et, de savoir faire preuve de sang-froid et de mesure, en restant à leur hauteur et non en s’effondrant à celle de l’agresseur.
On peut bien, à cet égard, prendre toutes les mesures les plus répressives que l’on veut –et, certes, il en faut !-, pour réduire et maîtriser au maximum le risque, mais, si, à chaque fois, au son des grandes orgues de l’affliction, s’affiche l’image désastreuse d’un appareil d’Etat ébranlé, ce sera peine perdu, et l’intérêt pratique en sera compromis par la ruine morale.
C’est là un préalable.
Mais la guerre, il faut la faire, aussi, avec des armes de guerre –et pas avec des sabres de bois ou des pistolets à eau tiède !
Il faut se souvenir que le dispositif mis en place, après les troubles de l’Algérie, avec la Cour de Sûreté de l’Etat, a été jeté aux orties par l’alternance de 1981 –dont, ce qui ne peut être de bon augure, l’actuel Président du Conseil constitutionnel a été une figure de proue-, tandis qu’au fil du temps, sous la pression de l’idéologie anti-pénale, de la pusillanimité de gouvernants qui avaient peur de leur ombre sécuritaire, et, des aberrations des jurisprudences constitutionnelle et européennes (songeons que, si le tueur de Nice a été aidé pour rentrer irrégulièrement en France, par souci de « fraternité », le « frère » de circonstance ne pourrait même pas être poursuivi, et, l’intéressé, bien qu’en séjour irrégulier, eût bénéficié des meilleures protections pour persévérer dans cette irrégularité !...), l’efficacité et la rapidité de la répression pénale ont très largement obérées.
Ce qui est déjà fâcheux à l’égard de la délinquance « ordinaire », est insupportable, s’agissant de cette infraction « absolue » qu’est le terrorisme.
C’est donc un chantier à rouvrir d’urgence.
Parmi les priorités, il faut se demander, en premier lieu, s’il ne faut pas compléter et couronner la création du parquet national antiterroriste par une juridiction nationale auprès de qui il serait placé, qui disposerait d’une pleine autonomie, juridique et matérielle, pour assurer, de bout en bout, la continuité de la chaîne pénale, de l’enquête à l’application des peines, en passant par le jugement ; étant entendu que, par rapport à l’ex-Cour de Sûreté de l’Etat, les aspects qui cristallisaient la contestation de cette dernière (présence de militaires, absence de parties civiles etc.) devraient (et pourraient sans inconvénient majeurs aujourd’hui), être gommés.
En même temps, il faudrait enfin (Alain Peyrefitte en avait eu la velléité au moment de sa loi « Sécurité et liberté » mais avait reculé devant la conjuration des oppositions…), créer une procédure de flagrance en matière criminelle : quand un assassin est trouvé, l’arme encore fumante ou le couteau sanglant dans les mains, avec sa victime à ses pieds, une déclaration de culpabilité –dans des conditions offrant les garanties nécessaires-, doit pouvoir intervenir très vite (sans préjudice des investigations complémentaires ne portant pas sur l’essentiel, d’ors et déjà établi) : on peut s’attendre, en effet, si l’agresseur de Nice survit, à ce qu’il ne soit, en pratique, pas jugé définitivement avant de nombreuses années, et, pendant tout ce temps, « présumé innocent », il pourra… faire condamner tous ceux qui le présenteraient comme coupable ! (on peut compter, par exemple, le cas échéant, s’il le choisissait, sur un potentiel avocat, alors ancien ministre, et, qui aurait déjà fait la preuve –à défaut d’une très grande efficacité-, de son acharnement à défendre un terroriste…).
Bien entendu, de telles réformes devraient s’accompagner de droits accrus pour les enquêteurs (délais de garde à vue, moyens, juridiques et techniques, d’investigation etc.).
Un véhicule législatif proche, avec le texte attendu sur le « séparatisme », pourrait en être l’occasion : chiche ?