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« GRENELLE DES VIOLENCES FAITES »… A LA LANGUE, A LA JUSTICE ET AU DROIT

Le « Grenelle des violences faites aux femmes » s’est achevé, point d’orgue d’une opération de communication gouvernementale à grand spectacle, où la justice aura fait figure à la fois de figurante (à travers la ministre censée la représenter, éclipsée par plus flamboyante et intrusive qu’elle…), et, de principale accusée (à coups de pseudo-statistiques et d’affaires isolées montées en épingle pour les besoins de la cause, sans aucune considération pour les réalités du terrain et les actions conduites de plus longue date, les pouvoirs publics –Mme Belloubet, cette fois, n’ayant pas été en reste-, ont accrédité l’idée que membres des forces de l’ordre et magistrats n’étaient en somme que des incompétents qui ne connaissaient rien au sujet, et, des irresponsables, complices objectifs des assassins de malheureuses victimes, par incurie, inconscience ou indifférence…). Sur la toile de fond d’un déchaînement hystérique de groupes de pression qui ont fait, d’une question légitime de sécurité publique, un pur enjeu idéologique et militant –ayant même réussi, inculture crasse et suivisme timoré des milieux politiques et médiatiques aidant, à imposer l’absurde terme de « féminicide » (assez sots pour y voir sans doute le pendant, pour le genre féminin… d’ « homicide », qui, dans leur esprit, on l’imagine, doit être associé au seul genre masculin !).

On sait, avec A. Camus, que, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » : il est honteux que des magistrats, dans l’exercice de leurs fonctions, aient pu reprendre ce terme, qui n’a non seulement aucun sens en droit, mais, est porteur d’une vision idéologique biaisée, qui supposerait, si elle devait être consacrée par le droit positif, qu’au-delà du cas particulier, ce serait la Femme en tant que telle, la féminité comme catégorie, auxquelles l’auteur voudrait porter atteinte  –alors que c’est toujours, sauf cas limite exceptionnel du pervers qui frappe anonymement au hasard par seule haine des femmes en général, une femme déterminée qui est visée, comme être singulier, avec tout ce qui fait cette singularité, dans sa personnalité et dans son histoire, et, non comme être générique, comme « universel » ; ce serait, au mépris des principes les plus fondamentaux de notre République, introduire une distinction –discrimination-, fondée sur le genre relativement à ce que les êtres humains, au-delà de cette contingence, ont de commun et semblable et d’égale valeur : leur vie. Libre à chacun de penser, dans le chaudron de ses passions ou de ses névroses, que porter atteinte à la vie d’une femme, c’est plus grave, et, en tout cas, différent, que s’il s’agit d’une homme –ou le contraire : mais il serait monstrueux et régressif, pour le droit, de s’engager dans une telle voie -d’autant que ne manqueraient pas de s’affirmer bruyamment les revendications de ceux qui récusent cette distinction des deux genres, et, pour qui le genre n’est qu’une question de pur choix individuel, indépendamment de toute détermination sexuelle naturelle… (faudra-t-il inventer le « transgenridice », le « bi-genricide », l’a-genricide » etc. etc. ? En attendant que chaque catégorie sociale réclame son « -cide »…). Un terme étymologiquement correct, pour un discours purement criminologique et sans portée juridique, eût été, par exemple, le vieil « uxoricide », pour désigner les homicides commis dans un cadre conjugal (au sens évidemment plus large que celui issu du latin, évolution des modes de vie obligeant) : mais une certaine idéologie féministe radicale n’y eût, pas trouvé son compte : prétendant parler des « violences conjugales », mais, les limitant, au mépris de la logique et des faits, aux homicides commis sur des femmes, le mot l’eût obligé à prendre en compte aussi les homicides commis au sein des couples par des femmes sur des hommes.

On pourrait ironiser –si ce n’était pas de malheur qu’il s’agissait-, sur ces milieux qui semblent aujourd’hui découvrir la violence dans le couple comme « Marie-Chantal » le métro… Et qui en appellent tout d’un coup à la plus extrême répression, en jetant par-dessus bord, à l’occasion, les principes les mieux établis de l’Etat de droit -alors qu’en général, ils étaient aux côtés de ceux-là mêmes qui, de longue date, affichaient les positions les plus « laxistes » en matière pénale…

Il est vrai que la violence dans le couple –qui, bien évidemment, ne se limite pas à celle des hommes contre les femmes dans la dyade « classique » hétérosexuelle, mais se manifeste aussi, comme on a eu l’air de l’oublier, par celle de femmes contre leurs conjoints, et, se rencontre aussi bien, et non moins intensément, dans les couples homosexuels-, heurte et contredit une certaine idéologie, fort répandue dans la société moderne, notamment, à travers la « presse du cœur », qui fait du couple le cadre privilégié de l’épanouissement du bonheur personnel… Alors, qu’en réalité, premier cercle de socialité, il est aussi celui de la confrontation des égoïsmes, des immaturités, des failles et troubles de la personnalité etc., et, il subit l’impact de l’environnement, social, moral ou économique, qui n’est pas toujours le plus favorable. N’en déplaise aux forcené(e)s des groupes de pression, pour qui ce discours est inaudible, les responsabilités dans l’échec d’un couple, dont les actes de violence peuvent être la traduction, ne sont pas forcément à sens unique… De même que la complexité des sentiments humains, comme le respect de la liberté des personnes obligent à une approche nuancée des situations : si la violence doit être combattue et sanctionnée, et, des moyens offerts aux conjoints en souffrance de s’en extirper, ce n’est pas à la société, à travers ses appareils répressifs ou sanitaires, de se substituer à eux dans leurs choix de vie, quand bien même, on les comprendrait mal.

C’est pourquoi, on ne peut manquer de s’inquiéter des surenchères verbales et de l’inflation répressive dans le discours auxquelles on vient d’assister –et dont on peut craindre qu’elles ne trouvent bientôt leur traduction législative, avec des parlementaires par trop poreux aux groupes de pression qui estiment que le Gouvernement n’est pas encore allé assez loin, et, enclins, pour la prise de posture et les faveurs des réseaux sociaux, à bien des extravagances juridiques.

A la présomption d’innocence, des furieux semblent en effet vouloir aujourd’hui substituer une présomption de culpabilité pour les conjoints violents, assise sur la simple dénonciation par la victime alléguée, autorisant, au nom de sa protection, toutes sortes de mesures de contrainte et de pénalisation presque sans autre forme de procès : devra-t-on bientôt enseigner à l’Université un nouveau principe juridique « res denonciata pro veritate habetur » ?! Sous l’égide du fantôme de Robespierre et de sa « loi des suspects »… Aurait-on déjà oublié les leçons de l’ « affaire d’Outreau », et, les dérives auxquelles a pu conduire la sacralisation de la « Parole de l’Enfant » (majuscules, s’il vous plaît) ? La sacralisation de la Parole de la Femme ne manquera pas de conduire aux mêmes errements ; et l’on sait bien comment, dans des contextes de tensions conjugales liées à des séparations et problèmes de garde d’enfants et droit de visite, l’allégation de violences est une arme facile et « classique » dans la guerre que se livrent les intéressés…  

Il est, à cet égard, de l’office élémentaire du magistrat de faire preuve de prudence et de se fonder sur des éléments de preuve suffisamment solides : à faire fi de cette exigence fondamentale, avec des procédures expéditives, on risque une multiplication des erreurs judiciaires.

Il en va de même pour des qualifications passablement nébuleuses, comme l’ « emprise » ou le « suicide forcé » : outre que le droit actuel donne les moyens de saisir ce type de comportements à travers d’autres qualifications, leur promotion tient du pur « affichage » et de ce qu’un rapport du Conseil d’Etat avait justement appelé le « bavardage du droit » ; mais, avec le risque, à travers des définitions floues, de dérives et d’abus, ouvrant des contentieux oiseux.

Le Parlement devra donc savoir résister à des emballements d’où l’Etat de droit sortirait meurtri, et, la justice instrumentalisée.

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