Les exactions répétées commises ces derniers temps par des groupes de « casseurs », place de la République et ailleurs –outre l’intolérable existence, en divers endroits du territoire, de zones illégalement occupées, en dépit de décisions de justice restées lettre morte, et, livrées à toutes sortes de désordres et de violences-, pose, de nouveau, la question de la répression de tels agissements.
Il faut rappeler, à cet égard, qu’avec bon sens, courage et lucidité, dans un pareil contexte de tensions sociales et politiques, la loi du 8 juin 1970 « tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance », dite familièrement « loi anticasseurs », avait mis en place tout un dispositif pour sanctionner les instigateurs, organisateurs ou participants pour des actions commises en groupe ayant provoqué des violences ou voies de fait contre les personnes, ou, des destructions et dégradations aux biens ; en particulier, dans le cas où ces violences étaient commises lors d’un rassemblement illicite ou légalement interdit par l’autorité administrative, étaient sanctionnés, aussi bien les instigateurs et les organisateurs n’ayant pas donné l’ordre de dislocation que les participants dès lors qu’ils avaient eu connaissance de ces violences ; elle visait également ceux qui s’introduisaient dans un rassemblement, même licite, en vue d’y commettre ou de faire commettre par les autres participants de telles violences aux personnes ou aux biens. Les condamnés en application de ces dispositions étaient, en outre, civilement responsables des dommages corporels ou matériels commis par le groupe ou à l’occasion de tels rassemblements (sauf au juge à les en exonérer en partie et à les dispenser de la solidarité entre eux).
La gauche, qui avait mené un combat idéologique acharné contre ce texte, en avait, finalement, après l’alternance politique de 1981, obtenu l’abrogation par une loi du 23 décembre 1981 ; créant ainsi un vide juridique -qui n’a été, depuis, que partiellement comblé (malgré les avancées d’une loi du 2 mars 2010).
Si le cadre juridique constitutionnel a évolué depuis cette époque, il faut néanmoins, dans le même esprit, s’interroger sur les moyens d’une législation répressive plus adaptée, car l’arsenal actuel manque de clarté et de cohérence, et, laisse impunis certains comportements :
1°) Mieux caractériser l’illicéité d’un rassemblement : tout rassemblement volontaire et délibéré sur la voie publique, soit qui n’a pas respecté les conditions imposées par la loi pour son autorisation, soit qui, autorisé ou spontané, est marqué par l’existence de troubles à l’ordre public, ou, la menace sérieuse de tels troubles, et, s’est poursuivi après ordre de dispersion lancé par l’autorité publique, doit être tenu pour illicite ; et, dès lors, doit pouvoir engager la responsabilité, tant des organisateurs, instigateurs et provocateurs, que des participants qui sciemment et délibérément, ont continué de s’y associer –ce qui n’est pas le cas dans toutes les hypothèses aujourd’hui.
2°) Unifier et harmoniser les régimes de responsabilité et sanction : ils sont, à l’heure actuelle, marqués par certaines discordances, tant à l’égard des « meneurs » qu’à celui des « suiveurs », qui ne sont pas justifiées et rendent le dispositif peu lisible et insuffisamment efficace.
3°) Prendre en compte le résultat quand il y a commission de violences contre les personnes ou les biens : le code pénal prévoit certaines circonstances aggravantes, telles le port d’arme ou lé dissimulation du visage, mais, à la différence de la loi de 1970 précitée, ne fait pas de distinction entre un rassemblement « pacifique », serait-il illégal-, et un rassemblement qui se traduit par des violences ; il faut donc :
- Pour les « meneurs » (organisateurs, instigateurs ou provocateurs) faire de la commission effective d’actes de violence lors d’un rassemblement illicite une circonstance aggravante : il n’est jamais innocent d’appeler des gens à entrer ou demeurer dans l’illégalité, et, trop facile de dire « je n’ai pas voulu cela »… Il est juste, s’il y a des débordements, que les intéressés en assument alors leur part de responsabilité.
- Pour les « suiveurs », sanctionner le fait même d’être impliqué dans une action collective répréhensible : sans préjudice de la possibilité d’appliquer les textes spécifiques réprimant les violences dès lors qu’une responsabilité individuelle d’un participant peut être bien individualisée (ce qui est une question de pur fait), la seule présence volontaire et non fortuite dans un groupe où ce commettent de telles infractions doit être érigée en infraction autonome ; c’est une exigence d’équité, en même temps que de bonne politique criminelle : ne pas pouvoir profiter de la confusion qui peut régner en de telles situations (qui peut rendre l’individualisation d’une responsabilité déterminée dans la commission d’un acte, en pratique, trop problématique…), et, être dissuadé de prendre ce risque (le participant actif doit savoir que, même si la justice n’est pas en mesure de lui imputer personnellement tel fait précis, il ne sera pas quitte pour autant…).
Le spectacle de l‘impunité dont bénéficient trop souvent les auteurs de violences collectives –et la violence commence avec l’appropriation irrégulière de l’espace public-, est, pour tous les citoyens respectueux des lois, un scandale permanent, et, pour les autres, un encouragement à violer ces dernières : c’est donc là un enjeu majeur pour la paix, la sécurité et la tranquillité publiques, dont sont comptables les gouvernants du pays devant le peuple français.