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Cynisme d’Etat

Face à la crise de confiance majeure envers les responsables des affaires publiques, latente de plus longue date, que traduisent les alertes lancées par des militaires devant la désagrégation du lien national et les menaces de confrontation civile qu’elle porte, comme la lassitude et l’exaspération des forces de l’ordre devant les violences dont leurs membres sont victimes, avec le sentiment, bien souvent, de la vanité de leurs efforts pour mettre hors d’état de nuire les ennemis de notre société, les réponses de circonstance et les postures de pure communication apparaissent aujourd’hui dérisoires –sinon même indignes et scandaleuses, quand elles tendent à prendre la justice comme bouc émissaire d’interrogations légitimes et de frustrations compréhensibles, aussi bien dans certains corps de l’Etat que dans l’opinion.

Il est, à cet égard, d’un effarant cynisme de voir le Premier ministre tenter de calmer la colère policière par une surenchère -passablement artificielle- dans les textes qui répriment les violences à l’égard des gardiens de l’ordre, alors que, dans le même temps, son gouvernement -sous l’égide d’un garde des sceaux qui, dans toute sa carrière, s’était identifié jusqu’à la caricature à son rôle d’avocat et qui, dès son arrivée, entre deux applaudissements de ses « fans » dans les prisons, proclamait haut et fort que l’insécurité n’était qu’un simple « sentiment »…-, est en train de faire voter un texte compliquant et entravant encore plus le travail des enquêteurs… qu’avec sa bénédiction, sa majorité veut même aggraver ! Alors que le Président lui-même a tenu, sur les réseaux sociaux, des propos qui ne pouvaient que légitimer et exacerber l’hostilité bien ancrée, dans certaines couches de la population, envers les porteurs d’uniforme !

Le cynisme est à son comble quand l’avocat-ministre-candidat, pour essayer de se dédouaner de l’accusation de « laxisme », met en avant son projet de suppression des crédits de peine « automatiques », en se gardant de rappeler qu’ils peuvent toujours être retirés si un mauvais comportement le justifie, et, surtout, qu’il veut faire passer à six mois par an le maximum possible des réductions de peine, qui n’est, aujourd’hui, que de cinq mois ; ce qui signifiera que l’incarcération pourra, potentiellement, être abrégée de… neuf mois par an (puisque six mois de réduction entraînent, automatiquement, trois mois de diminution du délai pour obtenir une libération conditionnelle…) : ce tour de passe-passe, cette imposture, paraît avoir complètement échappé aux médias… Qui seront, à l’occasion, les premiers à crier haro sur le baudet judiciaire, quand un malfaiteur en aura bénéficié ! En compagnie des mêmes politiques qui auront voté ce texte et qui hurleront à la mort contre le juge qui aura eu l’inconscience de l’appliquer pour respecter leur volonté…

Il y a un moment où les acrobaties de danseur de corde sur le fil du « en même temps » trouvent leurs limites : les paroles ne sont rien si elles ne sont pas sous-tendues par le crédit de ceux qui les tiennent ; or, c’est là la faille de gouvernants qui, comme tant d’autres avant eux, n’ont pas voulu prendre la mesure du problème et ont préféré flatter des clientèles microcosmiques plutôt que de répondre à une essentielle aspiration populaire : qu’ils en trouvent, le cas échéant, la juste sanction dans les urnes, cela, après tout, ne concerne qu’eux, mais il est insupportable que ce soit les Français qui doivent payer le prix de leur inconscience et de leur irresponsabilité.

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