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Un « nouveau chemin »… vers le passé

                Des trois courts paragraphes consacrés à la justice, sur douze pages, dans la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre –contrastant, par cette modestie, avec le bruit tonitruant fait, dans les médias, autour de la nomination du nouveau ministre de la justice…-, on ne retiendra guère, concrètement –à côté de la rituelle évocation d’évidences consensuelles et creuses comme l’ « indépendance », « le respect du contradictoire et de la présomption d’innocence », une justice « accessible, compréhensible et efficace » etc. etc. qu’on retrouve sempiternellement dans tous les discours de chefs du Gouvernement ou de garde des sceaux-, que :

                               - D’une part, ce qui n’y est pas : les projets qu’on prête au nouveau garde des sceaux, notamment en matière statutaire : faut-il penser que, face au tollé suscité dans le corps judiciaire, ils sont abandonnés ? Ou bien plutôt… que, par prudence, M. Castex n’a pas voulu, à ce stade, agiter ce « chiffon rouge » ?... La vigilance s’impose donc : un démenti formel et sans équivoque eût mis un terme aux inquiétudes : elles subsistent donc.

                             - D’autre part, l’annonce de la résurrection du « juge de proximité », ce « Lazare » judiciaire… Le passé à l’ordre du jour ?...

                A l’origine, simple slogan de la campagne présidentielle de J. Chirac (sans doute choisi parce que l’expression sonnait bien aux oreilles du public…), qu’il avait fallu, après son élection, introduire, au prix d’un « bricolage » institutionnel, dans une organisation judiciaire de première instance qu’il n’avait fait que rendre encore plus complexe et illisible –et, alors qu’existaient pourtant déjà, par ailleurs, toutes les formules statutaires pour recruter des magistrats à titre temporaire ou des suppléants de juges d’instance-, la formule n’avait rien apporté au fonctionnement des juridictions, et, la « proximité » affichée n’était qu’un leurre ; ce qui avait conduit à son abandon.

                On ne voit pas –d’autant qu’on semble vouloir se cantonner maintenant à la compétence pénale («répression des incivilités du quotidien »)-, quelle plus-value en attendre, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Un « gadget » de communication (comme si la « proximité » tenait à l’étiquette posée sur un juge, et comme si, les autres juges, dès lors, étaient, forcément, des « juges d’éloignement » !) ne peut pas, par lui-même, remédier à des carences qui viennent de loin : en particulier, dans des territoires qui échappent très largement à la loi commune et où la Police hésite à s’aventurer, quelle peut être la place et les moyens d’un tel « proxi-juge » ?! Quand bien même –mais on doute que ce soit vraiment l’intention…-, on rétablirait, pour lui, ces juges coloniaux à compétence étendue qui cumulaient un peu toutes les pouvoirs quand ils partaient en brousse…

                Et ce, alors que l’on vient juste de réformer l’organisation judiciaire ! Comme si elle avait besoin d’un nouveau bouleversement, quand le précédent n’est pas encore pleinement assimilé…

                En fait, on dispose déjà de tous les outils, organisationnels et juridiques, pour faire régner la loi et l’ordre et lutter contre les « incivilités » -soit, en général, d’authentiques infractions, qui ne doivent pas être ainsi euphémisées-, comme, d’ailleurs, pour combattre le « séparatisme » (c’est plus facile de faire des textes, de posture et de communication, que d’affronter vraiment en face les réalités…) : le problème est ailleurs. Et, d’abord, dans la volonté d’appliquer les lois dans toutes leurs rigueurs.

                C’est bien là que le bât blesse, et, spécialement, la présence, au banc du Gouvernement, d’un personnage dont tout, dans l’image publique, le passé professionnel, les déclarations spectaculaires, non seulement est une provocation pour la Magistrature, mais le démenti vivant à la velléité affichée par le Premier ministre : ce n’est pas pour rien que cet avocat a été applaudi à tout rompre par les détenus de la prison de Fresnes, qui ne se trompent pas sur la réalité de ses sentiments profonds… Il est clair qu’il s’inscrit, quant à son approche des questions pénales et sécuritaires, dans le droit fil de ses prédécesseurs Taubira et Belloubet –et, quoi qu’il en soit, on n’échappe pas à son image publique. .

                Le « en même temps » a sa limite : elle s’appelle schizophrénie.

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