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PARQUET NATIONAL… FINASSIER

L’A.P.M., par une éthique professionnelle élémentaire –que ne respectent pas certaines autres organisations de la magistrature-, se refuse toujours à commenter les décisions de justice dans les affaires individuelles, s’en tenant aux seuls débats institutionnels.

Elle ne peut cependant rester silencieuse devant des dérives comme celles que manifeste le récent communiqué du parquet national financier dans une affaire qui défraye la chronique, tant il prête le flanc au soupçon d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.

Le parquet national financier, en effet, portait déjà la tare de son origine : création de pure circonstance, s’inscrivant dans une opération de communication gouvernementale visant à allumer un contre-feu à la lamentable « affaire Cahuzac », il apparaissait comme artificiellement plaqué sur les structures judiciaires : car, si la formule d’une centralisation parisienne des affaires de grande envergure, avec compétence concurrente entre parquets locaux et parquet parisien avait fait ses preuves (comme en matière de terrorisme), rien ne justifiait, techniquement, qu’on brisât l’unité du parquet pour ce type d’affaires, et, c’était, inévitablement, comme pour toute juridiction d’exception, appeler le soupçon sur les motivations cachées d’un tel choix.

Cela devait, plus que tout l’inciter à une extrême prudence, tant dans sa saisine que dans sa pratique.

Or, en l’occurrence, par rapport aux conditions prévues par les textes pour sa saisine, qui prévoient un critère de grande complexité, on ne peut qu’être au plus haut point perplexe sur ce qui justifiait qu’il s’emparât –et avec quelle hâte !-, d’un tel dossier dont on cherche vainement la complexité particulière... C’était déjà s’exposer à toutes les suspicions.

Mais, en annonçant –dans ce qui fait figure d’une véritable et très inusitée opération de teasing judiciaire-, que, dans ce dossier, d’un côté, les investigations n’étaient pas terminées et allaient se poursuivre –ce qui, en bon sens et en bon droit, devait interdire à la partie poursuivante de se prononcer d’ores et déjà sur la conclusion à en tirer, pour ne pas « mettre la charrue avant les bœufs »-, et, d’un autre côté, très paradoxalement, que les faits étaient constitutifs d’infraction et méritaient une poursuite –ce qu’implique l’absence de classement sans suite décidée-, en laissant planer le suspense sur la suite, il met à mal la présomption d’innocence et donne le sentiment de « jouer au chat et à la souris » ; ce genre de finasserie n’est ni très digne, ni très juridique, et, dans le contexte d’une campagne électorale majeure, ne peut pas manquer d’être analysé et interprété en termes partisans, au mépris du crédit de l’institution judiciaire et de la sérénité de la procédure.

Il faut rappeler qu’une tradition républicaine de bon aloi incitait les magistrats, en dehors du contentieux électoral urgent, à ne pas statuer dans le contexte d’une campagne en cours : saine attitude déontologique qui évitait à leurs décisions d’être exploitées à des fins étrangères par les candidats, et, manifestation de respect démocratique envers le peuple souverain, pour ne pas parasiter les choix de ce dernier par des polémiques sans commune mesure avec les enjeux de la compétition. Il est permis de juger que ces considérations ne sont pas périmées -et, a fortiori, quand il s’agit de désigner le titulaire de la plus haute fonction de l’Etat.

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