Par son arrêt de ce jour rendu dans l’ « affaire Bodein », la Cour européenne des droits de l’homme a validé le dispositif français de « perpétuité renforcée » (expression beaucoup plus adéquate que celle couramment utilisée dans les médias de « perpétuité réelle » ou de « peine incompressible », qui sont de véritables abus de langage, au regard du contenu effectif des règles en cause…).
Il faut, quoiqu’il en soit des sentiments que peut trop souvent inspirer la jurisprudence de cette autorité étrangère, s’en réjouir :
D’abord parce qu’elle renvoie à un sort ô combien mérité un abominable assassin à l’égard de qui une décision de faveur eût été un scandale national, discréditant irrémédiablement l’institution qui l’eût prononcée.
Mais aussi parce que c’est un désaveu cinglant de tous les milieux politiques et d’opinion acharnés à contester le principe même de telles sanctions, qui, à la différence des peines « fondantes » qui sont le droit commun de nos codes, sont –au moins pour un temps significatif-, vouées à s’appliquer telles qu’elles ont été prononcées, sans être altérées ou abrégées dans le cadre de que l’on appelle –par antiphrase !-, « application des peines », alors qu’il s’agit de l’organisation de leur non-application.
C’est là, en particulier, le désaveu de toute la philosophie pénale de Mme Taubira, qui a tout fait pour promouvoir, dans la récente loi qu’elle a, malheureusement, réussi à faire voter, un système fondé sur l’érosion permanente et généralisée des peines : même si en l’occurrence, il ne s’agit, dans cette décision, que de dispositions extrêmes d’un champ d’application limité, c’est, intellectuellement et symboliquement, de toute première importance.
Toutefois, il faut, une fois de plus, déplorer que la Cour européenne entoure la mise en œuvre de telles peines à vocation « incompressible » de conditions et de restrictions tout à fait critiquables, attentatoires à la souveraineté des Etats et à leur droit naturel à déterminer librement les garanties de leur légitime défense contre le crime.
Quoiqu’il en soit, cet arrêt doit constituer un encouragement pour un futur législateur mieux conscient de ses responsabilités envers la société, et, plus soucieux de répondre à l’attente de nos concitoyens que de se soumettre aux diktats de cénacles de pensée marginaux et dépassés, à étendre, aussi considérablement que possible, le champ d’application de cette « perpétuité renforcée » -doublement « renforcée », puisqu’ainsi validée en dernier recours.