M. Dupond-Moretti doit aujourd’hui tenter de faire oublier cet avocat homonyme qui, naguère, devant les tribunaux, se faisait le chantre de l’ « inceste consenti »…
Voilà donc que, sur l’injonction d’un Président de la République pressé de donner un os à ronger à une campagne médiatique en résonance avec de (lucratifs) « coups » éditoriaux, annonce une énième réforme de la répression des violences sexuelles à l’égard des mineurs –alors que l’encre des derniers textes en la matière est à peine sèche ; illustration caricaturale de la soumission des gouvernants contemporains à la tyrannie des influenceurs de l’opinion publique, et, nouvel exemple de l’exécrable pratique « un fait divers, une loi », et, de l’instabilité juridique qu’elle induit.
Ainsi, le Gouvernement voudrait maintenant que tout acte de pénétration sexuelle d’un adulte sur un mineur de quinze ans soit désormais défini comme un crime, sans considération de consentement : excluant donc qu’un(e) mineur(e), jusqu’à cet âge, puisse donner son consentement à l’acte.
C’est faire fi de la réalité des choses et de la complexité des relations humaines, en infantilisant ainsi les grands mineurs.
Mais, quoi qu’il en soit de ce débat, Me Dupont—Moretti (le retour du refoulé chez l’ex-avocat provisoire ?...), par une invraisemblable inconséquence, prévoit qu’il faudra un écart d’âge de cinq ans entre les deux partenaires, « pour ne pas criminaliser une relation adolescente consentie qui se poursuit après la majorité du partenaire plus âgé » : autrement dit, c’est admettre qu’un(e) mineur(e), avant quinze ans, peut donner un plein et entier consentement à une pénétration sexuelle si le partenaire n’a pas atteint cet âge, et, que les relations sexuelles entre mineurs sont parfaitement légales, jusque-là (dès lors, évidemment, qu’il n’y a pas l’une des formes de violence justifiant leur pénalisation) ; et même, le cas échéant, jusqu’à ce que l’un des partenaires atteigne l’âge de près de vingt ans (hypothèse où l ’autre en aurait près de quinze).
Comment justifier une telle différence de traitement : on est dans une incohérence schizophrénique, avec ces mineurs tantôt capables, tantôt incapables, de consentir. Une construction aussi baroque, loin de « renforcer l’interdit », ne pourrait que semer la confusion et être parfaitement illisible pour les jeunes : comment pourraient-ils comprendre qu’ils soient considérés comme suffisamment mûrs et responsables pour avoir une vie sexuelle avec d’autres adolescents –voire, de jeunes adultes que rien ne différencie vraiment de grands adolescents-, mais que, franchi un seuil d’âge aussi artificiel à cet égard, ils soient tenus pour immatures, irresponsables et automatiquement victimes, sans faire valoir leur consentement, et, que leur partenaire soit alors envoyé d’office aux assises ?! (où tout porte à croire, s’il y avait un tel consentement de la « victime » -qui sera peut-être la première à le revendiquer devant les jurés, avec un avocat plaidant, à l’instar d’un illustre prédécesseur, le « viol consenti »-, qu’il sera alors acquitté…).
On sent fort bien que, consciente des difficultés majeures que posait la satisfaction des groupes de pression auquel M. Macron voulait absolument céder, la Chancellerie a fabriqué un « en même temps » juridique sans queue ni tête…
C’est non moins vrai à l’égard de la question de la prescription : les mêmes groupes de pression réclament l’imprescriptibilité de ce type de crimes. Or, les mettre sur le même plan que les crimes contre l’humanité –seuls à en bénéficier-, serait saper la cohérence du code pénal : à travers le régime répressif attaché à chaque infraction, en fonction de la gravité estimée du fait, c’est une toute une échelle de valeur qui s’exprime –ce que des groupes de pression, autistiques, enfermés dans leur problématique, veulent ignorer ; en soumettant au même régime de poursuite des actes comme ceux-ci, aussi détestables qu’ils soient, que l’extermination systématique de millions d’êtres humains, c’est perdre toute mesure et terriblement dévaluer ces crimes de masse –une forme de négationnisme sournois et rampant, en fait…
Me Dupond-Moretti, pour éviter cette extrémité, propose donc une prescription « échelonnée » : s’il y a plusieurs faits imputables au même auteur, la prescription (déjà potentiellement très longue) non encore acquise pour l’une des victimes, bénéficierait à toutes les autres… C’est là encore un compromis boiteux, qui n’a pas de base logique, s’agissant de faits distincts –et qui ouvre la porte à des revendications identiques pour toutes sortes d’autres infractions (pourquoi traiter différemment un voleur impénitent ou un tueur sériel ?...).
Montesquieu recommandait de ne toucher aux lois que « d’une main tremblante » : c’est aujourd’hui la législation qui a la « tremblante » (maladie du mouton –en l’occurrence, celui de Panurge, aux ordres des réseaux sociaux…).