Avec un rare sens de l’opportunité, alors que notre pays se trouve confronté de plein fouet à la menace terroriste du fanatisme islamique, et, que les Français viennent, par deux votes successifs sans appel, d’exprimer leur exaspération face à l’actuelle majorité politique va donc s’ouvrir, à l’Assemblée nationale, la discussion sur l’effarant projet pénal de Mme Taubira : il y a là quelque chose de surréaliste !
Surréaliste, parce que le Premier ministre qui endosse ce choix politique est celui-là même, sous sa casquette de ministre de l’intérieur, avait eu le jugement le plus sévère, non seulement sur la quasi-totalité du contenu même de ce texte, mais, surtout, sur toute la philosophie dont il procédait et sur les assises intellectuelles sur lesquelles il prétendait se fonder : en qualifiant de « fragile » son socle de légitimité, ce sont toutes les analyses sophistiques et biaisées de la conférence dite « de consensus » (un consensus entre gens choisis parce qu’ils pensaient tous la même chose et -bienheureux hasard !-, la même chose que la ministre…) que M. Valls rejetait. On ne saurait être plus incohérent et cynique, et, sacrifier ses convictions –avec l’intérêt du pays, en prime-, à des considérations de circonstance politiciennes : ce type de reniement signe un personnage et pulvérise une image « sécuritaire » qui ne pouvait abuser que les plus nigauds.
Surréaliste parce que Mme Taubira –comme l’A.P.M. l’avait prévu et annoncé dès le départ-, au mépris de la plus élémentaire loyauté envers l’équipe gouvernementale à laquelle, contre toute attente, elle continue d’appartenir, a fait fi des arbitrages rendus dans la mesure où ils n’allaient pas dans le sens de ses obsessions anti-pénales, et, s’est appliquée à obtenir leur remise en cause, avec le soutien de la fraction la plus maximaliste de sa majorité : on peut ainsi gager que la tentative du Président et du Premier ministre de la « recadrer » à cet égard -à propos de la folle extension à tous les délits de la non-peine dite abusivement de « contrainte » (sic) « pénale » (sic bis)-, sera vaine et que leur autorité –ou ce qu’ils tentent d’en sauver-, se verra, une fois de plus, bafouée : en toute logique, le Gouvernement, devrait, en cas de vote contraire de sa propre majorité, engager sa responsabilité s’il a la moindre volonté de faire barrage à cette aberration –à défaut, cette velléité se montrera pour ce qu’elle était : une pure opération de communication et une assez piteuse manœuvre de défausse…
Surréaliste, enfin, parce qu’au mépris des attentes les plus légitimes d’une écrasante majorité de nos compatriotes, et, d’exigences fondamentales de l’ordre républicain, le Parlement va voter un texte de désarmement du droit : en aggravant considérablement ce qui est déjà l’un des plus grands maux de la justice pénale et source de son discrédit dans l’opinion, soit, l’indétermination des sanctions, par la création d’une peine « zombie », évanescente et fondante (la non-contrainte si peu pénale…), la disparition des peines-planchers, la dévitalisation des sursis et de l’emprisonnement etc., la ministre –moins « de » la justice que « contre » la justice-, ne se fait pas seulement l’instrument délibéré d’un lobby acharné de longue date à l’affaiblissement de notre système pénal, elle altère au-delà du raisonnable le principe de la légalité des délits et des peines, qui a son assise constitutionnelle dans la Déclaration des Droits de l‘Homme et du Citoyen de 1789 : c’est un formidable bond en arrière, puisque l’on reviendra, dans la réalité des faits, au principe qui était celui de l’Ancien régime, soit, de l’arbitraire du juge (qu’exprimait le vieil adage « les peines sont arbitraires en ce royaume ») ; dès lors, en effet, qu’une marge considérable est laissée au juge non seulement pour fixer la sanction, mais aussi… pour la modifier ou la supprimer au cours de son exécution, cette exigence capitale d’un Etat de Droit se trouve, en pratique, annihilée.
On veut donc espérer que l’opposition se montrera en séance autrement combattive et présente qu’elle ne l’a été en commission : on ne comprendrait pas, alors qu’elle a su récemment, par sa détermination, faire obstacle au vote d’un texte sur la famille dont la portée et les enjeux étaient tout de même, sans les minimiser, moindres pour notre peuple et notre avenir, qu’elle ne mette pas toute son énergie et les moyens de la procédure parlementaire pour un résultat analogue ; elle a une lourde responsabilité à cet égard, et, il y va de sa crédibilité dans la perspective d’une éventuelle alternance.
On veut donc aussi pouvoir compter sur le Conseil constitutionnel pour qu’il sache, le cas échéant, sanctionner l’évidente violation des principes en germe dans ce texte (en espérant que l’un de ses membres, cheville ouvrière auprès de Mme Taubira de la « conférence de consensus évoquée », aura la décence de s’exclure des débats et des votes, par élémentaire souci de préserver la crédibilité du Conseil).