« C’est un miracle », s’est exclamée Mme Murielle Bolle en apprenant la décision rendue ce jour par le Conseil Constitutionnel sur la demande qu’elle avait formulée d’annulation de sa garde à vue initiale, en 1984, au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité, transmise –fort imprudemment-, au Conseil par la Cour de Cassation.
Ainsi, pour le Cons. Cons., les magistrats et enquêteurs de l’époque ont été en tort de ne pas avoir anticipé des évolutions législatives très largement postérieures, qui ont, notamment, prévu la présence d’un avocat pour les auditions de mineurs en garde à vue : ils savent donc maintenant qu’ils ne sont pas là pour appliquer le droit en vigueur, mais, celui qui peut le devenir 34 ans plus tard, en fonction de l’itinérance –ou bien plutôt, de l’errance-, jurisprudentielle du Conseil ou de la Cour européenne des droits de l’homme !
Peu importe, apparemment, aux supers-juges du Palais-Royal, que, pendant des années, ils n’aient rien trouvé à redire au droit de l’époque… Et, alors qu’ils ont le pouvoir de moduler la portée de leurs décisions, ils s’y refusent : elle est d’application immédiate à toutes les instances en cours –et, peu leur chaut, manifestement, qu’elle risque de venir torpiller les derniers espoirs de découvrir jamais le ou les abominables assassins d’un jeune enfant.
On mesure, une fois de plus, les effets pervers d’une évolution qui vient de loin –elle avait déjà été dénoncée par l’A.P.M., notamment en 1993 (voir articles, plus que jamais d’actualité, sous le titre « Les dérives du Conseil constitutionnel », en ligne sur le site à l’adresse http://nouvelleapm.fr/la-nouvelle-association-professionnelle-des-magistrats/archives/13-questions-diverses/17-les-derives-du-conseil-constitutionnel). Ils ont été aggravés par la création de cette question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à cette autorité très politique de se prendre pour une cour suprême à l’américaine sans en présenter les garanties qui peuvent asseoir son crédit moral et technique (à titre d’exemple, il serait inconcevable aux U.S.A. qu’un juge à la Cour suprême puisse passer au service de l’exécutif en étant nommé ministre –comme l’a fait Mme Belloubet, dans l’indifférence générale… Ou encore, qu’un membre de la Cour puisse s’inventer une position de « congé » pour aller conduire une campagne référendaire, comme cela est déjà arrivé…).
Alors qu’une procédure de révision constitutionnelle est en cours devant le Parlement, les responsables devraient en prendre conscience : il y a plus urgent et plus important, pour la stature de cette autorité et le statut de ses membres, que d’en évacuer les anciens présidents de la République (même si, bien souvent, ils n’y font que de la figuration).