Assimiler les « magistrats » aux « fonctionnaires » -au mépris de la Constitution et du statut de la magistrature-, le rapport Thiriez en rêvait, le Gouvernement vient de le faire, sous le prétexte passe-partout de l’actuelle épidémie -qui, décidément, paraît autoriser tous les piétinements de l’Etat de droit.
En effet, une ordonnance 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19, dans son chapitre II intitulé « Examens et concours d’accès à la fonction publique », prévoit, incidemment, que les dispositions de son article 5, qui autorisent des « adaptations » audits examens et concours (notamment, par absence de présence physique des candidats ou des jurys) pour les trois fonctions publiques, «s’appliquent à l’accès au corps judiciaire et aux magistrats ».
Or :
1°) Ce texte n’est pas contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui n’est pas indiqué dans la liste des ministres responsables de son exécution –ce qui est, pourtant, une exigence élémentaire pour tout texte expressément applicable à la magistrature.
2°) Ce texte a été pris dans le cadre de la loi d’habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020, et, spécialement, de son article 11, qui, au « l » du « 2° » de son « 1 », ne visait que les « modalités de déroulement des concours ou examens d’accès à la fonction publique » -ce qui, par définition, ne pouvait pas viser la magistrature.
Cette ordonnance du 27 mars 2020 bafoue donc ouvertement la Constitution car le statut des magistrats est fixé par une loi organique, qui, entre autres, prévoit les conditions dans lesquelles sont organisés examens et concours, et, généralement, sont précisées les règles d’accès au corps judiciaire, et, notamment, dans le cadre de la scolarité à l’Ecole nationale de la magistrature : seule, donc, une loi organique pouvait autoriser des modifications à ces règles.
Il en résulte qu’en tant qu’elle prétend s’appliquer au corps judiciaire et aux magistrats, cette ordonnance du 27 mars 2020, est entachée d’une radicale nullité, qui exposerait toute décision prise imprudemment sur son assise à la censure du juge administratif, voire constitutionnel (si ce dernier en était saisi, et si, cette fois, il voulait bien jouer son rôle…).
Voilà, en tout cas, qui en dit long sur tout un état d’esprit au sommet de l’Etat, et, sur le peu de cas que l’on peut aujourd’hui y faire du ministère de la justice…