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CONFINEMENT DU DROIT

Dans le contexte troublé que connaît notre pays, un virus semble affecter aussi notre Etat de droit :

                1°) On voit en effet imposer à la population d’extraordinaires contraintes qui sont autant d’atteintes aux libertés publiques fondamentales (comme celle d’aller et de venir, ou, celle du commerce et de l’industrie…). Sans discuter de l’opportunité de telles mesures –qui relève de la seule appréciation des responsables des affaires publiques-, il est permis de s’interroger :

                               - Sur leur fondement : il s’agit, essentiellement, de l’article L 3131-1 du code de la santé publique, ainsi rédigé : « En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population.»  ; on peut se demander si un niveau normatif aussi modeste est bien conforme aux exigences constitutionnelles touchant l’exercice des libertés publiques (article 34 de la Constitution qui l’inclut dans le domaine de la loi). L’on invoque, aussi, pour faire bon poids, la théorie jurisprudentielle administrative des « circonstances exceptionnelles » : dans un cas comme dans l’autre, ce sont des assises par trop fragiles et aléatoires pour des mesures qui, quand il s’agit, par exemple, de lutter contre cet autre fléau social qu’est le crime, seraient radicalement inopérantes et constitueraient, malgré la légitimité et la nécessité de l’enjeu, de gravissimes abus de pouvoir exposant leurs auteurs à devoir en répondre en justice… On remarquera, au passage, sans savoir si l’on doit encore en sourire, que les milieux idéologiques, médiatiques et politiques, qui, ordinairement, prennent feu et flammes en dénonçant avec force pétitions « le recul de l’Etat de droit », « la régression des libertés » etc. etc. ., quand il s’agit de lutter plus efficacement contre la délinquance et d’accroître, si peu que ce soit, les pouvoirs de la Police –même quand il y va du combat contre une menace aussi majeure que le terrorisme-, restent, en l’occurrence, cois et silencieux, alors que l’on est bien au-delà, par exemple, de ce que permet, avec un luxe de précautions, l’état d’urgence…

                               - Sur leur méthode : outre qu’elle est marquée par l’improvisation et la précipitation, avec des palinodies brutales, qui ne servent pas le crédit de l’ordre juridique, on a pu voir une décision aussi lourde que le report du second tour d’une élection prise par voie d’annonce publique et mise en œuvre avant même la modification de la loi qui, seule, pouvait le permettre ; que la situation soit ou non « régularisée » ultérieurement, ne changera rien au fait que la loi en vigueur a été traitée comme chiffon de papier : c’est, pour le corps social –et, en particulier, la population délinquante-, un très fâcheux exemple, et, un précédent qui peut ouvrir la porte à des dérives qui, entre de mauvaises mains, ne pourraient pas invoquer des motifs aussi dignes de considération que la santé publique…

                               - Sur l’égalité dans leur application : est-on bien assuré, par exemple, que les mesures de confinement des personnes seront respectées de la même façon sur tout le territoire, avec une égale présence et diligence des forces de l’ordre à cet effet ? Quand on sait qu’en temps « normal », la Police ne peut pratiquement pas intervenir dans certains quartiers dits pudiquement « sensibles » -sinon au prix de très gros moyens pour ne pas trop exposer la sécurité de ses membres-, il est fort douteux qu’elle puisse faire imposer dans ces zones de quasi-non-droit, « territoires perdus de la République » -c’est-à-dire, conquis par les « séparatistes » qui s’affranchissent de ses lois-, les règles auxquelles la fraction la plus saine de la population sera, bon gré mal gré, soumise : scandaleuse inégalité devant la loi, qui ne peut que gravement altérer son crédit et celui de l’Etat –en même temps que persistance d’une réelle menace sanitaire pouvant, de proche en proche, toucher tous nos concitoyens.

                2°) On a, parallèlement, une justice rabougrie –qui paye la carence des pouvoirs publics de longue date-, réduite, pour l’essentiel, à traiter certaines situations d’urgence, alors qu’elle devait, déjà, supporter l’impact du mouvement de sabotage procédural exercé par une partie du Barreau ; c’est là une menace grave :

                               - Pour l’égalité des justiciables dans l’accès à la justice, et, donc, au droit ; privilégier des contentieux, dans un contexte de restriction, c’est, inévitablement, en sacrifier d’autres, et, différer une mesure nécessaire peut être parfois presqu’aussi préjudiciable pour celui qui est dans son droit que de ne jamais la prendre… Il faudra un temps considérable pour rétablir la situation.

                              - Pour la mise en route des réformes en cours : alors qu’une cascade de réformes entrent en vigueur, dans des conditions d’impréparation, juridiques et pratiques, qui donnaient matière, déjà, à perturber sérieusement le fonctionnement des juridictions, un tel contexte devrait conduire les pouvoirs publics à y renoncer –au même titre que d’autres, comme il vient d’être annoncé par le Président de la République.

                               - Pour la sécurité publique : les instructions du ministère de la justice, comme la pente sans doute naturelle de la situation, entraîneront un sérieux coup d’arrêt à la répression pénale, au détriment de la sécurité de nos concitoyens, qui, plus que jamais, dénonceront le « laxisme » de la justice –et, malheureusement, risquent de trouver dans l’actualité, avec des « bavures » qui ne manqueront pas d’être médiatisées, de quoi alimenter ce procès… Cette impunité relative de nombreux malfaiteurs –non poursuivis, non condamnés ou condamnés avec un retard considérable, voire, non incarcérés ou relâchés prématurément pour soulager les prisons…-, si elle comblera les vœux de certains milieux idéologiques dont Mme Belloubet n’est pas éloignée, sera ruineuse dans l’esprit public, et, amplifiera le risque criminel au pire moment pour notre pays, avec des forces de l’ordre mobilisées sur d’autres missions, et, des personnes en état de stress moral et/ou de grande difficulté économique.    

                   C’est dans l’épreuve que se révèle la force ou la faiblesse d’un Etat : le Droit n’est pas confiné aux périodes les moins troublées ; c’est, au contraire, quand les temps sont difficiles, que son strict respect manifeste le mieux la solidité des institutions et la valeur de ceux à qui elles sont temporairement confiées.

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