Le mouvement des avocats contre la réforme de leur régime de retraite prend de plus en plus l’allure d’un sabotage du cours de la justice, dont les justiciables sont les premiers à faire les frais.
Il entraîne une désorganisation des juridictions qui va peser longtemps sur les magistrats et les personnels des greffes –déjà en butte à l‘engorgement des affaires, le manque de moyens, les réformes bâclées et précipitées qui s’accumulent etc.-, pour une cause corporatiste qui n’est pas la leur, et, qui est étrangère à l’intérêt d’une institution dont les membres du Barreau se disent pourtant les « auxiliaires » -car, nonobstant les plaidoyers pro domo (de bonne guerre en pareil cas…), personne ne peut sérieusement croire que c’est la qualité de la défense devant les tribunaux qui serait ici en jeu et non une simple revendication catégorielle, si légitime qu’on la juge le cas échéant…
Il faut rappeler que l’article 10 du statut de la magistrature interdit au corps judiciaire « toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions » : comment peut-on se dire « auxiliaire de justice » -en revendiquant à tout bout de champ une place de partenaire institutionnel de ces mêmes juridictions-, et, en même temps, ne pas s’imposer une règle d’éthique analogue ?! Alors, de plus, qu’à la différence de travailleurs « ordinaires » -qui subissent directement et définitivement la perte de revenus qu’implique leur grève-, les avocats pourront toujours finir par répercuter leur éventuel manque à gagner temporaire sur leur clientèle, pratiquement captive le temps de la procédure et qui n’a d’autre choix que de subir renvois d’audiences et différés d’actes (sur lesquels, au demeurant, on voudrait être certain qu’elle a toujours été consultée et pu donner son accord préalable…).
Quoiqu’il en soit, il appartient maintenant au Gouvernement, et, spécialement à la ministre chargée de la justice, de prendre toutes les mesures pour donner aux cours et tribunaux les moyens supplémentaires pour faire face à la situation et pouvoir résorber, par la suite, dans les meilleures conditions, le considérable surcroît de travail entraîné, sans, pour autant, faire payer aux justiciables -en termes de délais, notamment-, les conséquences d’une situation qu’il a créé ou n’a pas su éviter ni régler à temps.