A l’heure où le drame de Bayonne vient, pour le malheureux chauffeur de bus massacré par une horde de « racailles », de connaître sa tragique conclusion –témoignant, hélas parmi tant d’autres « faits divers » que charrie l’actualité quotidienne, de l’ensauvagement de certains milieux dans notre pays, qui ne se contentent pas de récuser la loi républicaine et le drapeau national, mais, bafouent les règles les plus élémentaires du « vivre-ensemble » et ne connaissent d’autres modes d’expression et de relation que la violence et la force brute-, des membres du Gouvernement ont su faire part de leur émotion et de leur indignation –tout comme après le meurtre de la jeune gendarme Mélanie Lemée à Port-Sainte-Marie, tout aussi « exemplaire », à sa façon, de cette dramatique dérive, que des années d’inconscience de nos dirigeants ont laissé naître et s’amplifier.
Si une voix eût dû se faire entendre aussi, tout naturellement, en la circonstance –et, Dieu sait qu’elle a montré qu’elle pouvait le faire avec puissance (notamment, quand il s’agissait d’agresser les magistrats…) !-, c’était bien celle du ministre de la justice, non seulement en qualité de défenseur de la loi et de ceux qui la servent, mais aussi, responsable, comme supérieur du Parquet, de l’exercice des poursuites contre les misérables auteurs de ces crimes : or, la Place Vendôme est restée muette (on cherche en vain, sur son site officiel, le moindre communiqué ou prise de position en ce sens…).
Il est des silences plus éloquents que la plus tonitruante des plaidoiries d’assises : visiblement, le premier réflexe, chez Me Dupont-Moretti, n’est pas encore de prendre le parti vigoureux de la loi, pas plus que celui de l’empathie avec les victimes : on imaginerait plutôt que ce serait, avec quelque gourmandise intérieure, de se rêver dans la peau du défenseur de telles causes aussi difficiles à plaider, pour ajouter quelque trophée à son palmarès… Il faudrait que le chef du gouvernement (qui, fait sans doute sans précédent, a dû justifier publiquement son choix -si tant est que ce soit vraiment le sien…-, et, même, chaperonner son ministre lors de sa première rencontre avec le terrain judiciaire -par crainte d’une bronca ? d’une conduite de Grenoble ?...), lui explique avec fermeté qu’on ne peut être « en même temps » d’un côté de la barre et de l’autre…