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DES AVOCATS A LA PLACE DES MAGISTRATS ? : DUPOND L’A REVE, MORETTI VEUT LE FAIRE…

L’alchimiste de la Place Vendôme vient de découvrir la pierre philosophale : pas assez de magistrats ? de trop longs délais de jugements ? Abracadabra, il suffit de… faire siéger des avocats à la place des magistrats !

Non, on n’est pas le 1er avril ; et, d’ailleurs, il fallait s’y attendre, de la part du « garde des siens », qui voit des avocats partout : non content de vouloir déguiser des salariés d’entreprise en avocats, voudrait maintenant déguiser ses confrères en juges…

Il existe, certes, une disposition du code de l’organisation judiciaire, qui permet, à titre exceptionnel, en cas d’urgence, à un avocat de rencontre d’être appelé à compléter le tribunal (on dit couramment « faire le pot de fleur »…) ; mais, ce n’est là qu’un simple expédient –et, un archaïsme qu’il faudra se décider un jour à supprimer, tant il heurte la logique institutionnelle (on ne devrait, par exemple, pouvoir faire appel qu’à des auditeurs de justice, ou, des magistrats honoraires).

Il existe déjà, pour les avocats désireux d’intégrer le corps judiciaire, des dispositions statutaires, fort généreuses, mais, assorties de conditions et garanties tendant à prévenir toute forme de brouillage de l’image de la justice dans l’esprit public, et, de conflit d’intérêt (une notion, il est vrai qui ne semble pas étouffer Me Dupond-Moretti…).

On peut imaginer que l’ancien et sans doute futur avocat qu’est l’actuel ministre de la justice a souvent rêvé, en attendant un verdict « ah, si j’avais mon copain, Me untel, dans le tribunal… », un confrère avec qui l’on pourrait jouer, d’une audience à l’autre, à « passe-moi, la rhubarbe, la prochaine fois, c’est moi qui te passerai le séné… » : vouloir l’institutionnaliser témoigne d’un cynisme sans pareil et d’un mépris absolu pour la magistrature.

Ce serait, en tout cas, d’évidence, inconstitutionnel : la justice est rendue par l’autorité judiciaire, par des gens dont c’est la mission exclusive, dans le cadre du statut prévu par la Constitution pour assurer leur indépendance, leur impartialité et leur compétence ; elle ne peut donc l‘être d’une manière « ordinaire » par des gens étrangers à ce statut –et, à plus forte raison, par ceux dont le métier, aux antipodes, est de représenter et défendre des intérêts particuliers dans les procédures !

L’avocat-magistrat est un hircocerf, un dahu juridique, que les membres du Barreau les plus conscients et soucieux de ne pas créer de confusion dans l’esprit des justiciables ne pourront que repousser, comme un cadeau empoisonné de leur « disruptif » confrère.

Une commission a été mise en place pour avaliser un projet aussi évidemment aberrant : souhaitons, pour leur honneur, que les magistrats qui ont accepté d’y collaborer, l’ont fait avec l’intention intime de le torpiller.

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