La Chancellerie médite une réforme d’ampleur de la pyramide judiciaire, qui semble devoir se traduire par un double mouvement :
- D’une part, l’élévation au « troisième grade » d’un peu plus de 300 postes, qui, pour plus des 2/3, seraient des postes de chefs de juridiction, « petites » et « moyennes » ;
- D’autre part, en contrepartie (on appelle cela « déshabiller Pierre pour habiller Paul »…), le déclassement de postes de présidents de chambre et d’avocats généraux de cours d’appel…
C’est une régression : pour beaucoup de collègues, ces postes hors hiérarchie sont le couronnement de leur carrière et la juste sanction d’une expérience et d’une compétence, particulièrement précieuses au niveau d’une cour d’appel, tant pour corriger, s’il y a lieu, les décisions prises au premier degré que pour former ceux qui les assistent dans cette tâche et assureront leur relève.
C’est dévalorisant pour ceux qui exercent aujourd’hui ces fonctions ; et moins motivant pour ceux qui pouvaient aspirer à les exercer.
C’est contraire aussi à la parité entre les collègues hommes et femmes car les femmes sont plus nombreuses à aspirer aux fonctions hors hiérarchie de la cour d’appel, plutôt que d’être cheffe de juridiction qui traduit souvent un nomadisme judiciaire contraire à la vie familiale.
Une fois encore, la Chancellerie aime récompenser ceux qui se punissent en changeant régulièrement de lieu d’affectation et faisant de ce critère qui n’est pas un critère de compétence, l’axe premier de la promotion plutôt que de rechercher les talents du Droit.
De toute évidence, ce choix a été dicté par le contexte de pénurie budgétaire ; c’est un précédent inquiétant, car cet expédient de circonstance fait craindre, eu égard à l’inflation des besoins, qu’il n’en annonce d’autres dans l’avenir…
Il y a environ un quart de siècle, le blocage des carrières avait trouvé une solution dans un repyramidage d’envergure de nombreux postes, créant ainsi des possibilités d’avancement pour ceux qui, jusque-là, étaient contraints de piétiner : en revenant en partie sur ce progrès, avec ce dépyramidage, on donne, un signal très négatif au corps judiciaire, alors que se manifeste une certaine désaffection pour la fonction.
La consultation de la Chancellerie se poursuit jusqu’en avril prochain et l’APM restera vigilante à défendre les intérêts du corps judiciaire.