La décision rendue, le 19 juin dernier, par le Conseil Constitutionnel sur la loi « visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents », a, hélas sans surprise, passé à la broyeuse l’essentiel des dispositions qui tendaient -et pourtant, avec beaucoup de prudence et de timidité-, à renforcer la réponse pénale à l’égard des mineurs.
Certes, personne ne pouvait être dupe de l’aspect d’affichage de ce texte, qui, dans la pratique n’aurait eu que des effets passablement limités… (comme ce sera, d’évidence, le cas de la disposition sauvée de ce jeu de massacre, essentiellement symbolique, concernant les parents qui se soustraient à leurs obligations dans des conditions ayant un lien avec la commission d’infractions -ce qui ne sera pas facile à démontrer !).
En particulier, il est extrêmement douteux que la restriction à l’excuse de minorité eût pu, sauf très rare exception, avoir une portée concrète, le niveau des peines prononcées étant déjà bien en-deçà du maximum résultant de l’application de l’excuse…
Quant à l’équivalent d’une procédure de comparution immédiate, elle était soumise à des conditions et restrictions qui en réduisaient le champ du recours -et rien ne dit que les décisions des juridictions pour mineurs en eussent été significativement affectées…
Pour autant ces mesures et d’autres allaient dans le bon sens et pouvaient ouvrir la voie à des réformes plus substantielles pour moderniser le droit pénal des mineurs et l’adapter aux conditions actuelles de la délinquance des intéressés.
Mais le Conseil, une fois de plus, a verrouillé toute évolution d’ampleur en la matière, sacralisant un état désuet des conceptions en honneur, selon ses motifs, entre… 1901 et 1945 -comme si le temps s’était arrêté là, en invoquant des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République qu’il interprète en toute fantaisie, se faisant juge, en réalité, de la pure opportunité des choix opérés par le Parlement.
C’est une véritable congélation qu’il impose ainsi au législateur dans ce domaine pourtant particulièrement crucial.
Venant s’inscrire dans une longue dérive depuis le début des années 1970, qui a vu le Conseil, devant l’indifférence voire la complaisance des pouvoirs publics constitutionnels (et des responsables politiques prompts, d’un côté à vitupérer ce qu’ils appellent « gouvernement des juges » mais qui, de l’autre, ont tout fait pour établir et renforcer ce même « gouvernement »…), inventer de toutes pièces des normes constitutionnelles, très artificiellement rattachées à la Constitution et, par la très perverse technique des « réserves d’interprétation », purement prétorienne, s’ériger en législateur de fait au lieu et place du législateur, cette décision, « exemplaire » de ces abus de pouvoir, sera-t-elle, enfin, l’occasion d’une prise de conscience des responsables politiques pour tenter d’y mettre fin ?