Une épidémie de démissionnite frappe la Cour de Justice de la République, côté parlementaires : on en compte ainsi déjà deux à ce jour, qui entendent par là protester contre la conduite de l’instruction à l’égard de M. Dupond-Moretti, convoqué dans les prochains jours pour s’expliquer sur la poursuite dont il fait l’objet.
Ces législateurs invoquent, à propos, spécialement, de la perquisition effectuée récemment à la Chancellerie, … des « atteintes à la séparation des pouvoirs » : mais, si cette Cour a été instituée –par le Parlement dont ils sont des membres actuels et qui les avait choisis pour y siéger-, c’est bien pour permettre la poursuite, l’instruction et le jugement à l’égard des membres du Gouvernement ! Un privilège de juridiction qui leur évite d’être soumis aux juridictions ordinaires, comme tout un chacun.
Dès lors, tout acte de cette juridiction à l’encontre des ministres en cause, est donc, par définition, une forme d’ « atteinte à la séparation des pouvoirs » -mais, sinon, cela impliquerait l’immunité pure et simple pour les intéressés, qui échapperaient ainsi à toute conséquence pour les infractions qu’ils commettraient : ce serait une invraisemblable régression du droit !
Aussi, il appartient à chacun de jouer son rôle, en toute indépendance : à la formation d’instruction, d’instruire, par les voies et moyens qui lui semblent appropriés ; à la formation de jugement, de trancher sur le fond, ensuite comme elle l’entend.
Ces défenseurs zélés de l’avocat ministre, tout législateurs qu’ils soient, semblent ignorer ainsi la distinction fondamentale entre l’instruction et le jugement (et l’on passera, par charité, sur quelques énormités proférées dans leurs commentaires –telle la qualification de « fonctionnaires » dont l’un d’eux, dans sa crasse ignorance de l’ordre constitutionnel, affuble les chefs de la Cour de Cassation…) : imagine-t-on, dans un tribunal, des juges du siège démissionner, ou, refuser de siéger, au motif qu’ils seraient en désaccord avec les décisions d’un juge d’instruction ?! Ce sont deux temps complètement séparés du processus juridictionnel pénal, qui, de plus, à la Cour de Justice de la République, relèvent d’autorités complètement différentes : la commission d’instruction est composée de magistrats professionnels, la formation de jugement, essentiellement, de parlementaires.
C’est donc, avec cette sorte de déni de justice préventif, de la part de ces « juges » d’occasion, un indigne comportement de militant, bafouant toute élémentaire déontologie de la fonction, que ce soit par proximité partisane ou faiblesse d’ « idiot utile » : il ne peut, en tout cas, que discréditer l’institution et jeter la suspicion sur l’impartialité de l’ensemble de leurs collègues membres de la même juridiction.
Il est clair qu’il s’agit, pour ceux qui s’empressent de voler au secours d’un ministre en difficulté, de chercher à déstabiliser cette juridiction d’exception (mais, bien évidemment, tous les parlementaires en démissionneraient-ils, que cela n’empêcherait en rien la commission d’instruction d’aller au bout de ses travaux, et, le Parlement en serait quitte pour remplacer les absents…).
Lors de la première réunion de la Cour, pour l’affaire dite « du sang contaminé », l’A.P.M., devant un verdict illégal (l’attribution, en violation des textes, d’une dispense de peine au ministre condamné), avait déclaré : « il ne suffit pas d’enfiler une robe noire pour avoir l’air d’un juge » : leurs successeurs veulent-ils à tout prix confirmer ce jugement. ?