Dans une tribune publiée le 20 mai la Conférences des premiers présidents de cours d’appel réclame la tenue d’ « assises de la justice pénale », avec l’ambition de « refonder le pacte républicain pour la justice ».
Elle estime, en effet, que la Justice a « un besoin impérieux de ne plus être l’otage de joutes électorales et de quitter ce théâtre incessant de polémiques, d’accusations et d’incompréhensions », pour mettre fin à des « cycles mortifères de communications et d’imprécations qui fragilisent non seulement l’autorité judiciaire mais surtout la confiance des citoyens dans l’Etat et le ’vivre ensemble’ ».
Ces représentants de la plus haute hiérarchie judiciaire soulignent ainsi, en termes vigoureux, les incohérences des responsables politiques, qui viennent reprocher aux magistrats… d’appliquer les lois qu’ils ont eux-mêmes votées ! Et, de prendre la justice comme le bous émissaire de leurs propres carences, en la saturant de lois de circonstance, empilées de manière chaotique, au fil de l’eau des faits divers, en la bombardant d’injonctions contradictoires, et, en la laissant dans le dénuement de ses moyens matériels et humains.
Ils rappellent, à juste titre, le scandale inouï qu’a été, l’an dernier, les libérations massives de détenus, avec les pressions exercées par la Chancellerie pour en avoir toujours plus, et, la mise en veilleuse des tribunaux, considérés par la Macronie comme un service public non essentiel (scandale que, de son côté, la Cour des comptes vient de fustiger en des termes très sévères et sans appel, et, qui restera une tâche majeure sur le quinquennat de l’actuel Président, témoignage de son indifférence et de son mépris).
On doit donc comprendre et partager l’exaspération de ces chefs de juridiction qui crient « ça suffit !».
Cependant, le peuple français, lui aussi, crie « ça suffit ! » -et, cela, on se demande si ces responsables le comprennent suffisamment…
« Ça suffit » de ce laxisme qui voit plus de la moitié des infractions rapportées à la justice et dont l’auteur est identifié, faire l‘objet, sur décision des parquets, d’une tout autre mesure qu’une poursuite pénale ayant pour but d’obtenir une sanction (ce qu’on appelle « alternative à la poursuite » et que la Chancellerie a le front de nommer « réponse pénale », alors qu’elle n’a ni pour objet ni pour effet e prononcé d’une peine ! On est dans la novlangue orwellienne…). Et, il faut savoir, que, dans la moitié des cas, cette « alternative » est un simple « rappel à la loi », qui doit faire mourir de rire ceux qui en bénéficient (Me Dupont-Moretti qui, il y a, quelques jours encore s’en targuait, vient, en catastrophe, et, sans avoir même prévu la moindre mesure de remplacement, de faire voter sa suppression, comme un os à ronger donné aux policiers par le Gouvernement pour tenter d’apaiser leur colère…).
« Ça suffit » de cette dévitalisation de la sanction, et, en particulier de la peine de prison, qui voit les peines prononcées très en-deçà des peines encourues (pas de « plancher »…), et, comme un bonheur n’arrive jamais seul pour le condamné, la peine effectivement exécutée –quand, par chance, elle l’est-, être très inférieure à ce qui avait été prévu (et, Me Dupond-Moretti, derrière le rideau de fumée d’une suppression de l’automaticité des crédits de peine, est en train de faire voter une réforme qui, en réalité, va faire passer le total de l’abrégement potentiel de la détention de… 5 mois à 6 mois, avec, en prime, une libération automatique –mais oui ! la contradiction ne le dérange pas…-, trois mois avant la fin.).
« Ça suffit » de cette incapacité trop souvent, à décourager et briser net les carrières criminelles, avec ces casiers judiciaires à rallonge, où s’additionnent les sursis, qui perdent ainsi toute valeur intimidante aux yeux des récidivistes et prédateurs d’habitude qui forment le gros des troupes de la délinquance.
Bref, si la justice veut retrouver la confiance des citoyens ; c’est d’abord à leur attente de sécurité, assurée par une répression ferme de ceux qui y portent atteinte, qu’elle doit répondre, car rien n’est plus ravageur dans l’esprit public, et corrosif pour le pacte républicain que le sentiment de l’impunité des malfaiteurs : nul besoin, pour cela, du théâtre d’ « assises de la justice pénale », il « suffit » d’entendre la voix du peuple qui crie « ça suffit » et d’y répondre.