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AU « NOUVEAU MONDE », LES AFFAIRES SONT EN MARCHE…

On nous avait promis, avec l’élection de M. MACRON, un « nouveau monde », où la « vieille politique », avec ses acteurs d’un autre âge –celui de nos « grands-mères » et de leurs « anciens francs », comme le disait l’un des ministres transfuges de son camp, avec le zèle sans nuances des convertis de très fraîche date-, et ses sombres « affaires », témoignant de mauvaises mœurs révolues qu’on allait passer au Karcher d’une moralisation à marche forcée, ne serait plus qu’un mauvais souvenir…

Et voilà qu’à peine formé, le nouveau gouvernement compte déjà trois de ses membres –près de 14% de l’effectif, ce qui est sans précédent-, aux prises avec la justice !  

C’est d’abord le cas de celui-là même qui est chargé de la justice, le très inattendu garde des sceaux, M. François Bayrou –dont l’intérêt pour les questions de ce ministère s’était, jusqu’ici, dans le cours d’une aussi longue carrière, fait passablement discret…-, qui a été mis en examen et qui, renvoyé en correctionnelle, devra comparaître en janvier 2019 (!) pour répondre d’une accusation de diffamation : situation tout à fait inédite, dont on mesure ce qu’elle peut avoir de malsain et d’embarrassant :

- Pour le ministère public qui aura à requérir et les juges qui auront à statuer, dont les décisions ne pourront manquer de faire l’objet d’une lecture politisée et dont l’indépendance, à leur corps défendant, sera inévitablement, sujette à controverses.

- Pour le ministre lui-même, en porte à faux vis-à-vis de l’institution dont il a la charge administrative, et, dont le crédit moral ne peut qu’être altéré vis-à-vis de ses services et de l’opinion –et, d’autant plus, ironie de la situation, au moment où il doit porter un projet de loi qui voudrait restaurer la confiance des citoyens dans la vie démocratique…

- Pour le Premier Ministre et le Président de la République, qui ont affirmé que tout ministre mis en examen devra démissionner, qui se trouvent ainsi pris en flagrant délit de contradiction, et, contraints de justifier, comme l’a fait M. Philippe, par des contorsions rhétoriques, une telle exception à leur propre règle… (cette mise en examen serait différente car, plus ou moins « automatique » en cette matière… : voilà donc une règle à géométrie bien variable, qui, à peine posée, est déjà contournée...)

Deux autres ministres se trouvent aussi sur la sellette, qui, bien entendu, bénéficient de la présomption d’innocence, mais, dont, dans l’attente de toute éventuelle suite que la justice pourra donner à leurs dossiers respectifs, la gestion des cas a, très fâcheusement, suscité perplexité et polémiques :

- Pour Mme de Sarnez, qu’on sait très proche du garde des sceaux, en raison du fait que  ce dernier a cru devoir relayer son argumentaire sur son compte Twitter –ce qui, implicitement, était une façon de le cautionner ; ce qui, même fait « à titre personnel », comme il a tenté de le justifier par la suite -bien que sa qualité de garde des sceaux fût mentionnée sur ledit compte…-, n’était pas neutre et constituait un signal clair de soutien : on n’est pas ministre par éclipse ou par morceau !

- Pour M. Ferrand, en raison, dans un premier temps, de la promptitude du parquet local à affirmer l’absence de suspicion pénale –alors même, apparemment, qu’aucune enquête n’avait été diligentée sur les faits révélés par la presse : ce qui a pu apparaître comme précipité, et, alimenter un soupçon de complaisance, en suscitant de l’incompréhension chez beaucoup en regard de la façon dont, récemment, un candidat à la Présidence de la République avait été traité dans des circonstances analogues… On doit aussi, à cet égard, relever le très étonnant propos du Premier Ministre, qui entend faire du suffrage populaire le « juge de paix » de l’intéressé : comme si, dans un Etat de droit, la culpabilité et l’innocence au regard de la loi commune –qui s’applique aux élus comme à tous les autres citoyens-, devaient ainsi être mises aux voix et dépendre du résultat d’un scrutin ! Faut-il en déduire qu’en cas de réélection de l’intéressé, la justice n’aurait plus à s’intéresser à son cas ? Rhétorique de communication ou franc cynisme, c’est, quoiqu’il en soit, le révélateur d’un état d’esprit préoccupant.

Une fois de plus, le débat public sur l’institution judiciaire se polarise donc sur des cas individuels concernant des responsables politiques, exposant la justice au risque d’être instrumentalisée à des fins partisanes qui lui sont étrangères, alors que tant de sujets de fond devraient retenir l’attention et constituer la vraie priorité des gouvernants…

Jean-Paul GARRAUD

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