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VERS UNE JUSTICE DE PENELOPE, OU, LE GRAND DETRICOTAGE DES SANCTIONS PENALES…

Chaque année 14 a les unions sacrées qu’elle mérite : ce n’est plus, aujourd’hui, contre l’empire allemand, comme il y a un siècle, mais… contre la justice.

Deux parlementaires, en effet, un de la majorité et un de l’opposition, viennent de se liguer pour faire adopter –comme on peut le craindre-, à une très large majorité si ce n’est, même, à une quasi-unanimité, une proposition de loi « relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive ».

Il est, en effet, vivement reproché par les promoteurs du texte –qui se font l’écho de campagnes médiatiques récurrentes-, à l’actuelle Cour de révision d’exiger « un doute sérieux, raisonnable ou important » -inouï, non ?! Et, l’on met en regard… le nombre de décisions reconsidérées en appel - qui n’a, évidemment, pas le moindre rapport avec la question, et, témoigne, au contraire, de la valeur des garanties actuelles contre l’erreur : c’est un sophisme aussi ridicule que choquant.

Ce scandale (refuser d’annuler, en somme, sur un simple doute peu sérieux, déraisonnable ou insuffisant une condamnation -qui, la plupart du temps, après instruction, a quand même déjà fait l’objet d’un examen par au moins deux juridictions successives, grâce au double degré, avec, souvent, en prime, un recours en cassation…), ne pouvait plus durer : désormais, la révision pourra être obtenue « au moindre doute ».

Il est clair que l’on fait grief, en fait, à la commission d’instruction et à la Cour de révision, de n’avoir pas cédé aux diktats d’une poignée de people et de quelques médias, qui avaient pris fait et cause pour certains condamnés –dont on ne craint même pas, dans le rapport, de citer les noms…

De fait, on s’est accoutumé à voir des figures du monde artistique, littéraire ou intellectuel –ou y prétendant-, instrumentés par des avocats -plus habiles à gagner leurs causes devant les caméras que dans les prétoires-, essayer de faire pression sur la justice en brandissant l’arme du doute autoproclamé, sans apporter des éléments si peu que ce soit tangibles et exploitables (c’est ce que le juge Didier Gallot avait, dans un ouvrage consacré aux grâces discutables du président Mitterrand,, joliment appelé « syndrome de Zolhutaire » -pour Zola, Hugo, Voltaire-, par lequel certains, de plus petit format que leurs illustres précédesseurs, tentent, à bon compte, de se sculpter une statue de conscience morale –on a les affaires Calas ou Dreyfus que l’on peut…).

En d’autres temps, un MORO-GIAFFERI pouvait s’exclamer « l’opinion publique, chassez-là cette intruse, cette prostituée qui tire le juge par la manche… » : on veut clairement, avec ce texte, que la justice se mette à la remorque de cette même opinion publique –ou, de ceux qui prétendent parler en son nom ; laquelle, comme on en a eu tant de fois l’exemple, est capable, un jour, comme à Outreau, de réclamer la dernière rigueur pour un « tentaculaire réseau de notables pédophiles », et, le lendemain, de s’étrangler d’indignation devant le scandale inouï de l’innocence « brisée, outragée, martyrisée » par des juges incapables ou pervers…

Alors que l’un des plus grands maux de la justice pénale, à notre époque, c’est déjà la remise en cause trop facile des jugements prononcés –et, dans des proportions énormes à l’occasion, jusqu’à l’inexécution pure et simple des peines d’emprisonnement, par exemple-, par le biais des « aménagements » de peine, au stade de leur exécution, on entend, ici, instaurer l’instabilité permanente des condamnations elles-mêmes, en faisant fi de toutes les garanties procédurales existantes.

Il est bien évident que rien ne sera plus facile d’alléguer le « moindre doute » -et, même, dans le cas où l’on n’aurait aucun argument à avancer à cet égard, il est prévu que l’on pourra requérir le Parquet… de faire des investigations pour dénicher des éléments en ce sens !

C’est cela que d’aucuns célèbrent par avance en y voyant « un grand texte de civilisation » -envoyez la « Marseillaise », s’il vous plaît, en fond sonore, ou, l’ouverture de « Zarathoustra », pour fêter dignement ce passage de l’ombre à la lumière…

De la part de l’actuelle majorité qui s’apprête (les élections passées, tout de même : on n’est jamais assez prudent…), à organiser, avec le « projet Taubira », le « détricotage » des sanctions pénales, on peut y voir une certaine cohérence logique ; de la part de ses adversaires, voter un texte pareil serait plus problématique : on veut espérer un sursaut de cohérence et de lucidité, en surmontant un réflexe trop facile et peu rationnel de méfiance envers la magistrature...

Certes, la justice ne prétend pas à l’infaillibilité, et, la vérité judiciaire n’a jamais eu l’ambition d’être une vérité absolue, platonique, inscrite dans l’empyrée des Idées pures… ; ce n’est jamais que la vérité, relative, d’un dossier, résultant de la balance de tous ses éléments, à charge et à décharge ; mais, une fois que cet exercice a été fait, avec toutes les garanties et recours dont on peut, chez nous, l’entourer, il faut bien qu’à un moment, il y ait un point final, et que, la remise en cause ne puisse intervenir que s’il y a des raisons suffisamment fortes, et, plus encore, nouvelles, inconnues lors du procès.

Or, très souvent, dans les « affaires » pour lesquels on voit des gens, par intérêt ou simple naïveté, s’enflammer, il n’y a pas d’autre élément réel au débat que ceux qui étaient déjà connus et ont pu être déjà discutés –bien ou mal, ce n’est plus le problème : c’est, en fait, ce débat que l’on cherche à rouvrir par ce biais, pour une nouvelle chance ; c’est là un véritable détournement de la procédure de révision, et, c’est ce détournement –que les magistrats en cause, avec sagesse, s’efforcent d’éviter dans leur pratique des révisions-, que le texte veut officialiser.

Et, en plus, sans cohérence logique, car, si l’on prétend lutter contre les « erreurs judiciaires », il ne faut plus être « hémiplégique » : l’erreur judiciaire, c’est autant un innocent condamné qu’un coupable blanchi ! Or, par une de cette « traditions » très discutables qu’on laisse perdure sans s’être jamais s’être vraiment donné la peine d’y réfléchir, le projet entend maintenir la contradiction actuelle de notre droit qui veut qu’un condamné acquitté pour un meurtre ou un viol, par exemple, même formellement impliqué par une analyse ultérieure d’A.D.N. que permet maintenant la science moderne, pourra tranquillement narguer victime et justice sans rien risquer. Et, justement, un cas récent, a mis en lumière cette grave anomalie : le moins serait que cette disposition aberrante fût rectifiée sans attendre ! (sous la seule réserve de la prescription, bien entendu).

Il faut souhaiter, si ce texte était voté, que les magistrats chargés de l’appliquer fissent preuve de courage et sens des responsabilités, en écartant –sans se laisser impressionner par les clameurs extérieures cherchant à leur dicter leur décision-, les demandes mal fondées –c’est-à-dire, ne pouvant se prévaloir d’un doute résultant d’éléments suffisamment nouveaux et probants-, pour éviter à la justice de ressembler un jour à une toile de Pénélope que l’on mettrait autant d’énergie à tisser qu’à défaire… Il n’y aurait que les pires ennemis de la société pour s’en féliciter : à chacun de choisir son camp.

bureau de la nouvelle APM

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