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PRESOMPTION DE DEVOIEMENT LEGISLATIF

L’annonce faite récemment d’un futur projet de loi créant une « présomption de non-consentement » à une relation sexuelle avec un majeur pour un mineur jusqu’à 15 ans appelle les plus expresses réserves :

            1°) On se demande d’abord pourquoi ce projet paraît piloté par Mme SCHIAPPA, au mépris de la compétence naturelle de la Chancellerie : on ne voit pas en quoi « l’égalité entre les hommes et les femmes » peut être concernée en l’espèce, alors qu’il s’agit d’une problématique de rapports entre majeurs et mineurs, et, que tous les sexes peuvent indifféremment être en cause (la pédophilie n’est pas l’apanage exclusif des hommes à l’égard des petites filles !).

            2°) On a, une fois de plus, un cas de la très détestable pratique « un fait divers, une loi » : soit, de cette législation de circonstance et d’émotion, destinée moins au progrès du droit qu’à la prise de posture médiatique de responsables politiques ; ce qui est d’autant plus paradoxal, en l’occurrence que les deux faits divers qui en ont été le prétexte concernent des procédures judiciaires en cours, qui n’ont pas trouvé leur conclusion définitive –rien n’interdit de penser, a priori, que cette dernière ne sera pas de nature à apaiser les craintes qui ont pu s’exprimer !

            3°) Sur le fond, ce projet est, à la fois inutile et dangereux :

            - C’est un projet inutile, parce que le droit en vigueur offre toutes les possibilités de sanctionner, quand il y a lieu, l’abus, par un majeur, de l’avantage moral que peut lui donner son âge : l’article 222-22-1 du code pénal prévoit que la « contrainte », qui, avec la « violence », « menace » ou « surprise », peut être constitutive de l’agression sexuelle, peut être aussi bien physique que « morale », et, que cette « contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime » : bien comprise, cette disposition permet de sanctionner le cas où un majeur bénéficie d’une faveur sexuelle du seul fait de l’autorité de pur fait que peut lui conférer la supériorité de son âge. L’article 222-29, pour sa part, prévoit même une circonstance aggravante en raison de la « particulière vulnérabilité » due à l’âge de la victime : ce qui est une circonstance de fait à apprécier cas par cas, mais, peut couvrir l’hypothèse d’un très jeune âge, exclusif, normalement, de la pratique des relations sexuelles.

            - C’est un projet dangereux, qui peut aboutir à des situations aberrantes : sans même évoquer l’absurdité –manifestement anticonstitutionnelle-, que serait une automaticité de l’infraction, sans considération de la réalité des circonstances, on aboutira, si l’on pénalise le seul fait, pour une personne majeure, d’avoir des relations avec une personne mineure avant 15 ans, à ce paradoxe que deux mineurs, l’un d’eux serait-il très proche de 18 ans quand l’autre aurait moins de 15 ans, seront parfaitement libres d’avoir des relations entre eux –et, seront supposés avoir tout le discernement à cette fin, pour peu que le consentement de l’un d’eux ne soit pas altéré dans des conditions relevant du code pénal-, mais, passé le seuil de 18 ans pour le plus âgé, les foudres de la loi s’abattront, et le ou la partenaire sera considéré(e) comme une « victime »… C’est faire fi de toute réalité sociologique et humaine, et, ignorer l’état des mœurs ambiantes ! (on peut gager que si un gouvernement d’une autre tendance politique avait proposé une pareille réforme, toute la gauche intellectuelle, médiatique et politique n’eût pas manqué de hurler au « retour à l’ordre moral » et à « l’atteinte à la liberté sexuelle des jeunes »…).

            4°) En fait, la question posée est celle du discernement du partenaire mineur : eu égard à la très grande variété des situations, et, aux différences considérables de maturité qui peuvent exister entre des jeunes du même âge, c’est, par définition, une question à laisser, in concreto, à l’appréciation des juridictions ; au demeurant, c’est une problématique qui leur est familière, et, si, dans un cas particulier, une décision peut surprendre, il n’est, alors, que de faire jouer les mécanises habituels de recours. Si un seuil doit être fixé, il doit l’être à un âge qui, comme celui de 13 ans, par exemple, présente une cohérence avec le reste de notre droit, puisque c’est celui de la responsabilité pénale : comment justifier qu’entre 13 et 15 ans, avec ce projet, on pourrait être jugé apte à commettre des infractions et à en répondre en justice, et, incapable de consentir à une relation sexuelle ?!

Mais, il est clair qu’on est ici au-delà de tout débat rationnel : il ne s’agit, de toute évidence, que d’instrumentaliser la loi au service de fins militantes parfaitement indifférentes à sa qualité.

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